Peintre de sujets religieux, portraits, natures mortes, compositions murales.
Il entra à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1824. Il a beaucoup exposé au salon de Paris, obtenant des médailles en 1834, 1838, 1848. En 1870 il y présente son Péché originel.
On lui doit trois tableaux dans la salle des séances du palais du Sénat (1861), le plafond de la nouvelle bibliothèque du Louvre (1861), la peinture de la chapelle de Sainte-Catherine, dans l'église Saint-Roch à Paris ; et dans les galeries de Versailles, les portraits de Louis XII, de Charles IX, de Claude d'Annebaut, de Paul de la Barthe, de Ney.
In : Musées Midi-Pyrénées
• Bien que né à Paris, Adolphe Brune passe son enfance à Souvans, petit village du Jura près de
Dole d'où est originaire toute sa famille. Il commence ses études primaires à Poligny, puis se
distingue de la façon la plus brillante au collège de Dôle. Son père le destine alors au barreau
et l'envoie à Paris pour y faire ses études de droit. Mais, profitant du moindre instant de
liberté, c'est vers des leçons de peinture que le jeune homme se tourne, auprès de grands
maîtres, tels Gros et Girodet. Ce dernier écrit un jour à son père « qu'il y aurait meurtre à
enlever un sujet pareil aux beaux-arts, qu'il en a le don, et qu'avec le travail, il en atteindrait le
génie 1 ».
Le père suivra ces judicieux conseils et accompagnera même cette vocation naissante.
Adolphe Brune passe alors de l'école de droit à celle de médecine, afin de pénétrer les secrets
de l'anatomie. À 20 ans, il est envoyé par son père en Italie. Il y résidera six ans, travaillant
inlassablement avec les plus grands maîtres de l'époque. Après sa mort, sa sœur Élise d'Ornant
classera plus de 1200 dessins à la mine de plomb ou coloriés, datés de ses passages à Rome,
Naples, Pise, Florence et Milan. « En 1833, Adolphe Brune fait sa première apparition au
Salon où il obtient un brillant succès, qui ne s'est jamais ralenti ». Jusqu'à sa dernière heure, il
conservera son talent. S'inspirant de ses seuls souvenirs, il fixe un jour sur la toile les traits de
son neveu. Cette pose admirablement vivante se révélera pourtant une œuvre de maître.
« Adolphe Brune excellait dans les portraits, non seulement par une ressemblance parfaite,
mais par la transparence des chairs, où le sang circule, par les mains, admirables de modelé,
par l'agencement du costume, par le mouvement, par la vie enfin. Celui de la duchesse d'Uzès
fit sensation, ainsi que plusieurs autres ».
Outre son talent pictural, Adolphe Brune était exceptionnellement doué dans de nombreux
domaines. Sa personne bénéficiait d'un très beau physique, aux traits remarquables. Il avait les
manières les plus aristocratiques, était excellent musicien, jouissait d'une voix si étendue
qu'on l'a toujours comparée à celle de Mario, le célèbre chanteur d'opéra, dont il égalait le
charme. « Toujours simple et sincère, essentiellement bon, d'une douceur de caractère
inaltérable, et d'une grande modestie, on ne pouvait pas le connaître sans l'aimer, tant il était
aimable et gracieux. On éprouvait pour lui une tendre admiration ».
Élève du baron Gros à l'Ecole des beaux-arts de Paris où il entre en avril 1828, Adolphe
Brune expose au Salon à partir de 1833. Il affectionne alors particulièrement les peintures
d'histoire, empruntant ses sujets à la mythologie, à l'Ancien et au Nouveau Testament. Mais il
expose également quelques portraits de contemporains, ainsi que des œuvres naturalistes à
thème floral vers la fin de sa carrière. Il acquiert une assez large reconnaissance qui encourage
les pouvoirs publics à lui commander des œuvres pour divers monuments de la capitale, et
également pour des édifices civils. Après le succès remporté aux Salons par certaines de ses
œuvres, plusieurs de ses peintures sont acquises par l'État pour les musées de province, telle
L'Adoration des Mages pour le musée des beaux-arts de Mulhouse. Il réalisera également de
nombreuses estampes, présentes dans plusieurs musées de province.
Le déroulement de sa carrière est honorablement jalonné de distinctions officielles aux
Salons. Après une médaille de deuxième classe en 1834, il reçoit une médaille de première
classe en 1838, qui lui sera renouvelée en 1848. En 1861, il est décoré de la Légion d'honneur.
Adolphe Brune est décédé à Paris le 1er avril 1880. Il est inhumé au cimetière de la Salle, à
Tours, dans la tombe de la famille d'Ornant où repose sa sœur Elise.
In : Société d'Histoire et de Géographie de Mulhouse
1) ↑Bulletin de la société d'Agriculture, Sciences et Art de Poligny, 1881. Toutes les citations sont
extraites de cet ouvrage.
PORTRAIT DE GUSTAVE DE ROTHSCHILD (1829-1911) ADOLESCENT, L’ANNÉE DE SA BAR-MITZVAH.
- 100 x 81 cm, huile sur sa toile d’origine. Signé « ade. Brune. » en bas à droite. Au verso, une inscription au pochoir : « VALLE et BOURNICHE seuls élèves et succ. de BELOT rue de l’Arbre sec °3 ». Cadre d’origine en bois doré à décor de palmettes. Au revers du cadre, au crayon : « Comtesse d’Ornant ».
- Provenance :
Collection personnelle de l’artiste jusqu’à sa mort en 1880.
Légué à sa sœur, Elise Brune, comtesse d’Ornant.
Collection des héritiers de la comtesse d’Ornant.
• Fascinant, notre tableau est énigmatique à plus d’un titre et ne se découvre qu’après une recherche minutieuse. C’est le portrait d’un jeune homme de la haute société parisienne vêtu avec toute l’élégance du début des années 1840 et qui vient certainement de célébrer sa Bar-Mitzvah. Adossé à un coussin damassé, sa kippa brodée, ostensiblement « orientaliste », posée près de lui, il tient sur ses genoux un livre ancien et précieux rédigé en hébreu, mais son regard calme et intelligent est posé sur le spectateur, regard d’un adulte et non plus celui, naïf, d’un enfant. Les tons dorés, bruns, rouges, gris se marient harmonieusement pour créer une image d’un grand raffinement, solennelle et cependant intime. La lecture de ce portrait est donc double : à la fois représentation traditionnelle d’un adolescent d’une famille aristocratique et affirmation de l’observance religieuse et de la dévotion orthodoxe.
La toile porte la signature d’Adolphe Brune, peintre d’histoire « hors concours » et de portraits. Il fut le fils de Denis-François Brune, brillant entrepreneur originaire de Souvans qui tenait à Paris un salon célèbre après avoir été ruiné par son associé, non moins brillant agronome, dans ses terres du Jura. Grand amateur d’art et écrivain à ses heures, Denis-François Brune encouragea vivement son fils à devenir peintre, alors qu’il le destinait au barreau. En 1824, après des études de droit et de médecine, Adolphe entra à l’école des Beaux-Arts de Paris pour y suivre la classe du peintre Antoine Jean Gros. Il semble avoir également fréquenté l’atelier d’Ingres et fait un voyage en Italie financé par son père. En 1833, Brune fit ses débuts au Salon avec une Adoration des Mages achetée par l’État et plusieurs portraits dont peut-être celui de sa sœur Elise, comtesse d’Ornant de Sévilly (Tours, musée des Beaux-Arts). Mais il se fit vraiment remarquer au Salon de l’année suivante en présentant une Tentation de Saint Antoine nourrie de références caravagesques. Récompensée par la médaille de deuxième classe, elle fut acquise par le duc d’Orléans. Toutes ses participations aux Salons, plus ou moins régulières jusqu’en 1873, étaient depuis immanquablement louées par la critique, tels l’Exorcisme de Charles II offert par l’artiste à la ville de Dôle (1835, inv. 135), Loth et ses filles (1837) ou l’Envie achetée par l’État et que Laurent-Jan dans Le Charivari disait posséder « un tel ressort, que les tableaux qui l’environnaient dans le grand salon, semblaient peints de l’autre côté de la toile » (1839, Dôle, musée des Beaux Arts, inv. 71).
Peintre renommé souvent sollicité pour la décoration des monuments publics (plafonds de la salle du Trône au palais de Luxembourg, la coupole de la bibliothèque du Louvre qui lui valut la croix de la Légion d’Honneur, les fresques de l’église Saint-Roch...), Brune excellait dans le portrait mondain, genre qui semblait fait pour lui. Son éducation parfaite, ses manières aristocratiques, son caractère aimable, ses talents de musicien et de chanteur lui avaient ouvert les portes de la haute société dès ses débuts parisiens. Son portrait de la duchesse d’Uzès fit sensation et lui gagna rapidement une clientèle fidèle parmi les membres des plus grandes familles. On admirait chez Brune sa facture précise, la fermeté des lignes, le coloris assuré, la transparence des chairs, la pose recherchée et cependant naturelle, la ressemblance sans flatterie excessive et le gracieux dessin des mains, tout en se félicitant de poser pour un artiste estimé par l’État.
Le modèle de notre tableau est donc à rechercher parmi ces puissantes familles juives assimilées, attachées à leur rang et en accord avec les goûts de l’époque, mais fières de leur foi. Or, en 1840, la communauté juive de Paris ne représentait guère plus de huit mille âmes, la plupart de ses membres venant de l’Est de la France et d’Allemagne et ayant souvent une pratique religieuse discrète. Dans le recensement de 1839, on ne trouve que 15 familles de la haute bourgeoisie d’affaires, dont les Péreire, les Fould, les Goldschmidt, les Worms, et surtout les Rothschild, réunis autour de James de Rothschild (1792-1868), fondateur de la branche française, installé à Paris depuis 1812.
Les Rothschild étaient les seuls à revendiquer de façon constante leur judaïsme, toujours avec exclusivité, fierté, rigueur, philanthropie et solidarité communautaire. Si James ne parait s’être véritablement intéressé à la religion que vers 1850, son épouse Betty fut très pieuse et éleva ses cinq enfants dans la foi juive et dans la pratique quotidienne. Elle avait engagé Albert Cohn, orientaliste autrichien, pour apprendre à ses enfants l’hébreu, l’histoire du peuple juif et leur donner une instruction religieuse complète.
Grand amateur d’art et collectionneur insatiable, James commandait peu de portraits de famille, mais toujours aux artistes les plus en vue, comme Emile Callande de Champmartin, Ingres, Ary Sheffer, Hippolyte Flandrin ou Louis Grosclaude. Celui-ci présenta au Salon de 1837 le portrait de James (numéro 391, perdu), puis celui d’un enfant de James au Salon de 1839 (numéro 944, perdu). Il existe en outre un double portrait d’Alphonse et de Gustave de Rothschild de sa main, datable de 1840 environ (collection particulière, château Lafite).
C’est la confrontation de notre tableau avec ce double portrait et la grande ressemblance du modèle avec James de Rothschild qui permet d’en identifier le modèle comme étant Gustave, troisième enfant de James après Charlotte et Alphonse et avant Salomon, Edmond et Aveline. Il succéda à son père en 1868 avec ses frères, fut consul général d’Autriche-Hongrie, administrateur de la Compagnie du chemin de fer Paris-Lyon et un collectionneur d’art célèbre. En 1858, il devint président du Consistoire central israélite de Paris, puis subventionna la construction de la synagogue de la rue de la Victoire et l’agrandissement de l’hôpital Rothschild.
Gustave célébra sa Bar-Mitzvah à la Synagogue Notre Dame de Nazareth le samedi 23 avril 1842 sous l’autorité des rabbins Zadok Kahn et Ennery. C’est très vraisemblablement à cette occasion que notre portrait était commandé, à l’instar de celui de la sœur aînée de Gustave, Charlotte, réalisé par Ary Scheffer la même année 1842 pour célébrer son mariage avec Nathaniel de Rothschild.
Adolphe Brune était déjà à cette époque un portraitiste recherché et les contacts avec James de Rothschild ne manquaient pas. Déjà, son professeur , le baron Gros, fut un intime des dîners de Betty de Rothschild. Un autre élève de Gros, le décorateur Eugène Lami (1800-1890) qui travailla aux galeries historiques de Versailles entre 1833 et 1837 en même temps que Brune, fut régulièrement employé par James depuis 1836. Enfin, le baron de Rothschild avait acquis, au Salon de 1844, Les Enfants Maroudeurs de l’élève de Brune, Faustin Besson, avant de lui commander, en 1855, les portraits de ses fils Salomon et Edmond destinés au château de Boulogne. Autant d’éléments qui laissent croire que l’art de Brune convenait assez au goût exigent de James de Rothschild pour qu’il lui passe commande d’une image de son fils.
Reste que notre tableau, parfaitement achevé et richement encadré, ne fut jamais livré à son commanditaire et demeura la propriété de l’artiste jusqu’à sa mort. À moins qu’il s’agisse d’une version que le peintre exécuta pour lui-même, satisfait et fier de son travail. Car les longues poses nécessaires qui laissaient au commanditaire tout le temps d’intervenir si quelque chose ne lui convenait pas et la connaissance que devait avoir James du style déjà formé de l’artiste rendent peu probable l’hypothèse selon laquelle l’œuvre n’aurait pas plu. Une œuvre exceptionnelle donc et un portrait à part dans la production mondaine d’Adolphe Brune, dont étonnamment peu de tableaux subsistent malgré les louanges répétées de ses contemporains.