La hiérarchie des genres, qui plaçait le paysage en pénultième position, juste devant la nature morte, desserra progressivement son étreinte à partir de la Révolution française et des premiers émois romantiques. C'est dans ce hiatus artistique, entre le paysage "moral" d'un Poussin et celui plus exalté des Romantiques, que Jean-Pierre Péquignot établit son art, des paysages idéels où les personnages ne semblent souvent occupés qu'à remplir leur éternel otium par les choses de l'esprit ou en se fondant, ainsi que d'oniriques architectures, dans une Nature rêvée où le temps, sinon l'espace, est définitivement aboli. Cette Nature qu'on imagine volontiers heureuse avec ces ciels toujours bleus et cet air hyalin et lumineux ne s'estompant qu'en ses lointains, laisse échapper, au milieu des gazouillis d'un ruisseau et des clarines des moutons, la douce mélopée d'une syrinx et la cantilène d'un aède. C'est le doux accord entre la bienveillante sauvagerie des montagnes et une rusticité ordonnée par la main de l'homme ou peut-être même par celles des dieux… ce que serait peut-être le monde sans la faute : un Hameau de la Reine survitaminé, du rousseauisme appliqué à la gestion des paysages… Il émane des tableaux de Péquignot l'assurance d'une solide culture, tempérée, dans ce qu'elle pourrait souffrir d'un froid classicisme, par la contemplation heureuse de la Nature. Lire la suite
DAS
— Jean-Pierre Pequignot, Baumes-les-Dames 1765 - Naples 1807, Émilie Beck Saiello, 2005, ed. Artema.
— Un artiste oublié : le peintre Jean-Pierre Péquignot de Baume-les-Dames, Maurice Thuriet, avocat général près la Cour d'Appel de Besançon, membre résidant
Société d'Émulation du Doubs, séance du 23 novembre 1910.
Jean-Pierre Pequignot, Baumes-les-Dames 1765 - Naples 1807,
Émilie Beck Saiello, 2005, ed. Artema
« Vois-tu ces monts lointains dont l'azur peint la cime,
Jeune artiste ? C'est là que des sites nouveaux
T'offrent, tout composés, de sublimes tableaux.
C'est Vietri, c'est la Cave et Salerne et Nocère,
Beaux lieux, amours du ciel, délices de la terre,
Où les vieux chantres grecs, dans les siècles anciens,
Eussent voulu placer leurs Champs-Elysiens...
Mais, pour oser les peindre, il faut être un Virgile,
Un Guaspre, un Péquignot, un Saint-Pierre, un Delille. »1
1. État civil. Besançon
Jean-Pierre Péquignot serait né, si l’on en croit son biographe Lancrenon, le 11 mai 1765 à Baume-les-Dames, près de Besançon. Il est le fils de Claude-Antoine Péquignot, maréchal-ferrand2 et de Marie-Agnès Joliot3. Ses goûts précoces pour le dessin et la lecture auraient décidé son père à l’envoyer en 1775, dès l’âge de dix ans, rejoindre son frère aîné, Antoine (né en 1764) à l’École des Beaux-Arts de Besançon. Cette école gratuite, baptisée pompeusement « Académie de peinture et de sculpture », avait été fondée l’année précédente (1774) par Wyrsch et Breton 4. Les frères y font un séjour de près de cinq ans, Antoine dans la classe du sculpteur Breton et Jean-Pierre dans celle du peintre Wyrsch5. Au concours de 1780, le Neptune peint par Chazerand obtient la préférence du jury et remporte le premier prix devant la statuette du même sujet par Antoine Péquignot. Froissé de cette « injustice » Antoine quitte alors Besançon pour Paris, accompagné de son cadet tout juste âgé d’une quinzaine d’années6.
2. Jeunesse. Paris
Les années d’apprentissage au prytanée du chevalier Pawlet et à l’école de l’Académie royale. Le Salon de la Jeunesse.
À Paris, Antoine et Jean-Pierre trouvent une place dans la pension dirigée par le chevalier Pawlet et fondée en 1773 sous les auspices de la dauphine Marie-Antoinette7. L’établissement, une école des orphelins militaires, fait partie des institutions imaginées par le chevaliers8.
Jean-Pierre, affirment ses biographes, séjourne quatre ans (probablement de 1780 à 1785)9 dans cette institution, établie sur les mêmes bases que les écoles militaires et réglée par une discipline analogue. Il y fait la connaissance des neveux de Joseph Vernet avec lesquels il étudie et qui, selon Thuriet, l’introduisent dans l’atelier de leur oncle. Ce dernier lui aurait alors prodigué des conseils voire, si l’on en croit Coupin10, confié la copie de quelques uns de ses tableaux, avant de lui permettre d’étudier à l’Académie sous sa direction11. Aucun document ne confirme jusqu’à présent cette assertion qui, d’une part, relève des topoi de la biographie artistique du XIIe siècle (entendant faire de Vernet le maître de nombreux peintres de paysage) et d’autre part, contredit ce que nous savons des habitudes de Vernet. Celui-ci ne formait pas d’élèves et se contentait de donner à l’occasion des conseils. Le spécialiste du peintre avignonnais, Philip Conisbee, interrogé à ce propos, doute lui aussi de la réalité de cette relation et pense que Péquignot a pu seulement faire un rapide passage dans l’atelier du grand paysagiste.
Quoi qu’il en soit, les deux frères fréquentent également les cours de l’école de dessin de l’Académie royale de peinture et de sculpture, ouverts aux élèves et aux protégés des membres de l’institution. Ils sont inscrits dans les « Registres des Élèves », Antoine de mai 1781 à mars 1783 et Jean-Pierre d’avril 1782 à septembre 1785 : « 31 may [1781] . Antoine Pequignot S [culpteur] . âgé de 22 ans natif de Beaume les Dames en franche comté. Protégé par M. Brenet12, demeurant à la Barrière de Sev [r] es chez Mr le Cher de Pollet, maison des orphelins militaires. »13 « 19 [avril 1782]. Jean Pierre Pequignot P [eintre] . natif de Beaume les Dames en franche comté, âgé de 16 ans 1 / 2. Elève de M. Dejoux14, et protégé par M. Brenet ; demeurant à l’institution des orphelins militaires hors Barrière de Sev[r] es. »15
Antoine poursuit apparemment avec succès sa formation puisque l’on trouve un « Antoine Jean-Baptiste Péquinot » sculpteur lauréat d’une première médaille de quartier en juillet 1783, aux écoles de l’Académie royale de peinture et de sculpture16.
Les deux frères, une fois sortis de la pension Pawlet, et leur formation achevée, auraient renoncé à regagner la Franche-Comté. Et ils se voient en conséquence dans la nécessité d’assurer leur subsistance. Antoine est admis comme élève à l’Académie royale en 1791. Puis, si l’on en croit Coupin, il travaille un moment pour le prince Eugène de Beauharnais qui lui a commandé les décors d’un temple de la Reconnaissance destiné à ses jardins de la Ferté Beauharnais. La nomination du commanditaire à la vice-royauté d’Italie en juin 1805 interrompt le projet dont n’ont été exécutés que le modèle en plâtre de la figure de la Reconnaissance et l’esquisse en terre cuite des bas-reliefs17. Antoine réside encore dans la capitale en 1829 et y jouit d’une réputation d’habile praticien18.
Jean-Pierre, afin d’assurer son existence, aurait peint pour les tabletiers des miniatures et des gouaches. Tout en gagnant sa vie avec ses productions artisanales, il présente à l’Exposition de la Jeunesse, place Dauphine19, en 1785, deux paysages que le critique du Mercure de France juge assez sévèrement : « M. Péquignot a étudié le Poussin, on s’aperçoit même qu’il a cherché à s’approprier son style. Je lui observerai que quand on prend les grands Artistes pour modèles il ne faut pas les suivre trop servilement, car alors on ne ressemble pas à un imitateur, on ressemble à un plagiaire. »20
À cette époque, selon Lancrenon et Thuriet, Péquignot aurait rencontré David et serait entré dans le cercle de ses familiers21. Toutefois rien ne permet d’étayer cette hypothèse22. David, toujours selon les biographes de Péquignot, aurait alors engagé le jeune homme à faire le voyage de Rome pour y perfectionner son art, en le recommandant à un riche mécène (dont le nom nous est resté inconnu). Ce personnage le prend sous sa protection, s’engage à lui payer son voyage à Rome et à lui servir ensuite en Italie une pension annuelle de 1200 livres.23
3. Séjours en Italie
a. À Rome (circa 1788-1793)
La rencontre de Girodet, le milieu des artistes, l’atmosphère politique révolutionnaire et le sac de l’Académie de France.
Péquignot s’installe à Rome à une date qui nous est inconnue (vers 1788 si l’on en croit Thuriet)24. Il y trouve une lettre de son protecteur lui annonçant sa faillite et l’impossibilité de verser la pension promise. Il lui faut donc vivre, comme à Paris, de la vente de ses tableaux, ce en quoi il réussit apparemment car ses biographes affirment qu’il acquit sur le marché une certaine réputation et fut bientôt à l’abri du besoin25.
À cette époque Péquignot fréquente Girodet, lauréat du Prix de Rome (1789), arrivé en mai 1790 au Palais Mancini, siège de l’Académie de France. Dans une lettre de Girodet du 18 avril 1791, nous apprenons qu’alors les deux peintres se voyaient régulièrement26. Péquignot et Girodet avaient-ils fait connaissance à Rome, ou s’étaient-ils déjà rencontrés à Paris ?
Les circonstances politiques (la France est en pleine Révolution) rapprochent en effet les jeunes gens, tout autant que le goût pour la peinture. Girodet se montre enthousiasmé par le talent de son ami et saisit l’opportunité d’affiner son propre goût pour le paysage que la formation à l’Académie n’avait guère permis de développer. La correspondance de Girodet avec le docteur Trioson, son ami et tuteur, nous renseigne sur ses promenades dans la campagne romaine, faites probablement en compagnie de Péquignot : « Tous les environs de Rome sont charmants, il suffit de les nommer ; Tivoli, Frascati, Albano etc., ont fait les délices des Anciens et peuvent encore intéresser les modernes. » (Lettre du 20 juillet 1790).
« J’ai commencé ces jours-ci quelques études de paysage autour de Rome : c’est une occupation aussi amusante qu’instructive, nécessaire à un peintre d’histoire et beaucoup trop négligée, comme on en peut facilement juger par les productions de beaucoup d’entre nos artistes. » (Lettre du 28 septembre 1790)27.
Péquignot fréquente également la colonie des artistes, Gérard28, Giraud29, probablement Réattu30 et les amis de Girodet, Topino-Lebrun et l’abbé Belle31. Il travaille sans doute au Palais Mancini32, institution assez ouverte aux peintres qui n’ont pas eu la chance de bénéficier de la pension du roi33.
Dans son étude sur les artistes français en Italie pendant la période révolutionnaire, Olivier Michel a résumé avec exactitude et concision le climat dans lequel évolue désormais Péquignot :
« De 1789 à 1792, rien en apparence ne trouble l’ordre ni la sérénité de l’Académie de France à Rome. Les promotions se renouvellent régulièrement [ ...]. Ce mouvement d’horloge parfaitement rôdé dure jusqu’à l’automne 1792. Le 24 novembre, le cardinal Secrétaire d’État adresse encore au gouverneur de Civitavecchia l’ordre de laisser passer les nouveaux pensionnaires [...]. Entre temps la machine s’est grippée. François-Guillaume Ménageot, le directeur, n’a plus d’argent pour l’entretien des élèves [...] Les pensionnaires, solidaires de leur directeur, font part respectueusement à l’Académie royale de leur inquiétude devant le naufrage imminent. Les quatorze signataires sont les peintres Gounod, Garnier, Girodet, Meynier, Réattu, Laffitte et Fabre ; les sculpteurs Dumont, Gérard, Lemot et Bridan ; les architectes Lefaivre, Tardieu et Lagardette. »34
Fin novembre 1792, le poste de directeur de l’Académie de France à Rome est supprimé, à la suite d’une intervention de David à la Convention Nationale.
« L’Académie devient alors le point de ralliement de tous les républicains français et comme telle, elle est la cible désignée du courroux populaire que l’on dit attisé en secret par les artistes romains. »35
Ménageot qui, bien que malade, expédie les affaires courantes, part se soigner à la campagne au début de janvier 1793, et fait remettre les clés de l’Académie à Hugou de Bassville36. Ce dernier multiplie imprudemment les démonstrations républicaines et, conformément aux instructions du gouvernement français, fait remplacer les fleurs de lys des Bourbons sur les portes du Consulat et du Palais Mancini par les armes de la République. L’opposition du pape et les manifestations hostiles de la population romaine inquiètent Bassville à juste titre mais sans modifier son attitude. Dès lors tout bascule :
« C’est l’émeute et le drame. Bassville qui bravait la foule en arborant sur le Corso la cocarde tricolore est assassiné le 13 janvier 1793. Dès le 8 janvier, sentant monter l’orage, il avait engagé les élèves, sous prétexte de travail, à rejoindre leurs camarades qui se trouvaient à Naples. Il ne restait plus ce dimanche 13 au Palais Mancini que les artistes qui achevaient de peindre les écussons : quatre seulement, les plus engagés, Girodet, Laffitte, Mérimée et Péquignot37. Dans le tumulte qui suivit l’attaque du palais ils réussirent à s’enfuir. »38 Un document conservé aux archives des Yvelines dans le fonds Coupin, décrit l’événement avec précision :
« Péquignau et Girodet se trouvoient à l’académie de France à Rome lorsque le peuple s’y porta dans l’intention de faire un mauvais parti au petit nombre de pensionnaires qui y restoient. Ils entendirent du bruit, Péquignau sortit de l’atelier pour voir ce qui se passoit et rentra en disant d’un grand sang froid :
— « Ce sont eux. »
— « Qui ? » demandèrent les autres.
— « Le peuple ! »
Girodet et Péquignau sans délibérer gagnèrent l’escalier où ils trouvèrent effectivement le peuple qui brisoit les statues et lançait les morceaux contre la porte pour l’enfoncer. Ils étoient si occupés à cette besogne qu’il [sic] ne virent pas les deux peintres qui passèrent au millieu [sic] d’eux... »39
Une lettre de Girodet à Trioson fournit des indications supplémentaires sur cet événement : « [Les émeutiers] n’avaient que vingt marches à monter pour nous assassiner ; nous les leur épargnâmes en allant au-devant d’eux. Ces misérables étaient si acharnés à détruire qu’ils ne nous aperçurent même pas ; mais des soldats presque aussi bourreaux que ceux que nous avions à craindre, loin de s’opposer à eux, nous firent descendre plus de cent marches à grands coups de fusil, jusque dans la rue où nous nous trouvâmes abandonnés et sans secours au milieu de cette populace altérée de notre sang. Heureusement encore ces bourrades de soldats lui firent croire que nous faisions partie d’elle-même, mais quelques-uns nous reconnurent. Un de mes camarades fut poursuivi à coups de pavés, moi à coups de couteau ; des rues détournées et notre sang-froid nous sauvèrent. Échappé à ce danger, pour les prévenir tous, j’allai me jeter dans un autre : je courus chez Basseville ; dans ce moment même où on l’assassinait ; le major, la femme de Basseville et Moutte le banquier se sauvent par miracle. Je me jette dans une maison italienne à deux pas de là ; j’y reste jusqu’à la nuit. J’ai l’audace de retourner à l’Académie qui était devenue le palais de Priam ; on se préparait à briser les portes à coups de hache et à mettre le feu. Là je fus reconnu dans la foule par un de mes modèles ; il faillit me perdre par le transport de joie qu’il eut de me voir sauvé. Je lui serrai énergiquement la main pour toute réponse et nous nous arrachâmes de ce lieu. »40
C’est dans la maison de ce modèle que Péquignot et Girodet se retrouvent heureusement dans la soirée. Là, Girodet sollicite l’aide de Tortoni, secrétaire d’ambassade et beau-frère de Gérard, qui lui avance les trente ou quarante écus demandés pour se rendre à Naples. Avant l’aube, les deux amis quittent Rome à pied pour gagner la Campanie. Girodet fait le récit de ce voyage dans une lettre à Trioson du 19 janvier 1793 :
« Nous marchâmes deux jours à pied et ne trouvâmes sur la route que des motifs d’inquiétude. À Albano, on refusa de nous louer une calèche ; nous n’en pûmes trouver qu’à Velletri et on nous fit bien payer la nécessité où nous étions de nous en servir. Dans les marais Pontins, forcés par le tems le plus horrible de nous réfugier dans une écurie, on délibéra de nous y massacrer pour avoir nos dépouilles. Un de ces scélérats, moins scélérat que les autres, fit réflexion qu’elles n’en valoient pas la peine. Ce fut le dernier danger que nous courûmes41.
Hors des Etats du pape nous fûmes véritablement traités en amis, le roi de Naples ayant donné les ordres les plus positifs de protéger tous les François qui se réfugiroient dans ses états. En arrivant ici, je descendis sur le champ chez le citoyen Mackau que j’informai de ces détails et de ma position. »42
b. À Naples
La découverte des paysages campaniens
Arrivés à Naples, le 18 janvier 1793, c’est chez le riche banquier et négociant helvétique Meuricoffre43 que Girodet, ainsi que les autres pensionnaires fugitifs, et peut-être Péquignot, trouvent un hébergement provisoire44. Girodet fait la connaissance du banquier genevois Raymond et de son associé Piatti qui lui proposent de le loger dans une maison leur appartenant45.
L’architecte Léon Dufourny, qui rencontrera Péquignot deux mois plus tard à Palerme, nous apprend qu’après son arrivée à Naples, Péquignot se lie avec le fermier général Louis-Adrien Prévost d’Arlincourt46qui le prend à son service comme professeur de dessin47. Sans doute logea-t-il alors chez d’Arlincourt.
Après s’être remis des émotions causées par les troubles politiques, le sac du Palais Mancini et les péripéties du voyage, les deux peintres, bien accueillis dans le milieu libéral, découvrent les charmes de la baie de Naples, comme le rapporte Coupin :
« Les deux amis passèrent quelques temps ensemble à Naples ; Girodet parle du plaisir qu’ils prenaient à se promener sur le port la nuit, à faire des études ensemble, avec un accent qui prouve que ce souvenir se rattachait pour lui, à des sentiments profonds, à une époque de bonheur. »48
Faute de réaliser, par manque de moyens, le projet d’un voyage en Calabre en février 1793, qu’annonçait Girodet dans une lettre à Trioson49, les deux peintres se laissent séduire par la variété et la beauté des paysages campaniens. Cet enthousiasme, Girodet le communique à Madame Trioson dans une lettre adressée de Naples le ler mars 1793 :
« Notre Révolution a ici un nombre prodigieux de partisans ; c’est cependant à la crainte qu’ils inspirent que les Français sont en partie redevables de la tranquillité momentanée dont ils jouissent. Je la mettrai à profit ce printemps et cet été, si elle continue ; mon projet est de parcourir les environs de Naples, et d’y séjourner suffisamment pour tirer de ce pays ce qu’il offre d’intéressant pour l’art. C’était aux environs de Rome que je devais, cette année, me livrer à l’étude du paysage, genre de peinture universel, et auquel tous les autres sont subordonnés, parce qu’ils y sont renfermés. C’était avec impatience que j’attendais de m’y livrer tout entier [ ] C’est au moment même de mettre mes projets à exécution, que je suis forcé de fuir à travers les couteaux et les flammes, et de renoncer, probablement pour toujours, à ce que Rome avait de plus intéressant pour moi... »50
Le voyage en Sicile, l’architecte Dufourny (1793)
À la différence de Girodet qui, en tant qu’élève de l’Académie, continue de percevoir sa pension (progressivement dévaluée)51 des mains du banquier Meuricoffre52, Péquignot doit assurer son existence. Fort heureusement sa rencontre avec d’Arlincourt lui permet certainement de résoudre momentanément ses problèmes financiers. Ce dernier qui, depuis trois ans, accompagné de son précepteur et cicerone, Louis Lhomme53, parcourt l’Italie, pour effectuer le traditionnel « Grand Tour » (mais aussi sans doute pour fuir les troubles révolutionnaires) décide de partir pour la Sicile en compagnie de Péquignot. Le 9 mars 1793 ils se trouvent à Palerme, comme le rapporte Dufourny dans son journal54. Ils y restent toutefois peu de temps : dès le 12 mars en effet, et jusqu’au 3 mai (comme on peut le déduire des notes de Dufourny), ils entreprennent un voyage à travers la Sicile et à Malte. Ils visitent Agrigente, Syracuse et Taormine et tentent sans succès de gravir l’Etna55. De retour à Palerme, Péquignot (qui semble avoir pris un logement indépendant de celui de d’Arlincourt et de Lhomme)56 et Dufourny se fréquentent assidûment. L'architecte l’emmène sur le chantier de son École de Botanique, sollicite son jugement57 ; le peintre, à son tour, lui montre son travail « il me fit voir une vue du théatre de Taormine assez exacte et d’un trait très fin, il se propose d’en faire un dessin au net... »58
« Il me fit voir quelques uns de ses ouvrages, entr’autres une vue du Mont Etna avec la ville de Catane sur le devant prise de la Villa du prince de Biscari : ce dessin fait à la pierre noire est du fini le plus précieux, il est pointillé comme une miniature ce qui nuit peut être un peu a l’effet : les devants sont ornés d’un groupe de jeunes femmes ajustées et dessinées de la manière la plus gracieuse, et qui prouvent que M. Pequignon s’est plus appliqué au dessin de la figure que ne le font ordinairement les paysagistes. C’est dommage que d’aussi précieux dessins soient faits à la pierre noire qui ne peut être de longue durée. »59
Les deux artistes vont travailler ensemble au Jardin Botanique (Dufourny indique à Péquignot différents points de vue que ce dernier se met à dessiner), se rendent chez les artistes, visitent de nombreuses églises, monuments et collections et s’attardent sur les fresques et les tableaux qu’ils contiennent60. Péquignot vient également dans l’atelier de Dufourny étudier son exemplaire du Voyage pittoresque des Isles de Sicile, de Malte et de Lipari de Hoüel61.
Enfin, le jeudi 18 juillet, d’Arlincourt, Lhomme et Péquignot s’embarquent à Palerme sur « le paquebot de Naples » ; le fermier général et son précepteur poursuivront — ultérieurement — leur route jusqu’à Florence. Péquignot, lui, s’installera définitivement à Naples.
De cette longue excursion à Malte et en Sicile, Péquignot fera une relation enthousiaste à son ami Girodet :
« Pequignau ayant fait un voyage en Sicile, à son retour il écrivit à Girodet une description de l’Etna que Girodet disoit être admirable. »62
Cette relation, mentionnée par Coupin, est malheureusement perdue.
La collaboration avec Girodet, la visite et la représentation des sites campaniens. L’expulsion des Français (septembre 1793)
De retour à Naples, Péquignot reprend ses excursions dans les environs de la ville, en compagnie de Girodet, et poursuit ses études des paysages de la Campanie. Cette période est évoquée dans le poème Le peintre, composé plus tard par Girodet :
« Quand les maux de la France épouvantaient l’Europe,
J’errais mélancolique aux champs de Parthénope.
Près d’un ami rival des Claudes, des Poussins,
J’admirais ces beaux champs plus beaux dans ses dessins.
L’un par l’autre excités, dans nos courses riantes,
Nos crayons récoltaient des moissons abondantes... »63
De la correspondance que Girodet adresse à son tuteur, le docteur Trioson, nous apprenons qu’il s’est rendu à Sorrente et à Capri pour y voir les vestiges du Palais de Tibère, profitant peut-être de l’invitation faite par Raymond et Piani64. Péquignot l’accompagnait-il ?
Durant l’été 1793, probablement au mois d’août, Girodet visite le tombeau de Virgile, près de la grotte du Pausilippe65, un site très prisé des peintres et des touristes de la fin du XVIIIe siècle. Un joli dessin ovale de Péquignot,
Paysage avec une femme et deux chérubins (collection particulière), signé et daté « Péquignot à Naples 1793 », pourrait attester cette visite.
Le chant III du poème Le peintre cite encore d’autres lieux que Péquignot et Girodet découvrent ensemble : Baia, Pouzzoles, Cumes, Nola, Portici, Nocera dei Pagani, Vietri, Salerne, Cava dei Tirreni et naturellement le Vésuve66.
Cette période de tranquillité est malheureusement interrompue par la promulgation, le 1er septembre 1793, du décret d’expulsion des Français des royaumes de Naples et de Sicile67. Tous les résidents et voyageurs de nationalité française ont vingt jours pour quitter le pays, à moins de fournir documents et lettres de recommandation prouvant leurs attaches particulières dans le royaume68. Cacault, consul de France à Rome (mais contraint de résider à Florence) prévoit l’émigration de Naples vers la Toscane de tous les artistes français, pensionnaires ou non, priés de quitter le royaume :
« Cacault à Deforgues. Florence, le 13 septembre 1793, l’an 2e de la République.
« Nous avons à Naples quatre pensionnaires actuels, savoir :
Les citoyens Girodet et Réatu, peintre ; La Gardette, architecte, et Bridan, sculpteur ; et un peintre de paysage, le citoyen Péquignon. Ils vont probablement arriver bien-tôt ici. »69
Deux semaines plus tard, il dresse la liste des artistes français présents dans la péninsule :
« Liste des artistes françois qui se trouvent en Italie et de tous ceux qui sont venus de Rome à Florence. Florence, 27 septembre 1793.
Giraudet, pensionnaire et peintre, actuellement à Naples, devant venir à Florence ;
Péquignon, peintre de paysage, actuellement à Naples, devant aussi venir à Florence. »70
Les deux peintres décident néanmoins de rester, Girodet pour des raisons de santé, et Péquignot sans doute parce qu'il a trouvé, dans le royaume, des moyens de subsistance (peut-être continue t-il à réaliser des ouvrages décoratifs ou à exécuter des miniatures ornementales pour tabatières).
Le 21 septembre, le délai des vingt jours ayant expiré, le précepteur de Charles d'Arlincourt présente sa requête pour demeurer dans le royaume jusqu'au 21 février 1794 :
« Louis Lhomme, précepteur du fils de Monsieur Dalincourt, Fermier Général français sous l'Ancien Régime sollicite ardemment l'autorisation de rester à Naples jusqu'au 21 du mois de février en compagnie de son élève, de Pierre Pequignot, Maître de dessin du susdit. Et le Marquis d'Osmond, honorablement connu, confirme, par un certificat, qu'il mérite la grâce demandée. Nous nous en remettons au jugement de Sa Majesté et au discernement plein de sagesse de Votre Excellence [Sir Acton, Premier Ministre] pour savoir si cette autorisation doit, ou non, lui être accordée, en foi de l'attestation du susdit Chevalier [de Médicis, chef de la police politique] . »71
Acton fait grâce à la requête et accorde les quatre mois de résidence. Le demandeur en effet entre dans la catégorie de ceux qui « aïant abandonné leur patrie [ ... ] par raison d'attachement à leur propre souverain sont venus dans nos Etats avec l'espérance d'y trouver un azyle sûr [ ...] attendu que dans ce cas s'ils demandent de rester on leur accordera une permission pour un certain tems. »72
Girodet passe une partie de l'hiver à Sorrente pour soigner sa maladie de poitrine et en profite certainement pour se consacrer à l'étude du paysage. On peut supposer que Péquignot lui rend quelques visites, toutefois aucun document ne permet de l'affirmer.
Le 19 mars 1794 Girodet obtient un passeport pour quitter le royaume de Naples et rejoindre un port de Vénétie.73 Le destin sépare alors les deux hommes qui toutefois continueront à correspondre, si l'on en croit Coupin :
« Pequignau ecrivoit rarement mais quand Girodet recevoit une lettre de lui, il y en avoit 10 ou 12 pages. »74
Les amis et les relations de Péquignot à Naples
Girodet parti, le délai accordé à Lhomme et à d'Arlincourt ayant expiré, Péquignot se retrouve seul à Naples. Comment est-il parvenu à échapper à l'expulsion ? Où loge t-il ? De quoi vit-il ? À ces trois questions l'on peut apporter une seule et même réponse : le peintre a su trouver des amis et protecteurs bien en cour et qui répondent sans doute de lui auprès des autorités. Nous en connaissons les noms, mais ignorons les dates et les circonstances précises de leur rencontre avec Péquignot. Le premier de ceux-ci est certainement Carl Tschudi (Naples 1743 - Naples 1815), qui figure (sans précision chronologique) dans le carnet d'adresses de Girodet :
« Pequignot chez Mr le Baron Charles Tschoudy. Brigadier au service du Roy de Naples. »75
Carl-Ludwig-Sebastian Tschudi appartient à une famille suisse catholique très ancienne qui, depuis le XVIe siècle, fournit à chaque génération des officiers au service des nations catholiques d'Europe et sert le roi de Naples depuis l'avènement des Bourbons en 1734. Le père de Carl, Josef-Anton, était d'ailleurs l'un des officiers supérieurs les plus proches de Charles III. Carl est colonel propriétaire de son propre régiment depuis 1770 et deviendra général au service de Naples76. Tschudi héberge donc quelque temps Péquignot, peut-être à la demande de son compatriote Meuricoffre, qui avait lui-même accueilli l'artiste et son ami Girodet à leur arrivée à Naples.
Péquignot saura aussi nouer d'autres relations, utiles sous ce rapport, comme on le verra plus loin.
Tandis que se prolonge son séjour à Naples, les informations se raréfient. Les archives bancaires de Naples, qui habituellement renseignent avec précision sur l'activité de leurs clients, et parmi eux les artistes établis dans cette ville (comme Tierce ou Volaire), sont muettes sur Péquignot. Ce silence des sources suggère que le peintre ne disposait que de faibles liquidités.
Au cours de l'année 1794, il rencontre l'abbé Domenico Romanelli (1756 - 1819), historien et archéologue, qui, dans son ouvrage, Napoli antica e moderna, publié seulement en 1815, évoque une excursion commune sur le Vésuve :
« Je fus la victime de ce phénomène [la fermentation des substances d'origine volcanique] alors que, au mois d'août, après la funeste éruption de 1794, j'en fis l'ascension avec M. Pequignon, célèbre paysagiste, et un Anglais très savant en minéralogie. »77
Thuriet de son côté, précise que Péquignot a été également témoin de cette éruption, qui anéantit le village de Torre del Greco. Toutefois l'auteur ne précise pas l'origine de cette information78. Un tableau de Péquignot, conservé à Naples, au musée de San Martino, représentant le Vésuve en éruption depuis les hauteurs de Castellammare (un village situé dans la partie méridionale du golfe de Naples) pourrait avoir été composé à cette occasion.
Péquignot fait aussi la connaissance d'Antoine-Laurent Castellan (1772-1838), peintre de paysage et élève de Valenciennes, qui séjourna à Naples à partir de la fin de l'année 1797, de retour de Constantinople. Avec son collègue Charles-Stanislas Léveillé (1772-1833), il avait été envoyé par la République en mission militaire dans l'Empire Ottoman sur demande du sultan79. Dans le premier volume de ses Lettres sur l'Italie faisant suite aux lettres sur la Morée, l'Hellespont et Constantinople, Castellan évoque sa rencontre avec Péquignot : « J'ai vu aussi, à Naples, M. Pequignot, autre peintre français, mais plus particulièrement grand dessinateur. Il savoit donner aux figures de ses compositions une expression aussi vive que profonde. »80
De la vie de bohème à la marginalité
Le silence tombe alors progressivement sur Péquignot ; parmi les témoignages écrits qui nous sont parvenus sur le reste de ses années napolitaines (avant sa maladie et sa mort), se trouve cette brève mention de Cacault :
« [...] Il est resté en Italie plusieurs artistes français d'un talent très distingué : Fabre, Boguet, Corneille, Goffier, demeurant à Florence, Vanloo demeurant à Gènes, Sanlos et Blanchard demeurant à Rome, et Péquignot demeurant à Naples. Ce sont des hommes faits et formés qui n'ont plus rien à acquérir en Italie ; ils y restent pour ne pas aller à Paris mourir de faim. Ils savent que ceux qui sont rentrés manquent d'ouvrage. Nous perdons des hommes d'un talent qui coûte beaucoup à former, et je crois qu'à Paris ils se perdent encore davantage parce qu'il y reste toujours un grand esprit de parti et d'école[…] »81
En 1805 (ou peu avant), « un amateur passionné [Mr Nicolas] , ayant entendu parle du talent de Pequignau et le sachant dans la misère, le fût prier de passer chez lui qu'il voulloit l'occuper, il se fit beaucoup prier enfin il se presenta dans un état qui faisait frémir. »82
(suite)
À cette date en effet Felice Nicolas83, Surintendant des Antiquités du Royaume de Naples, entreprend une campagne de fouilles près de la porte septentrionale de la ville de Paestum. Dans une sépulture d'un grand intérêt archéologique, il met au jour une série de vases grecs très anciens.
Cette découverte est illustrée par un tableau de Péquignot de 4 palmes napolitains sur 3 (environ 1 x 0,80 m) conservé au début du XIXe siècle dans le cabinet de Nicolas et gravé sur cuivre en 1812 par Luigi Vocaturo. Cette illustration fait partie du recueil de Roberto Paolini, Memorie sui monuments di Antichità e Belle Arti che esistono in Miseno, in Bacoli, in Baia..., publié à Naples en 181284.
Nicolas appréciait certainement Péquignot pour son talent et sa culture, mais il le prit aussi sans doute en pitié, voyant l'état de misère auquel le peintre était réduit. Coupin nous apprend en effet que Nicolas s'occupa alors de le faire soigner, et cela à deux reprises, la première fois quand il fit sa connaissance, et la seconde fois, quelques jours avant sa mort :
« ...il avoit une mauvaise redingote sans bouton et attachée autour du corps avec un cordon de chaussure percée ; tout le reste de son accoutrement annonçoit la plus grande misère et de plus il avoit un fistule au nez dont l'humeur lui couloit sur le visage. Mr Nicolas le fit guérir par son médecin, mais il en conserva la marque. Girodet disoit à cette occasion qu'il avoit reçu un coup de pied de Vénus. »
« […] Après avoir vécu misérablement, il tomba malade, je crois de la poitrine, Mr Nicolas alla chez lui, il le trouva dans une salle humide et travaillant à un paysage dont il faisoit le ciel. Mr Nicolas lui ayant demandé s'il avoit besoin de quelque chose et s'il pouvoit lui être utile, il lui répondit qu'il n'avoit besoin de rien, quoique tout annonçait le contraire. Quelque jour après sa maladie et sa misère ayant augmenté, il envoya prier Mr Nicolas de venir le voir, le médecin lui ayant ordonné d'aller à la campagne, Mr Nicolas l'y fit transporter, peu de jours après il mourut. »85
Girodet précise, dans son poème Le peintre que c'est sur la côte sorrentine que s'éteignit son ami :
« Ici brille Sorrente, asile obscure du Tasse,
Tombeau d'un jeune Apelle en sa fleur dévoré,
Et que le dieu des arts en secret a pleuré. »86
Péquignot disparaît donc en 1806 ou 1807, à l'âge de 41 ou 42 ans. La date qui a été retenue ensuite par les auteurs, de manière justifiée ou non, est la seconde. Toutefois le peintre Angelini (Santa Giunta, Latium, 1760 - Naples 1853) dans un document inédit daté du 18 mars 1809, évoque la mort du peintre, survenue environ un an auparavant87 :
« ...io conosco questo quadro [la Veduta di Pesto] essendo fatto da un mio amico, morto circa un anno fa, chiamato Pequignon. »88
Les recherches effectuées dans les archives de Sorrente n'ont pas permis de découvrir le lieu et la date exacts de la mort de l'artiste89.
La cause principale de son décès, selon Coupin, serait une maladie de poitrine (sans doute la tuberculose) -hypothèse accréditée par le transfert du malade à Sorrente, réputée pour la salubrité de son air. Toutefois son mode de vie bohème et ses excès ont certainement contribué à précipiter sa fin.
« Pequignau avoit le défaut de se livrer à la boisson, on le trouvoit souvent ivre et endormi dans les rues de Naples ; quoiqu'il soit bien digne par son talent et son esprit de vivre dans la classe la plus élevée de la société, il parroit qu'il étoit souvent avec les gens de la plus basse classe. »90
Coupin rapporte qu'« un des élèves de Girodet, M. Delorme91, ayant été pendant son séjour à Naples lui porter des lettres de son maître, Péquignot refusa deux fois de le recevoir ; M. Delorme fut obligé de forcer sa porte et il le trouva dans un état qui expliquait sa répugnance à se laisser voir. »92
Cette habitude de se livrer à la boisson, Péquignot l'avait déjà contractée à Rome93 (Lettre de Girodet à Gérard du 16 mai 1791).
Qu'advient-il, à la mort de l'artiste, de ses quelques biens et de son fonds d'atelier ? Sur les conseils de Girodet, Antoine Péquignot seul et unique héritier, donne sa procuration à un colonel napolitain du nom de Calcidonio Casella94. Celui-ci se serait empressé de récupérer les tableaux et le portefeuille considérable de dessins laissés par le peintre, et de les vendre à son profit95. Ainsi, l'essentiel de l'œuvre a-t-il échappé à Girodet, qui appréciait particulièrement les œuvres de son ami et qui en possédait déjà quelques unes96.
Le caractère, les habitudes, les goûts de Péquignot : une solide culture et de funestes penchants
Coupin évoque à deux reprises son intérêt pour la lecture, affirmé dès l'enfance et qui a sans doute contribué à lui donner une culture et un style qui ont séduit Girodet. Cette information est corroborée par les choix iconographiques de ses tableaux dont les détails posent souvent aux spécialistes des problèmes d'identification.
Péquignot « parlait très élégamment sa langue et l'italien ; il aimait la musique et la cultivait. »97 Et encore : « il chantoit l'italien et s'accompagnoit de la guitare de manière à être pris pour un Italien. »98
Sans attaches particulières à Naples, il s'absentait souvent pour des excursions plus ou moins longues. Son voyage le plus lointain semble être celui fait en Sicile avec Lhomme et d'Arlincourt. Tant les détails fournis par Girodet que l'examen des œuvres de Péquignot permettent d'établir qu'il se rendit sur le Vésuve et sur la côte méridionale du golfe, à Cava dei Tirreni, à Paestum et à Sorrente, et probablement au tombeau de Virgile avec Girodet.
Quant au caractère de notre artiste, les difficultés de son existence ont peut-être encouragé une misanthropie que relève Coupin : « Avec une aversion pour tout le monde et une sorte de sauvagerie qui l'éloignait de toute société, et qui lui faisait considérer comme une contrainte tous les usages qu'elle exige, Péquignot devait prendre et prit effectivement, en avançant en âge des habitudes qui, malgré son grand talent, ne lui auraient pas permis d'y paraître. »99
Ce dégoût du monde ne servit pas véritablement sa carrière et cette indifférence pour la clientèle l'isola encore davantage et finit par le faire tomber dans la misère.
« Ses ouvrages étoient assez estimés à Naples mais il ne tenoit pas le premier rang, d'autres peintres de paysages étoient beaucoup plus dignes que lui, indépendamment de sa conduite qui devoit lui faire beaucoup de tort, il me semble que le mérite de ses ouvrages est du genre qui n'est servi que par le très petit nombre de la partie [il n'avait pas beaucoup de concurrence] »100
Girodet préfère y voir une austère vertu plutôt qu'un défaut de son caractère :
« La France honorerait aujourd'hui sa mémoire,
Si son orgueil, moins fier, eût accueilli la gloire.
Aimant les arts pour eux, heureux d'être oublié,
Ses seuls besoins étaient l'étude et l'amitié ;
Par l'étude fixé sur la terre étrangère,
Pour compagne il garda la pauvreté sévère,
Pour mentor le travail, et ses nobles mépris
Aux hommes comme à l'or n'attachaient aucun prix.
Plus d'une fois j'ai vu la bizarre fortune,
Accourant sur ses pas, lui paraître importune,
Je l'ai vu, dédaignant les dons de sa faveur,
Lui-même malheureux, secourir le malheur ! »101
Péquignot meurt oublié et misérable au moment où son ami Girodet est devenu un des peintres officiels de l'Empire et où le royaume de Naples passe, pour une décennie, sous l'autorité des Napoléonides, Joseph Bonaparte puis Joachim Murat. L'épopée napoléonienne, tout autant que la vieille hiérarchie des genres, favorisent toujours la peinture d'histoire et ses héros mais le paysage a désormais sa place et les premiers frémissements du Romantisme secouent les règles des académies.
De cette redécouverte de la nature, Péquignot n'a pas été seulement le témoin, comme toute sa génération, mais aussi l'un des interprètes, déchiré entre sa passion d'artiste et sa misanthropie d'exilé.
Chateaubriand, dans un récit autobiographique, René (1805), a exprimé le mal de vivre de sa génération et ses aspirations contradictoires qui furent aussi celles de notre peintre :
« Un jour j'étais monté au sommet de l'Etna... je vis le soleil se lever dans l'immensité de l'horizon au-dessous de moi, la Sicile resserrée comme un point à mes pieds et la mer déroulée au loin dans les espaces... Mais tandis que d'un côté mon oeil apercevait ces objets, de l'autre il plongeait dans le cratère, dont je découvrais les entrailles brûlantes, entre les bouffées d'une noire vapeur... C'est ainsi que toute ma vie j'ai eu devant les yeux une création à la fois immense et imperceptible, et un abîme ouvert à mes côtés. » 102
Avec l'aimable autorisation de Émilie Beck Saiello auteure de :
Jean-Pierre Péquignot : Baume-les-Dames 1765 - Naples 1807, Editions Artema, 2005
Notes
1) ↑—
Girodet, « Le peintre », in Œuvres posthumes, éd. présentée et annotée par P.-A. Coupin, Paris, J. Renouard, 1829, t. I, p. 124.
2) ↑—
Lancrenon, Joseph-Ferdinand, « Notice sur Girodet », Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, séance publique du 28 janvier 1870, Besançon, Dodivers, 1872, p. 86. Thuriet le fait naître le 12 mai 1765 et indique par ailleurs que le nom de Péquignot, d'origine espagnole, est assez répandu en Franche-Comté. Thuriet, Maurice, « Un artiste oublié : le peintre J.-P Péquignot de Beaume-les Dames », Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, Besançon, 8ème série, t. V, 1910 (1911), p. 270.
3) ↑—
Simon-Ravey, Simone, « Les frères Péquignot », Mon vieux Baume, 1993, n° 32, p. 33.
4) ↑—
Brune, Paul, abbé, Dictionnaire des artistes et ouvriers d'art de la Franche-Comté, Paris, Bibliothèque d'art et d'archéologie, 1912 (réim-pression Bourg-en-Bresse, Éditions provinciales, 1992, p. 220) ; Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 270. Simone Simon-Ravey écrit que Jean-Pierre y entre en 1784 et commet une erreur de date. Simon-Ravey, « Les frères Péquignot », cit., p. 33. Il s'agit du Suisse Johann-Melchior-Joseph Wyrsch (Buochs 1731- Buochs 1798) et du Franc-comtois Luc-François Breton (Besançon 1731 - Besançon 1800). Selon Gilberte Martin-Méry « Wyrsch passa sa vie en France. Tout d'abord élève de Jean Suter, puis de Frantz Auguste Kraus d'Augsbourg, il se rendit à Rome en 1753, où il rencontra un sculpteur de Besançon, Luc Breton, avec lequel il se lia d'amitié. Sur ses conseils, il se fixa à Besançon, où il fonda l'école de peinture et de sculpture ; adopté par la société franc-comtoise, il en devint le portraitiste attitré... » Martin-Méry, Gilberte, Paris et les ateliers provinciaux au XVIIIe siècle, Bordeaux, Delmas, 1958, p. 48-49.
5) ↑—
Castan, Auguste, « L'ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon, 1756-1791 », Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, 6e série, t. III, 1888 (1889), p. 137-138.
6) ↑—
Castan, « L'ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon... », cit., p. 137 ; Lancrenon, « Notice sur Girodet », cit., p. 86.
7) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 271 ; Brune, Dictionnaire des artistes..., cit., p. 220.
8) ↑—
Fleuri de Commartin, dit le chevalier Pawlet (ou Paulet) (1731-1793), d'origine irlandaise, crée à Paris en 1773 l'École des orphelins militaires, un établissement scolaire destiné aux fils de militaires tués ou blessés au service de la France. Cette école, qui dispense un enseignement général où figure l'apprentissage des arts, compte jusqu'à deux cent cinquante élèves. Parmi eux le futur maréchal Mac Donald, duc de Tarente (qui plus tard consacrera à Pawlet une courte notice dans Le Journal de l'Education, en juillet 1816). L'École est établie d'abord près de la barrière de Sèvres, puis au couvent des Célestins de 1786 à 1789, enfin à Popincourt en 1791. Ses élèves sont pour la plupart des orphelins, enfants d'officiers ou de sous-officiers, mais elle compte aussi quelques fils d'amis du chevalier. Les deux jeunes Péquignot ont pu s'y faire inscrire grâce à leurs relations de Besançon, à moins que leur père n'ait été militaire avant de devenir maréchal-ferrant à Baume-les-Dames. Pawlet fait partie de ces réformateurs qu'ont multipliés les difficultés économiques et sociales de la fin de l'Ancien Régime. Son activité ne s'est pas bornée à la constitution d'un prytanée, mais aussi à des projets de travaux publics et de caisses de secours. Il est également l'auteur des Projets de décrets sur les milices auxiliaires et les travaux publics, avec des observations sur la police générale du royaume, sur un plan d'impôt territorial, la capitation, le timbre et une banque de secours nationale, précédés d'une adresse à l'Assemblée Nationale, Paris, Imprimerie Nationale, 1790. Après la journée du 10 août 1792 et la chute de la royauté, le chevalier, qui n'a pu obtenir l'aide des assemblées pour la construction de son école militaire, préfère émigrer. Il meurt à l'étranger peu après en un lieu resté inconnu. Cf. Jal, Augustin, Dictionnaire de Biographie et d'Histoire, Paris, Plon, 1867, p. 749-750.
9) ↑—
À partir de septembre 1785 il loge chez un parfumeur rue de Grenelle St Honoré, actuellement rue Jean-Jacques Rousseau (cf. infra note 15).
10) ↑—
Versailles, Archives départementales des Yvelines (à partir de maintenant sous l'abréviation A.D.Y.), Fonds Coupin, J. 2071 à 2075. Le fonds Coupin a été découvert par Alain Pougetoux. Les informations sur Péquignot du Fonds Coupin et des Œuvres posthumes... de Girodet ont été transmises à Coupin par Henri-Guillaume Chatillon (Paris 1780 - Versailles vers 1856), qui les tenait à son tour de son maître Girodet. Il s'agit par conséquent de sources indirectes, publiées par Coupin, environ vingt ans après la mort de Péquignot. Il existe des différences notables entre les manuscrits de Coupin conservés à Versailles et l'ouvrage publié, les Œuvres posthumes. Toutes les informations provenant du fonds Coupin nous ont été généreusement communiquées par Sidonie Lemeux-Fraitot.
11) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 271-272 ; Brune, Dictionnaire des artistes..., cit., p. 220.
12) ↑—
Nicolas-Guy Brenet (Paris 1728 - Paris 1792), avait un atelier important. Toutefois ses disciples (comme François Gérard) passèrent rapidement chez David, qui incarnait la relève. Nous remercions Philippe Bordes pour cette information.
13) ↑—
Nous avons choisi de conserver pour toutes les citations l'orthographe et la ponctuation originales.
14) ↑—
Claude Dejoux (Vadans, Jura, 1732 - Paris 1816) étudia à l'académie de Marseille, puis à Paris auprès de Guillaume Coustou. Il travailla à Rome de 1770 à 1774. De retour à Paris, il fut « agréé » en 1778 et devint membre de l'Institut en 1795. Ses premiers travaux ont été exécutés sous la direction de Pajou pour l'opéra du château de Versailles de 1768 à 1770. Parmi ses œuvres on peut citer deux bustes d'Esculape et d'Hygie, présentés au Salon de 1779, un Saint Sébastien, son morceau de réception à l'Académie, une Renommée pour la coupole du Panthéon (Ste Geneviève), ou encore le tombeau du sculpteur Julien.
15) ↑—
Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, « Registres des Élèves de l'Académie », Ms. 823 (ancien Ms. A 95), folios 65 et 78. Antoine est de nouveau mentionné en mars 1782, en septembre 1782 et en mars 1783 ; Jean-Pierre en mars 1783, en septembre 1783, en septembre 1783 (sic), en mars 1784, en septembre 1784, en mars 1785 et en septembre 1785. À cette date il habite alors « rue de Grenelle St Honoré, maison de M. [ ?]ué Parfumeur. » Nous remercions Philippe Bordes de nous avoir communiqué cette information.
16) ↑—
Cahen, Antoine, « Les Prix de quartier à l'Académie royale de peinture et de sculpture », Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, année 1993 (1994), p. 77. Nous remercions Philippe Bordes de nous avoir signalé cet article.
17) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2071 à 2075.
18) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 271-272. Brune, Dictionnaire des artistes..., cit., p. 220 ; ses sources sont : Castan, « L'ancienne école... », p. 137-148 ; Girodet, Œuvres posthumes..., cit., t. I, p. 298.
19) ↑—
L'Exposition de la Jeunesse, organisée le jour de la Fête-Dieu place Dauphine, en plein air, permettait aux artistes qui n'appartenaient pas à l'Académie (les peintres non encore affirmés ou les représentants des genres mineurs) de présenter leurs œuvres au public. Les natures mortes et les paysages connaissaient en général un large succès auprès des visiteurs. Sur les expositions publiques parisiennes au XVIIIe siècle, cf. Crow, Thomas E., Painters and Public Life in Eighteenth-Centuty Paris, New Haven et Londres, Yale University Press, 1985 (ed. fr. Paris, Macula, 2000).
20) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 272. Sanchez, Pierre, Dictionnaire des artistes exposant dans les salons des XVII et XVIIIème siècles à Paris et en Province, t. III, 1673-1800, Dijon, L'Échelle de Jacob, 2004, p. 1333.
21) ↑—
Lancrenon (in « Notice sur Girodet », cit., p. 86) avance comme raison la nécessité pour Péquignot d'étudier les proportions et les attitudes du corps humain. Thuriet (in « Un artiste oublié... », cit., p. 272), qui suggère que le jeune artiste n'avait pas encore choisi de se spécialiser dans la peinture du paysage, commet une erreur puisque en 1785 Péquignot présente deux paysages à l'Exposition de la Jeunesse.
22) ↑—
L. Jules David (in Le peintre Louis David 1748-1825. Souvenirs et documents inédits, Paris, Victor Havard, 1880, p. 629) cite Péquignot parmi les élèves de David, mais ne mentionne pas ses sources. Cette affirmation est d'ailleurs contredite par le silence de Delécluze (Delécluze, Étienne Jean, Louis David, son école et son temps, Paris, Didier, 1855, réédition avec préface et notes de Jean-Pierre Mouilleseaux, Paris, Macula, 1983). Jules David, Lancrenon et Thuriet sont d'ailleurs des sources tardives ou secondaires et pas toujours fiables. Nous remercions Philippe Bordes de nous avoir fait part de ces informations et donné son avis sur cette délicate question. Selon Rémi Cariel (communication du 27 mai 2005), Péquignot aurait pu entrer en relation avec David par l'intermédiaire de Brenet, sans pour autant « séjourner » dans l'atelier du maître.
23) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 272-273.
24) ↑—
On peut déduire cette date de l'observation de Thuriet : « Il était installé dans la capitale de l'Art depuis deux ou trois ans lorsqu'arriva dans cette ville, en qualité de pensionnaire de l'Académie de France, Girodet, le futur auteur du Déluge et des Funérailles d'Attala, qui avait obtenu le Grand Prix de Rome en 1789. » Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 273.
25) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2071 à 2075.
26) ↑—
Lettre de Girodet à Gérard, Rome, 18 avril 1791. « Jean-Baptiste Topino-Lebrun te dit bien des choses, surtout Péquignot. Il m'a confié sa position. Je ne désespère pas qu'il ne s'humanise un peu. Nous devons dîner ensemble chez M. Giraud au premier jour. » Lettres adressées au baron François Gérard par les artistes et les personnages célèbres de son temps, Paris, A. Quantin, 1886, t. I, p. 166-167. Voir aussi les lettres du 16 mai (ibid., p. 167-169), s.d [mai 1791] (p. 170), du 13 juillet (p. 176-177).
27) ↑—
Coupin cité in Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 274.
28) ↑—
Lettre de Girodet à Gérard, Rome, le 13 juillet 1791. « Depuis le 27 juin, jour de la date de ta lettre, tu dois en avoir reçu une de moi, dans laquelle il y en avait une fort longue de Péquignot […] Péquignot t'écrit tous les jours, et je crois qu'au premier jour tu recevras de lui une brochure de quelques centaines de pages. » Lettres adressées au baron François Gérard..., cit., p. 176-177. Sidonie Lemeux-Fraitot (communication du 19 juin 2005) pense que ce serait probablement Gérard qui aurait présenté Péquignot à Girodet. Elle fonde son opinion sur la correspondance de Gérard, et en particulier sur la lettre de Girodet du 13 juillet 1791 adressée de Rome à Gérard : Péquignot écrit tous les jours à Gérard, reparti en France, et les termes de Girodet indiquent bien que Gérard surtout était l'ami privilégié de Péquignot. Pour S. Lemeux-Fraitot, Girodet se serait lié à Péquignot à Rome, et non à Paris.
29) ↑—
Lemeux-Fraitot, Sidonie, Ut poeta pictor, les champs culturels et littéraires d'Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824), thèse de doctorat de l'Université de Paris 1-Sorbonne sous la direction d'Eric Darragon, Paris, 2003, vol. II, p. 30 : « avril 1791. Girodet est allé dîner chez Giraud avec Péquignot » ; « mi-octobre 1791 : arrivée de Gérard à Rome, il retrouve Girodet quotidiennement ainsi que Tortoni et Péquignot. »
La date d'arrivée de Gérard à Rome est sujette à caution ; celle-ci peut se situer en fait entre septembre et novembre. Nous remercions Bruno Chenique de nous avoir communiqué ces informations.
30) ↑—
Réattu s'intéressait lui aussi au paysage, comme en témoigne sa dernière lettre expédiée de Rome le 6 novembre 1792 et dont les termes rappellent étrangement la correspondance de Girodet : « Malgré la perspective que j'ai actuellement, je profite du peu de beau tems qui nous reste avant l'hiver pour voir les campagnes de Rome que je ne connois pas entièrement, [...] les environs d'Albano et de Frascati sont ce qu'il y a de mieux ; les effets de montagnes qui bordent le pays y sont admirables. Si je peux y retourner et y passer moins rapidement, j'en rapporterai quelque chose. » Cité in Simons, Katrin, Jacques Réattu 1760-1833, peintre de la Révolution française, Neuilly-sur-Seine, Arthena, 1988, p. 24 et note 203 p. 77.
31) ↑—
Cf. Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor... , cit., vol. I, p. 197 et note 247. Pour Belle et Giraud, cf. Correspondance des directeurs de l'Académie de France à Rome avec les surintendants des bâtiments publiée d'après les manuscrits des archives nationales par M. Anatole de Montaiglon sous le patronage de la Direction des Beaux-Arts, Paris, Charavay frères, 1907, t. XVI, p. 172. L'abbé Paul Belle est à Rome avec le sculpteur Jean-Baptiste Giraud d'octobre 1789 à fin novembre 1792. Précisons qu'il n'existe pas de lien de parenté entre l'abbé et le peintre d'histoire Augustin-Louis Belle.
32) ↑—
Péquignot fréquente les pensionnaires et peut-être son directeur, Ménageot (cf. infra). Coupin nous dit que « Pequignau et Girodet se trouvoient à l'académie de France à Rome [...] Pequignau sortit de l'atelier pour voir ce qui se passoit... » (nous reproduisons p. 15 le passage dans son entier). Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074. Péquignot retrouve à Rome les élèves de David qu'il avait certainement connus à Paris, dans l'atelier de Brenet. En effet, selon Philippe Bordes, durant le deuxième séjour de David à Rome, de septembre 1784 à septembre 1785, ses élèves fréquentèrent l'atelier de Brenet. Cf. Bordes, Philippe, « François-Xavier Fabre, 'Peintre d'Histoire' - I », The Burlington Magazine, t. CXVII, n° 863, février 1975, p. 91. Nous remercions Philippe Bordes et Rémi Cartel pour ces précisions.
33) ↑—
Sur l'Académie de France à Rome pendant la Révolution Française, cf. Crow, Thomas E., Emulation Malzing Artists for Revolutionary France, New Haven et Londres, Yale Universit Press, 1995.
34) ↑—
Michel, Olivier, « Effervescence et violence. Les artistes français en Italie de 1789 à 1793 » in La Révolution française et l'Europe, cat. exp. (Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, 16 mars - 16 juin 1989), vol. II, l'Événement révolutionnaire, Paris, RMN, 1989, p. 618-621.
35) ↑—
Ibidem, p. 618.
36) ↑—
Nicolas Jean Hugou de Bassville (1753-1793) était, en janvier 1793, secrétaire d'ambassade à Naples et envoyé à Rome de l'ambassadeur près du royaume de Naples, Mackau.
37) ↑—
Selon Thuriet, Girodet demande l'honneur de pouvoir les peindre, aidé de Péquignot et de deux de leurs amis. Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 276.
38) ↑—
Michel, « Effervescence et violence... », cit., p. 621.
39) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074. Cité in Thuriet , « Un artiste oublié... », cit., p. 276-277.
40) ↑—
Lettre de Girodet à Trioson du 18 janvier 1793, in Girodet, Œuvres posthumes, cit., t. II, p. 426-427. Il est intéressant de comparer cette version avec celle de Dufourny (cf. infra p. 49) qui rapporte le récit que lui en a fait Péquignot. Léon Dufourny (Paris 1754 - Paris 1818) a été l'élève de David Leroy et de Marie-Joseph Peyre. Il part pour l'Italie en 1782, à Rome d'abord, puis à Palerme en 1789 où il dirige la construction des bâtiments du jardin botanique et de l'observatoire. Cf. infra les notes au journal de Dufourny.
41) ↑—
Un feuillet du fonds Coupin (Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2071 à 2075) apporte quelques précisions supplémentaires sur cet épisode : « la crainte qu'ils eurent d'être volé peut-être assassiné en route, durant que Girodet dormait, Péquignot qui était éveillé entendit le complot qui se tramait, éveilla son ami et ils partirent. Ce ne fut que lorsqu'ils furent hors de danger que Péquignot fit connaître le motif de leur départ précipité. Girodet disait, à cette occasion, qu'il lui devait la vie. »
42) ↑—
Lettre de Girodet à Trioson du 18 janvier 1793, in Girodet, Œuvres posthumes, cit., t. II, p. 426-427. Voir, à titre comparatif, la relation qu'en donne Coupin : « Le jour d'après ils partirent pour Naples à pied ; forcés de s'arrêter dans les marais pontins et de passer la nuit dans un mauvais gite, Girodet dormoit, non pas sans s'inquiéter, [l'auteur en ajoutant deux négations dit le contraire de ce qu'il voulait dire : Girodet dormait sans s'inquiéter] son ami l'éveilla et lui dit Girodet levez-vous et partons, ce qu'ils firent ; lorsqu'ils furent hors de danger, Péquignau lui dit ces gens qui étoient dans la même chambre que nous, se disposoient à nous voler et peut-être plus encore, je ne dormois pas, j'ai tout entendu. Girodet disoit que dans cette occasion il devoit son salut à son ami. » Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074.
43) ↑—
Frédéric-Robert Meuricoffre (1740-1816).
44) ↑—
Willk-Brocard, Nicole, François-Guillaume Ménageot (1744-1816), peintre d'histoire, directeur de l'Académie de France à Rome, Paris, Arthéna, 1977, p. 40. Girodet noue des contacts avec Frédéric-Robert Meuricoffre ; celui-ci (qui fut contraint également de quitter le royaume de Naples) l'hébergera de nouveau en juin 1795, à Gênes. Les Meuricoffre (Moerikoffer) sont originaires du canton de Thurgovie en Suisse. Frédéric-Robert (le fils de Johann-Georg, qui fonda une maison de commerce à Lyon et prit le nom francisé de Meuricoffre), s'établit à Naples en 1760 où il créa la banque Meuricoffre et Cie. Attinger, Victor, Godet, Marcel et Türler, Henri , Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Neuchâtel Administration du Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, 1928, t. IV, p. 708.
45) ↑—
Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor..., cit., t. I, p. 221.
46) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny, Palerme, 1789-1793, Paris, Bibliothèque Nationale de France, Cabinet des Estampes, Ub 236 4°, t. II, samedi 9 mars 1793. Louis-Adrien Prévost d'Arlincourt (Évreux 1743 - Paris 1794). Très dévoué à Monsieur, Comte de Provence (le futur Louis XVIII), il fit partie des vingt-huit fermiers généraux exécutés le 19 floréal an III (jeudi 8 mai 1794), sous l'inculpation collective et banale de complot contre le peuple (cf. Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzé et Ané, 1939, t. III, p. 645 ; Janzé, Alix de, Les Financiers d'autrefois : Fermiers généraux, Paris, Ollendorff, 1886, p. 300-302). Il est probable que la mort tragique de son ancien protecteur et compagnon de voyage ait traumatisé Péquignot.
47) ↑—
Naples, Archivio di Stato di Napoli, Affari esteri, busta 543, sans numéro de folio.
48) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2071 à 2075.
49) ↑—
Lettre de Girodet à Trioson, Naples, 9 février 1793, in Correspondance de Girodet, vol. III, n° 34, mentionnée par Lafont, Anne, Une jeunesse artistique sous la Révolution : Girodet avant 1800, thèse de doctorat de l'Université de Paris IV-Sorbonne sous la direction d'Antoine Schnapper, Paris, 2001, p. 105.
50) ↑—
Lettre de Girodet à Madame Trioson du 1" mars 1793, in Girodet, Œuvres posthumes..., cit., t. II, p. 431.
51) ↑—
Bien que pensionnaire de l'Académie, Girodet connaît lui aussi des incertitudes financières du fait de la dévaluation rapide des assignats et d'un change devenu par conséquent de plus en plus désavantageux. Il s'en plaint longuement dans une lettre au docteur Trioson, écrite à Naples les 25 juillet, 2 août et 1er septembre 1793 et conservée dans le Fonds Pierre Deslandres, t. III, n° 42, déposé au Musée Girodet de Montargis.
« [25 juillet] Nous continuons mon ami davoir un traitement qui nest pas a beaucoup près l'équivalent de celui dont nous jouissions a Rome mais nous l'avons statué tel entre nous le croyant plus convenable aux circonstances présentes il a été avoué par les ministres de la République a Naples et a Florence qui se partagent les éléves de l'academie dans ce moment cy. Je vous enverray par le prochain courrier la note des sommes que jai touché par Mr Meurikoffre depuis que je suis ici le change actuel est tel que une livre ou 20s de france qui équivalaient a 23 grains de Naples n'en vaut plus que 7 et demi. Je ne prendrai plus de cet argent autant que je pourrai m'en passer c'est par trop dégoutant. Mais qu'y faire ? patienter, et puis encore patienter. Voilà la recette générale a bien des maux particulier […]
[1er septembre ; Girodet cite ici les justifications de Cacault] « Les circonstances rigoureuses pressent sur tous ; vous voyés que la loi connue et le bon sens ne permettent plus de continuer aux pensionnaires un traitement quadruple de ce qui est fixé par la convention. ceux que cette circonstance rigoureuse obligera de partir recevront le montant de leur voyage en argent conformement aux anciens règlemens il serait pourvû au Surplus si cela devenait nécéssaire. »
Ainsi mon bon ami vous voyés maintenant a quoi se reduit mon traitement de pensionnaire. quant à ce que jai touché de la somme de 150ls par mois cela se reduit a six mois 9bre Xbre Janve feve, Mars, et avril. Je commence a être assés près de mes pieces, et quel sera le premier payement. »
Nous remercions Bruno Chenique de nous avoir communiqué ce document.
52) ↑—
Lettre de Cacault à Paré, Ministre de l'Intérieur, Florence, 27 septembre 1793, in Correspondance des directeurs..., cit., t. XVI, p. 329-333. Par ailleurs, Girodet reçoit de Trioson, par l'intermédiaire de Meuricoffre, 150 livres par mois (Lettre de Trioson à Gérard du 20 pluviôse 1793 [10 février 1794] in Lettres adressées au baron François Gérard... , cit., p. 183) et obtient une aide financière de Raymond et Piatti (Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor..., cit, t. I, p. 220).
53) ↑—
Ce nom propre, bien qu'inattendu, est porté en France par plusieurs familles.
54) ↑—
Le journal de l'architecte Léon Dufourny nous fournit l'emploi du temps, jour après jour, de Péquignot en Sicile (et particulièrement à Palerme). « Samedi 9 [mars 1793]. Dîné chez Mrs Caillol, Nicoud etc. il s'y trouvoit trois voyageurs françois M. d'Arlincourt fermier général, avec M. Lhomme son instituteur et M. Péquignon peintre de paysage […]. Ces Mrs se proposent de faire le tour de la Sicile, d'aller à Malthe puis à Naples et de revenir icy pour la fête de Ste Rosalie [les 13-14 et 15 juillet] : il y a 3 ans qu'ils sont en voyage, et se proposent de le prolonger encor pendant six autres années. »
55) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., vendredi 3 mai.
56) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., mercredi 15 et lundi 20 mai. Dufourny précise qu'il s'est rendu chez « M. Péquignon » et « chez MrsLhomme et d'Arlincourt »
57) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., mercredi 12 juin.
58) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., mercredi 15 mai. Il s'agit sans doute d'une vue de l'amphithéâtre ou « théâtre grec » de Taormine. L'odéon ne fut mis au jour qu'en 1893. Malheureusement ce dessin ne nous est pas connu.
59) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., mercredi 12 juin. Il s'agit très certainement du dessin de la Galerie Mackinnon, à Londres, signé « Pequignot / a Palerme 1793. » À quel moment Péquignot a-t-il réalisé les esquisses préparatoires à ce dessin ? Lors du voyage à travers la Sicile, entrepris avec L'homme et d'Arlincourt en mars-avril 1793, ou plus tard, fin mai-début juin, en compagnie de la famille Belmonte, comme pourraient le laisser penser l'absence de mentions de Péquignot dans le journal de Dufourny entre le 16 mai et le 7 juin et ce passage du même journal : « Samedy 1er juin [ ...] Le soir j'allai chez Mrs Lhomme et d'Arlaincourt qui m'apprirent que toute la famille Belmonte étoit partie pour voir l'Etna, Catane et Syracuse. » Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., samedi 1er juin.
60) ↑—
Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., samedi 8, lundi 10, samedi 15 juin, lundi 8 et vendredi 12 juillet.
61) ↑—
Hoüel, Jean, Voyage pittoresque des isles de Sicile, de Malte et de Lipari, Paris, 1782-1787, 4 vol. Journal de l'architecte Léon Dufourny..., cit., lundi 24, samedi 29 juin et mercredi 10 juillet.
62) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074.
63) ↑—
Girodet, « Le peintre », in Œuvres posthumes, cit., t. I, p. 132. Le poème « Le peintre » fut conçu dans les années 1801-1804, puis complété et corrigé par Girodet tout au long de sa vie.
64) ↑—
Lettre de Girodet à Trioson. Naples, sans date, in Correspondance de Girodet, vol. III, n° 38, citée in Lafont, Une jeunesse artistique..., cit., p. 106 et note 326. Lettre de Girodet au docteur Trioson, de Naples le 25 juillet 1793, continuée huit jours après, citée in Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor..., cit. , t. I, p. 221 et note 372. Girodet séjournait-il chez Raymond ? Etait-il avec Péquignot ? Selon Sidonie-Lemeux-Fraitot, que nous avons interrogée à ce sujet, la lettre de Girodet au docteur Trioson (Naples, 25 juillet 1793) indique simplement : « avant hier me trouvant à la maison de campagne de M. Raymond J'y lus dans un Papier... ». Les lignes (p. 2 de la lettre) ont été écrites huit jours après le début de la lettre (soit environ le 2 août). Peut-on en déduire que Girodet était chez Raymond le 31 juillet ? Dans la suite de la lettre, (p. 3, datée du 1er septembre) Girodet explique que le retard mis à terminer sa missive est dû au fait qu'il est allé dessiner au tombeau de Virgile. Toutefois il ne mentionne pas le nom de Péquignot et ne précise pas à quel endroit se trouve la maison de campagne de Raymond.
65) ↑—
Girodet fait au docteur Trioson le récit de cette excursion : « [1er septembre] ... divers raisons en ont été la cause [de mon silence] entres autres une petite maladie d'une 10e de jours consistant seulement en fievre que j'ay attrappé Je crois en allant dessiner au Tombeau de virgile endroit très frais près la grotte de Pausilippe mais où on n'arrive qu'après avoir fait un assés long chemin a l'ardeur du soleil [...] mon bon amy que vont devenir mes projets detudes de Paysage dont la seule espérance me rejouissait Je touchais au moment dexecuter ce projet 7bre 8e 9bre me disais-je voilà trois delicieux mois pour cela... [suit l'allusion au décret d'expulsion des Français des royaumes de Naples et de Sicile le 1er septembre 1793. Cf. infra note 67] » Lettre de Girodet au docteur Trioson, Naples les 25 juillet, 2 août et 1er septembre [1793], citée supra note 51. Voir aussi Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor..., cit., vol. I, p. 225 et notes 403-411.
66) ↑—
Girodet, « Le peintre », in Œuvres posthumes, cit., t. I, p. 124.
67) ↑—
« [1er septembre] ...une flotte Anglaise vint mouiller dans le port de Naples [...] le ministre de france pouvait avoir ordre de partir sous huit Jours. Cest ce qui est arrivé on a été dans toutes les maisons inscrire les noms qualité &c des français qui s'y trouvent. Le Roy de N. qui est très bien disposé en [leur] faveur quoique forcé par les circonstances exigera de ceux qui doivent rester un serment dont on croit que la teneur est de se conformer en toutes circonstances aux lois du Pays. » Lettre de Girodet au docteur Trioson, écrite à Naples les 25 juillet, 2 août et 1er septembre [1793], citée supra note 51.
68) ↑—
Le texte intégral du décret, en français, conservé à Paris, aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères (Correspondance politique, Naples, vol. CXXIII, folios 176-177), est publié dans Beck Saiello, Emilie, Le chevalier Volaire, un peintre français à Naples au XVIIIe siècle, Naples, Centre Jean Bérard, 2004, p. 205-207.
69) ↑—
Correspondance des directeurs..., cit., t. XVI, p. 326.
70) ↑—
Ibid., p. 333.
71) ↑—
« Luigi L'homme Ajo del figliuolo di Monsieur Dalincourt Fermier Generale di Francia nell'antico regime implora di restare in Napoli sino al ventuno mese di febraio col suo allievo, e con Pietro Pequignot Maestro di disegno del medesimo : e'l noto Marchese d'Osmond assicura con suo certificato di essere degno della grazia chiesta. Noi rimettiamo all'arbitrio di Sua Maestà, ed al savio discernimento di Vostra Eccelenza [Sir Acton] se debba, o nô accordarglisi sul suo attestato del nominato Cavaliere. » Naples, Archivio di Stato di Napoli, Affari esteri, busta 543, sans numéro de folio.
72) ↑—
Décret d'expulsion des Français. Voir supra note 68.
73) ↑—
Lettre de Francesco Saverio Petroli à Acton, Ariano, le 2 avril 1794, Naples, Archivio di Stato di Napoli, Affari esteri, busta 548, publiée in Beck Saiello, Emilie, « Alcuni documenti inediti su Girodet a Napoli », Ricerche di Storia dell'Arte, 2003, n° 81, p. 107-108.
74) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074.
75) ↑—
Lafont, Une jeunesse artistique..., cit., note 332 p. 107. Le carnet d'adresses de Girodet, conservé à Montargis, au musée Girodet, est publié in Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor..., cit., vol. II, p. 136. Ce carnet est difficilement datable, mais selon S. Lemeux-Fraitot, il aurait été rédigé à partir de 1800.
76) ↑—
Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, sous la direction de Victor Attinger, Marcel Godet et Henri Turler, Neuchâtel, Administration du Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, 1932, t. VI, p. 694-700 (pour Carl Tshudi, p. 699).
77) ↑—
Nous rapportons la description de l'ascension dans son intégralité : « Io fui la vittima di questo fenomeno [fermentazione], allorché nel mese di agosto, dopo la funesta eruzione del 1794, vi ascesi col sig. Pequignon, rinomato paesista, e con un inglese molto intendente di mineralogia. Arrivati alla cima sui fare dell'alba, dopo di averlo valicato con immensa pena, e fatica, a cagion che la lava ancora ardeva, e si alzavan pur anche i vortici di fumo, mentre col bel sereno del cielo stavano vagheggiando il vasto orizzonte, e desiderosi di approssimarci al suo baratro scendemmo da venti passi pel declinio, in un momento un nembo di fumo pregno di zolfo ci copri, e sentimmo sotto a' nostri piedi lo spaventoso gorgoglio della bollente caldaja, che già minacciava d'ingojarci. Le due guide allora alzando un grido ci avvertirono del vicino pericolo, e ci obbligarono a fuggire, quantunque s'ebbe a durarfatica per persuaderne l'inglese, il quale persisteva nel pensiero di volerlo esaminare fin nel punto della profonda apertura. » Romanelli, Domenico, abbé, Napoli antica e moderna, Naples, Tipografia di Angelo Trani, 1815, p. 168-169.
78) ↑—
Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., p. 280.
79) ↑—
« Deux autres Français, les citoyens Castellan et Léveillé, artistes qui avaient été envoyés à Constantinople, en ont plus récemment, pendant une longue maladie, reçu tous les secours et les soins de l'hospitalité. Il [un employé du consulat francais à Brindisi] leur a facilité les moyens de dessiner quelques vues et quelques édifices du pays. On vient de le mander en cette ville [Naples] , lui promettant de lui donner une place meilleure que celle qu'il exerçait ; à peine arrivé, on l'a conduit en prison, comme prévenu d'avoir aidé des ingénieurs français à lever des plans de fortifications... » Lettre de Trouvé à Talleyrand du 29 frimaire an VI. Paris, Archives du Ministère des Affaires Etrangères, Correspondance diplomatique, Naples, vol. 125, doc 58.
80) ↑—
Castellan, Antoine-Laurent, Lettres sur l'Italie, faisant suite aux lettres sur la Morée, l'Hellespont et Constantinople, Paris, Nepveu, 1819, vol. I, note 1 p. 250. Quelques lignes plus haut, l'auteur parle de Simon Denis. L'ouvrage de Castellan est richement illustré de gravures de paysage.
81) ↑—
Lettre de Cacault au ministre Delacroix, Rome, le 5 pluviôse an V (24 janvier 1797), in Correspondance des directeurs..., cit., t. XVI, p. 496.
82) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074.
83) ↑—
Felice Nicolas travailla d'abord au Ministère des Affaires Étrangères à Naples avant de s'occuper activement de l'organisation administrative des antiquités et des fouilles archéologiques. Pour ses qualités et son dévouement au travail, il fut confirmé dans ses fonctions de directeur des chantiers archéologiques du royaume, d'intendant de la manufacture royale de porcelaine, de responsable des collections de cuivres (pour la gravure) et de fonctionnaire du musée royal, par Joseph Bonaparte en juin 1806. Cf. Laveglia, Pietro, « Paestum dalla decadenza alla riscoperta fino al 1860. Primi studi, primi provvedimenti di tutela », in Scritti in memoria di Leopoldo Cassese, Naples, Libreria scientifica editrice, 1971, vol. II, note 63 p. 227-228.
84) ↑—
La description des travaux et des fouilles effectués par Nicolas à Paestum se trouve dans Paolini, Roberto, Memorie sui monumenti di Antichità e di Belle Arti ch'esistono in Miseno, in Bacoli, in Baja, in Cuma, in Pozzuoli, in Napoli, in Capua Antica, in Ercolano, in Pompei, ed in Pesto, Napoli, Dai Torchi del Monitore delle Due Sicilie, 1812, p. 314-317.
85) ↑—
Versailles, A.D.Y., Fonds Coupin, J. 2074.
86) ↑—
Girodet, « Le peintre », in Œuvres posthumes..., cit., t. I, p. 123.
87) ↑—
Le document est mentionné (sans la référence archivistique) par A.L. Porzio in Civiltà dell'Ottocento a Napoli. Le arti figurative, cat. exp. (Naples, Musée de Capodimonte - Caserte, Palazzo Reale, 25 octobre 1997 - 26 avril 1998), Naples, Electa, 1997, p. 625-626.
88) ↑—
« ...je connais ce tableau [la Vue de Paestum] [ fait par mon ami, mort il y a environ un an, appelé Pequignon. » Lettre du peintre Costanzo Angelini, Professeur à l'académie royale de peinture de Naples au Ministre de l'Intérieur, datée du 18 mars 1809. Naples, Archivio di Stato di Napoli, Ministero dell'Interno, I INV, f. 986. Nous remercions Alba Irollo de nous avoir communiqué ce document.
89) ↑—
Nous remercions bien sincèrement Maria Grazia Spano, directrice des archives de Sorrente, d'avoir, avec patience et persévérance, consulté pour nous les registres d'état civil et les Libri defunctorum de quelques unes des soixante paroisses de la péninsule sorrentine.
90) ↑—
Versailles, A.D.Y, Fonds Coupin, J.2074.
91) ↑—
Pierre-Claude-François Delorme (Paris 1783 - Paris 1859), peintre d'histoire et portraitiste, participe au Salon de Paris entre 1810 et 1851. En 1814 il obtient une médaille de deuxième classe et en 1817, de première classe. En 1841 il est décoré de la Légion d'honneur. À quel moment se situe le séjour de Delorme en Italie ? Quand rend-t-il visite à Péquignot ? Selon Philippe Bordes, qui nous a fait part de ses réflexions, Delorme se serait trouvé en Italie certainement au début de l'Empire, puisqu'il est admis aux concours pour le prix de peinture à Paris en 1804 et 1805, puis expose en 1810 au Salon un tableau peint à Rome, où il s'est rendu, apparemment, en indépendant. En tant qu'élève de Girodet il a pu rendre visite à Péquignot à la demande de son maître.
92) ↑—
Note de Coupin in Girodet, Œuvres posthumes, t. I, cit., note 14 p. 298. Quelques lignes plus haut, Coupin écrit : « Péquignot devait prendre et prit effectivement, en avançant en âge, des habitudes qui, malgré son grand talent, ne lui auraient pas permis d'y paraître. Il se livrait à l'usage du vin d'une manière immodérée, et il n'avait aucun soin de lui-même. »
93) ↑—
Lettre d'Anne-Louis Girodet à François Gérard, Rome, [lundi] 16 mai 1791. « Péquignot va plus souvent au café Grec qu'il ne vient me voir. » Lettres adressées au baron Gérard..., cit., t. I, p. 167-169, n° 12. Le célèbre caffè Greco, via Condotti, était alors le rendez-vous de tous les artistes.
94) ↑—
Le colonel Casella est cité dans le recueil d'Alexandre Dumas intitulé Le Corricolo, publié à Paris en 1843 (rééd. Paris, Desjonquères, 2001, p. 151). Nous n'avons malheureusement pas trouvé d'informations supplémentaires sur ce personnage.
95) ↑—
Lettre de Girodet à Chatillon du 14 janvier 1816, citée in Thuriet, « Un artiste oublié... », cit., note 1 p. 283.
96) ↑—
Affirmation de l'abbé Paul Brune, in Dictionnaire des artistes..., cit., p. 220.
97) ↑—
Coupin in Girodet, Œuvres posthumes, t. I, cit., note 14 p. 298.
98) ↑—
Versailles, A.D.Y, Fonds Coupin, J. 2074.
99) ↑—
Coupin in Girodet, Œuvres posthumes, t. I, cit., note 14 p. 298. Ce trait de caractère avait été remarqué par Girodet dès sa rencontre avec l'artiste (cf. supra Lettre de Girodet à Gérard du 18 avril 1791). Dans une lettre envoyée à Gérard en mai 1791, Girodet lui fait part de la misanthropie de son ami : « Nous nous voyons, Péquignot et moi, autant que deux hommes bien occupés chacun de leur côté peuvent le faire. Nous avons été ensemble dîner chez MM. Giraud et Belle. Ils ont été le voir à leur tour. Je ferai en sorte de l'apprivoiser davantage en le menant chez eux, le plus que je pourrai, car tu sais que de lui-même, mille ans ne suffiraient pas. Je ne désespère pas que cette connaissance ne lui devienne utile. Il devait me venir voir hier, je l'aurais engagé à t'écrire un mot, mais il n'est pas venu. » Lettres adressées au baron François Gérard..., cit., t. I, p. 170.
100) ↑—
Versailles, A.D.Y, Fonds Coupin, J.2074.
101) ↑—
Girodet, « Le peintre », in Œuvres posthumes, cit., t. I, p. 133-134.
102) ↑— Chateaubriand, René (1805), Paris, Taillandier, 1968, p. 168.
Un artiste oublié : le peintre Jean-Pierre Péquignot de Baume-les-Dames,
Par M. Maurice Thuriet, avocat général près la Cour d'Appel de Besançon, membre résidant
Société d'Émulation du Doubs, séance du 23 novembre 1910.
Lorsqu'on entre dans la première salle du Musée de peinture de Besançon, l'œil est tout d'abord accaparé par les deux immenses toiles de Gigoux. Si le visiteur, après avoir admiré comme il convient ces gros morceaux de peinture d'histoire, s'attache ensuite aux œuvres de moindre dimension, il pourra remarquer à gauche, sur la cimaise, un paysage délicat dans le goût du xviiie siècle, qui séduit dès l'abord par la finesse du dessin et du coloris.
Au premier plan, parmi des rochers, des buissons et des bouquets d'arbres, un chasseur vêtu à l'antique, muni d'un arc et de flèches, excite ses chiens à la poursuite d'un gibier invisible ; à droite, un arbre profile sur le ciel d'épaisses frondaisons infiltrées de soleil ; un lac s'étend au second plan jusqu'à la base des hautes montagnes qui s'étagent dans un lointain tout imprégné de lumière blonde et qui se reflètent dans le miroir bleu des eaux. Il y a dans cet ensemble beaucoup de charme, de douceur, d'harmonie, une incomparable habileté de touche, une infinie délicatesse de tons. Au dos de la toile. on lit la signature P. Péquignot et la date 1803 et si l'on se reporte au catalogue, on apprend que ce tableau représente une vue des environs de Naples et que l'auteur Jean-Pierre Péquignot est né à Baume-les-Dames1. Ces mentions du catalogue m'ont causé quelque surprise, car dans sa ville natale, ce peintre est aujourd'hui inconnu ; son nom et sa race y sont éteints et son œuvre ignorée. Comment un pareil artiste dont la maîtrise est incontestable, a-t-il pu tomber dans un semblable oubli ? C'est que dès sa prime jeunesse, Péquignot a quitté la Franche-Comté et n'y est jamais revenu. Il a vécu et il est mort sur une terre étrangère ; c'est sous le ciel d'Italie qu'il a produit toutes ses œuvres, aujourd'hui dispersées et pour la plupart introuvables.
Jean-Pierre Péquignot2 est né à Baume-les-Dames le 12 mai 1765 ; comme Gigoux, il était le fils d'un maréchal ferrant. Ainsi, à quarante ans d'intervalle3 deux peintres comtois ont vu le jour dans l'arrière boutique d'un taillandier. Faut-il croire que la magie des couleurs s'est révélée à ces deux fils d'artisan dans le rougeoiement de la forge paternelle et à travers les nuances infiniment variées que prend le fer en passant de l'incandescence à la matité ? L'enfance du jeune Péquignot s'écoula tout entière à Baume à l'épo que où l'historien Perreciot exerçait en cette ville le pouvoir municipal. Il montra de bonne heure un goût passionné pour le dessin, tandis que son frère aîné manifestait des dispositions pour la sculpture. Dans sa modeste situation, le père eut désiré sans doute élever ses fils dans l'apprentissage de son métier, mais il eut assez d'intelligence et d'abnégation pour ne pas entraver la vocation artistique de ceux-ci et il les envoya à Besançon où la municipalité venait de fonder, avec le concours du peintre Wyrsch et du statuaire Luc Breton, une école des Beaux-Arts, pompeusement désignée sous le nom d'Académie de peinture et de sculpture. L'enseignement y était gratuit ; l'école était installée dans un immeuble de la ville situé derrière l'église du St-Esprit ; elle était ouverte depuis le 8 mars 1774 ; les frères Péquignot y vinrent en 1775 et furent au nombre des premiers élèves ; ils y restèrent près de cinq ans, jusqu'au jour où l'aîné, froissé d'une prétendue injustice dans le jugement d'un concours de statuaire, quitta Besançon et se rendit à Paris où il entraîna son jeune frère4. Ils entrèrent tous deux dans une institution dirigée par le chevalier Pauwlet et protégée par la Reine ; les élèves étaient soumis dans cette école à une discipline analogue à celle des prytanés militaires. Là, Jean-Pierre Péquignot eut pour camarade les neveux de Joseph Vernet dont les paysages et les marines étaient alors fort admirés. Introduit par ses nouveaux amis dans l'atelier de leur oncle, Péquignot eut la bonne fortune de recevoir de ce maître des conseils qui eurent sur la direction de son talent naissant la plus heureuse influence. Joseph Vernet avait fait faire à l'art du paysage un progrès sensible, en poussant l'étude de la nature beaucoup plus loin que ses devanciers qui souvent se contentaient de peindre en chambre des sites de convention. Comme son maître Vernet, Péquignot appartiendra à l'école du plein air, comprenant que pour bien rendre un paysage, il faut être directement ému par sa contemplation.
En quittant la pension Pauwlet, les deux fils de l'humble forgeron de Baume-les-Dames durent se trouver aux prises plus d'une fois avec les difficultés matérielles de la vie qui ont été le tourment mais aussi l'aiguillon de tant d'artistes. Ils n'eurent point l'idée de revenir au pays natal ; ils ne songeaient qu'à se perfectionner dans l'art auquel chacun d'eux s'était voué. L'aîné, le sculpteur, se fixa à Paris et, sans atteindre à la célébrité, devint un praticien fort habile et vécut honorablement de son ciseau. Le jeune, tout en fréquentant l'atelier de Joseph Vernet, se mit à peindre de petits paysages destinés à orner des coffrets et des bibelots que le goût frivole du xviiie siècle avait mis à la mode et qui font aujourd'hui les délices des antiquaires. Ces productions assuraient tant bien que mal son existence. Il exécutait en même temps des œuvres plus importantes qu'il mettait en vente sur la place Dauphine. Il y avait alors sur cette place une sorte d'exposition permanente de peinture ; c'était là que les jeunes artistes qui n'avaient pas encore accès au Salon plaçaient leurs tableaux sous les yeux du public, en les accrochant le long des maisons, sous un auvent. Les paysages de Pequignot furent remarqués et bientôt, grâce à ses heureux débuts, il obtenait la faveur d'entrer dans l'atelier de David, centre d'attraction de toute la jeunesse artistique de l'époque. On peut s'étonner de ce que le jeune paysagiste ait pris les leçons du grand peintre d'histoire. Peut être qu'à ce moment Péquignot cherchait encore sa voie et hésitait encore sur le genre auquel il se consacrerait définitivement ; mais j'incline plutôt à croire qu'en artiste consciencieux il pensait qu'un paysagiste qui veut animer ses tableaux ne doit rien ignorer des proportions et des attitudes du corps humain.
David fut vite séduit par la grâce et l'originalité des premières œuvres de son élève ; il ne pouvait mieux lui témoigner son intérêt qu'en lui procurant l'appui d'un de ces personnages opulents, fermier général ou marquis, qui sous l'ancien régime s'érigeaient volontiers en Mécènes et se piquaient de découvrir et de favoriser les talents en éclosion. Le protecteur que David mit en relations avec Péquignot offrit généreusement à celui-ci de lui payer le voyage de Rome en lui promettant de lui servir là-bas une pension de 1200 livres. Le jeune peintre, à qui l'exiguïté de ses ressources semblait interdire pour longtemps le pèlerinage désiré par tout artiste aux sources sacrées de l'Art accepta ces offres avec reconnaissance et prit la route des Alpes avec enthousiasme. À cette époque le voyage était long de Paris à Rome et des évènements imprévus pouvaient survenir entre le départ et l'arrivée : une désagréable surprise attendait notre confiant artiste au terme de sa route ; il trouva à Rome une lettre par laquelle son protecteur lui annonçait qu'atteint par des revers de fortune il serait dans l'impossibilité de lui servir la pension promise : Mécène avait fait faillite ! Qu'allait devenir le jeune Baumois jeté ainsi sans ressources dans une ville étrangère où il ne connaissait personne et dont il ne parlait pas encore la langue ? Péquignot ne se découragea pas. Déjà habitué à vivre de ses pinceaux, il se mit vaillamment au travail, réussit à vendre ses tableaux, ce qui est parfois plus difficile que de les composer et se trouva bientôt à l'abri du besoin.
Il était installé dans la capitale de l'Art depuis deux ou trois ans lorsqu'arriva dans cette ville, en qualité de pensionnaire de l'Académie de France, Girodet, le futur auteur du Déluge et des funérailles d'Atala, qui avait obtenu le Grand Prix de Rome en 1789. Girodet avait alors 22 ans, Péquignot en avait 25. Entre ces deux jeunes gens, une étroite amitié ne tarda pas à s'établir. Tout contribuait à les réunir : l'éloignement de leur patrie commune, l'amour de leur art, leur affectueuse reconnaissance pour leur maître David, l'estime réciproque que chacun avait pour le genre de talent de l'autre, enfin un même élan d'enthousiasme pour la Révolution naissante. Plusieurs années de vie commune, qui ne fut exempte ni d'agitation ni de périls ont créé entre les deux artistes des liens d’affection que la mort seule a pu dénouer, et ce n'est pas le moindre titre d'honneur du peintre baumois que d'avoir inspiré à Girodet une estime et une amitié dont ce maître a, comme nous le verrons, multiplié les témoignages.
Tout en suivant les cours de l'Académie de France et en peignant deux grandes toiles qui figurent actuellement au Musée du Louvre : le Sommeil d'Endymion et Hippocrate refusant les présents d'Artaxerxés, Girodet s'était pris, au contact de Péquignot, d'un goût très vif pour le paysage. Dans la correspondance suivie qu'il entretenait avec M. Trioson, son père adoptif, il paraît tout heureux de faire avec son ami des études d'après nature, dal vero, comme disent les Italiens. « Tous les environs de Rome sont charmants, il suffit de les nommer, écrit-il le 20 juillet 1790 ; Tivoli, Frascati, Albano, etc., ont fait les délices des anciens et peuvent encore intéresser les modernes. » Et le 28 septembre suivant, il ajoute : « J'ai commencé ces jours-ci quelques études de paysage autour de Rome ; c'est une occupation aussi amusante qu'instructive, nécessaire à un peintre d'histoire et beaucoup trop négligée, comme on en peut facilement juger par les productions de beaucoup d'entre nos artistes5. Dans son poème « le Peintre », Girodet a plus tard essayé de traduire en vers assez médiocres le ravissement qu'il éprouvait à faire du paysage d'après nature en compagnie de Péquignot ou à admirer avec lui les chefs-d'œuvre des maîtres italiens :
Soit que l'ami des arts devant leurs monuments
S'absorbe en son extase, en ses ravissements ;
Soit qu'à ses yeux charmés la nature vivante
S'offre naïve et simple, ou parée, ou brillante,
Oh! combien d'un ami, présent à ses côtés
Le plaisir qu'il partage embellit leurs beautés,
Ajoute d'intérêt aux objets qu'il admire !
Qu'un chef-d'œuvre l'enflamme ou qu'un site l'inspire,
Le premier est mieux vu, le second mieux senti
Quand le transport de l'un chez l'autre a retenti6.
Cette vie heureuse et contemplative, toute remplie et charmée par le culte de l'art allait bientôt être bouleversée par des événements tragiques. Il n'y avait pas de doux pays pour les Français, aux heures sombres de la Révolution ; mais dans la capitale des États pontificaux, plus que partout ailleurs, les citoyens d'une nation où l'on venait de massacrer des prêtres et où l'on allait faire tomber la tête d'un Roi étaient l'objet d'une réprobation farouche.
Dès le 28 juillet 1791, Girodet écrivait à M. Trioson : « On poursuit mes compatriotes à coups de pied, on leur montre le couteau, on a voulu en jeter un dans le Tibre, etc. Je n'ai encore rien éprouvé de pareil, mais cela est arrivé à plusieurs de mes camarades et il ne faut désespérer de rien. Le gouvernement fait semblant de trouver cela mauvais, annonce la peine des galères pour celui qui insultera un Français et cependant il paie sous main des coquins pour le faire. »7. L'année suivante, la police pontificale ne dissimulait plus son hostilité vis-à-vis de nos nationaux : un artiste français qui avait fait chez lui un dessin ayant trait à la Révolution, était emprisonné, mis au secret et traduit devant le Tribunal de l'Inquisition8. Bientôt un incident de médiocre importance mettait le feu aux poudres et déchaînait contre les Français résidant à Rome les fureurs d'une populace ignorante et fanatisée. Le consul de France, Basseville, avait reçu de son gouvernement des instructions pour faire remplacer sur les portes du Consulat et de l'Académie l'écusson royal par les armes de la République ; le pape protesta violemment contre cette mesure et signifia à Basseville qu'il s'opposait à ce que, sous ses yeux et dans sa ville, on érigeât l'emblême républicain9. La Convention envoya l'ordre de passer outre et Mackau, ministre de France à Naples, délégua le major de la division Latouche pour faire placer les armes. Girodet avait réclamé l'honneur périlleux de peindre celles qui devaient servir à l'Académie. Tandis que sur les conseils même de notre consul, les autres pensionnaires fuyaient les États de l'Eglise et se réfugiaient à Naples, Girodet resta pour s'acquitter de sa tâche dans laquelle l'aidaient Péquignot et deux de leurs amis. Ils achevaient le travail dans les combles de l'Académie même quand ils entendirent monter de la rue des vociférations tumultueuses. Péquignot, le pinceau à la main, sort de l'atelier pour voir ce qui se passe ; il revient au bout d'un instant et dit à ses camarades: « Ce sont eux ! » — « Qui, eux ? » interrogent les trois autres — « Le peuple ! » dit-il simplement. Au même moment une foule furieuse envahit le palais, brisant sur son passage les portes, les vitraux, les statues de l'escalier et les salles. « Ils n'avaient que vingt marches à monter pour nous assassiner, écrivait quelques jours après Girodet à son père adoptif ; nous les leur épargnâmes en allant au-devant d'eux. Ces misérables étaient si acharnés à détruire qu'ils ne nous aperçurent même pas ; mais des soldats presque aussi bourreaux que ceux que nous avions à craindre, loin de s'opposer à eux, nous firent descendre plus de cent marches à grands coups de crosse de fusil, jusque dans la rue où nous nous trouvâmes abandonnés et sans secours au milieu de cette populace altérée de notre sang. Heureusement encore ces bourrades de soldats lui firent croire que nous faisions partie d'elle-même, mais quelques-uns nous reconnurent. Un de mes camarades fut poursuivi à coups de pavés, moi à coups de couteau, des rues détournées et notre sang-froid nous sauvèrent. Echappé à ce danger, pour les prévenir tous, j'allai me jeter dans un autre ; je courus chez Basseville ; dans ce moment même on l'assassinait ; le major, la femme de Basseville et Moutte le banquier se sauvent par miracle. Je me jette dans une maison italienne à deux pas de là ; j'y reste jusqu'à la nuit. J'ai l'audace de retourner à l'Académie qui était devenue le palais de Priam ; on se préparait à briser les portes à coups de hache et à mettre le feu. Là je fus reconnu dans la foule par un de mes modèles ; il faillit me perdre par le transport de joie qu'il eut de me voir sauvé. Je lui serrai énergiquement la main pour toute réponse et nous nous arrachâmes de ce lieu »10. Dans leur fuite précipitée, Péquignot et Girodet avaient été séparés par les remous de la foule ; ils se rejoignirent dans la soirée et tous deux trouvèrent asile dans la maison du modèle où ils passèrent la nuit. De ce refuge d'où ils n'osaient sortir, par crainte d'une populace gallophobe, Girodet informait un de ses amis de Rome, M. Tortoni, de la détresse dans laquelle il se trouvait ainsi que Péquignot. « Nous avons résolu, lui mandait-il, de partir demain matin pour Naples, à pied, mais nous n'avons presque pas d'argent. Nous nous sommes retirés dans un lieu de sûreté ; vous pouvez vous y laisser conduire ; je ne voudrais pas partir demain avant le jour, comme il sera nécessaire que je le fasse, sans vous embrasser... Apportez-moi une cédule de trente ou quarante écus. Dans le cas où il vous serait absolument impossible de venir, vous pouvez confier cet argent à l'homme que je vous envoie. Ce billet vous servira de reconnaissance ». Les deux amis étaient vite tombés d'accord pour gagner Naples où Girodet tenait à rejoindre ses camarades de l'école et où Péquignot était attiré par le renom d'un site éblouissant. Deux heures avant le jour ils quittaient la ville inhospitalière, abandonnant tout ce qu'ils possédaient y compris leurs œuvres et leur bagage d'artiste. Même hors des murs de Rome, leur fuite n’alla pas sans dangers : « Nous marchâmes deux jours à pied, écrivit Girodet à M. Trioson dès son arrivée à Naples, et ne trouvâmes sur la route que des motifs d'inquiétude. À Albano, on refusa de nous louer une calèche ; nous n'en pûmes trouver qu'à Velletri et on nous fit bien payer la nécessité où nous étions de nous en servir. Dans les marais Pontins, forcés par le temps le plus horrible de nous réfugier dans une écurie, on délibéra de nous y massacrer pour avoir nos dépouilles. Un de ces scélérats, moins scélérat que les autres, fit réflexion qu'elles n'en valaient pas la peine. Ce fut le dernier danger que nous courûmes. Hors des États du pape nous fûmes véritablement traités en amis, le roi de Naples ayant donné les ordres les plus positifs de protéger tous les Français qui se réfugieraient dans ses états. En arrivant ici, je descendis sur le champ chez le citoyen Mackau11 que j'informai de ces détails et de ma position. Là, j'appris tout ce qui s'était passé : la mort de Basseville, celle de deux Français massacrés à la place Colonne ; le secrétaire de Basseville dangereusement blessé, ainsi qu'un domestique de l'Académie ; le feu mis au quartier des juifs : la maison de Torlonia et la porte de France assaillies de pierres ; les palais d'Espagne, de Farnèse, de Malte et autres menacés... On a cherché les Français dans toutes les auberges et dans tous les endroits possibles. Nous sommes dans la plus grande inquiétude sur le sort de ceux de nos camarades qui sont restés en proie à la proscription »12
C'est le 18 janvier 1793 que Péquignot et Girodet arrivèrent à Naples, et c'est le lendemain que Girodet adressait à M. Trioson la relation de leurs aventures.
Ces périls qu'ils viennent d'affronter en commun ont encore resserré l'intimité des deux jeunes gens. À Naples, dans ce paradis terrestre, malheureusement souillé par ses habitants, la nature semble s'être parée de ses plus riantes couleurs et s'être moulée dans ses formes les plus attirantes pour émerveiller et captiver les artistes. Girodet va pour quelque temps abandonner la peinture d'histoire pour suivre Péquignot et reproduire avec lui les plus beaux sites virgiliens. Il écrit le 1er mars 1793 à Mme Trioson : « Mon projet est de parcourir les environs de Naples et d'y séjourner suf fisamment pour tirer de ce pays ce qu'il offre d'intéressant pour l'art. C'était aux environs de Rome que je devais cette année me livrer à l'étude du paysage, genre de peinture universel et auquel tous les autres sont subordonnés parce qu'ils y sont renfermés. J'attendais avec impatience le moment de m'y livrer tout entier..... » Girodet a chanté plus tard le charme des jours vécus avec son ami, sous ce ciel délicieux, au bord de la mer bleue, en face du Vésuve fumant et il a célébré avec lyrisme le talent avec lequel Péquignot traduisait la poétique beauté de ces lieux enchanteurs :
Quand les maux de la France épouvantaient l'Europe
J'errais mélancolique aux champs de Partenope.
Près d'un ami, rival des Claudes [sic], des Poussins [sic],
J'admirais ces beaux lieux, plus beaux dans ses dessins,
L’un par l'autre excités, dans nos courses riantes,
Nos crayons récoltaient des moissons abondantes :
Tantôt nous dessinions ces bosquets toujours verts
Où la figue et l'orange ignorent les hivers,
Où des larmes du Christ, la vigne parfumée
Suspend ses grappes d'or à la roche embaumée
Ou serpente, en grimpant, sur l'arbre de Pallas.
Tantôt nous retracions, couverte de frimas,
La cîme du volcan, sans colère, fumante ;
Les noirs rochers battus par la vague écumante
Où se plongeaient d'un saut, semblables aux Tritons,
Tout le peuple nageur des jeunes lazarons.
Que de fois, sur le port, promeneurs solitaires,
Diane nous a vus passer des nuits entières,
Soit lorsque ses rayons, des objets vacillants
Nous répétaient l'image au sein des flots tremblants
Et versaient dans nos cours la douce rêverie ;
Soit lorsque, du Vésuve éclairant la furie,
Ses doux feux réflétaient, de leur lustre argenté,
Les flancs noirs et fumants du volcan irrité.
Les soins de l'avenir n'osaient troubler nos songes.
Abusés cependant par les plus doux mensonges,
Nos vœux se partageaient l'avenir par moitié :
L'une pour les beaux-arts, l'autre pour l'amitié13.
Péguignot et Girodet passèrent ensemble toute l'année 1793 et probablement la plus grande partie de 1794, loin des agitations de la France, dans la douceur d'une vie exempte de soucis et dans la joie qu'on éprouve à cultiver l'art que l'on aime. Mais comme il faut toujours que le bonheur soit troublé par quelque chose, Girodet eut des inquiétudes au sujet de sa santé, vers la fin de l'été de 1793. Il avait eu un refroidissement « en allant dessiner au tombeau de Virgile, lieu très frais, près de la grotte du Pausilippe, mais où l'on n'arrive qu'après avoir fait un assez long chemin à l'ardeur du soleil14 ». Il eut ensuite un crachement de sang et, dans la crainte de devenir phtisique, il prit des précautions ; le 3 novembre 1793, il écrivait à Trioson : « J'ai été passer un mois presque tout entier à la campagne, à quelques heures de Naples, dans un pays délicieux pour l'air et pour l'étude. » Il ajoutait que l'état de sa santé ne lui avait pas permis de profiter de ce séjour autant qu'il l'aurait désiré pour peindre. Girodet quitta Naples en 1794, Péquignot s'y installa au contraire d'une façon définitive. Il y fut témoin durant cette même année d'une des plus fougueuses éruptions du Vésuve, celle qui anéantit la ville de Torre del Greco. Cette catastrophe ne l'effraya point et ne diminua en rien son attachement à sa nouvelle patrie ; il était de ceux pour qui la joie d'y vivre l'emporte sur la crainte d'y mourir.
Péquignot s'absentait souvent pour des excursions à des distances plus ou moins grandes de Naples ; il fit même un voyage en Sicile, et à son retour, il en adressa à Girodet une relation dont celui-ci avait été très vivement frappé et qu'il disait être admirable15.
Péquignot s'adonnait aussi à la musique ; il parlait élégamment sa langue maternelle et l'italienne. Ses talents lui auraient permis de faire bonne figure en société, mais il avait pour le monde une aversion naturelle qui dégénéra peu à peu en une misanthropie maladive, au moins dans la dernière partie de sa vie. Il apparaît comme une nature molle et sans ressort : il devient le jouet des événements et de ses passions ; malhabile à conduire sa barque, il reste sur le rivage où la tempête le fait échouer ; il ne réagit ni contre le sort adverse ni contre les effets déprimants de la solitude. À ce caractère faible, il eut fallu le réconfort d'un foyer conjugal ou l'appui d'une amitié dévouée ; il ne sut pas se créer le premier, et le second lui fit défaut après le départ de Girodet. Il négligea sa tenue et, chose plus triste, versa dans la plus funeste des habitudes, l'alcoolisme. Coupin rapporte qu'un élève de Girodet, M. Delorme étant venu à Naples, était chargé par son maître de porter à Péquignot le témoignage de sa vivace affection. Péquignot refusa par deux fois de le recevoir ; Delorme fut obligé de forcer sa porte et il trouva l'ami de Girodet dans un état « qui expliquait sa répugnance à se laisser voir ». Ce déplorable genre de vie abrégea les jours du malheureux artiste : Péquignot avait à peine quarante-deux ans quand il mourut à Naples en 1807. Sa mort causa un vif chagrin à Girodet qui renonça dès lors au projet qu'il avait toujours caressé de retourner en Italie :
Je ne les verrai plus ces pays enchanteurs…
Je n'y trouverais plus cet ami précieux ;
Ce beau ciel qu'il aimait n'éclaire plus ses yeux.
Ces vallons enchantés, ces grottes pittoresques,
Où souvent s'égaraient ses pensées romanesques,
Ces monts, nouveaux enfants nés des flancs des vieux monts,
Et qui savaient si bien inspirer ses crayons,
Ne feront plus jamais son bonheur et sa joie.
De la mort son génie est devenu la proie ;
Dans l'été de ses ans le barbare destin
Arracha les pinceaux à sa savante main.
Ces regrets exprimés par Girodet dans le 3e chant de son poëme Le Peintre sont suivis de cet éloge où l'auteur, en même temps qu'il vante la modestie, le désintéressement et le mérite de Péquignot, va jusqu'à lui prédire une célébrité posthume :
La France honorerait aujourd'hui sa mémoire,
Si son orgueil, moins fier, eut accueilli la gloire.
Aimant les arts pour eux, heureux d'être oublié,
Ses seuls besoins étaient l'étude et l'amitié ;
Par l'étude fixé sur la terre étrangère,
Pour compagne il garda la pauvreté sévère,
Pour mentor le travail, et ses nobles mépris
Aux hommes comme à l'or n'attachaient aucun prix.
Plus d'une fois j'ai vu la bizarre fortune,
Accourant sur ses pas, lui paraître importune,
Je l'ai vu dédaignant les dons de sa faveur
Lui-même malheureux, secourir le malheur !
O toi, qui malgré toi, seras un jour célèbre
Reçois, cher Péquignot, cet hommage funèbre !
Hélas ! en te quittant j'espérais quelque jour
Te revoir dans ces lieux si chers à ton amour :
Les temps ont emporté mes vœux avec ta vie.
Ami, paix à ta cendre et gloire à ton génie !
On pourrait croire que le mot génie est venu sous la plume de Girodet pour satisfaire aux exigences de la rime ou qu'il n'est qu'une hyperbole poétique. Le trait suivant rapporté par Coupin, montre que même en prose, Girodet tenait à ce vocable pour caractériser l'œuvre de son ami. Un jour que, dans l'atelier de l'auteur des Funérailles d'Atala, on s'entretenait de Pequignot, un des élèves déclara: « C'était un homme de talent » — Dites un homme de génie, reprit sèchement le maître.
Péquignot mourut dans la misère, à côté d'un trésor. Il laissait en effet un portefeuille considérable et de grande valeur. Son frère aîné, qui était son seul héritier donna sa procuration, sur le conseil de Girodet, à un colonel napoli tain, Calcidonio Casella, dont la probité n'était pas la principale vertu. Ce mandataire infidèle recueillit tous les tableaux et les dessins, les vendit à son profit et n'en rendit aucun compte à l'héritier16. Cette partie importante de l'œuvre de Péquignot fut perdue pour la France.
Que subsiste-t-il encore des tableaux de Péquignot ? Et où sont ceux que le temps a épargnés ? Dussieux dans son ouvrage « Les artistes français à l'étranger »17 énonce que tous les paysages de Pequignot sont en Italie. Cependant Coupin déclare que Girodet saisissait avec empressement l'occasion d'acheter les toiles de son ami, qu'il en possédait plusieurs d'une grande beauté et qu'il en copia quelques unes. D'autre part, A. Guenard dans son livre sur Besançon18 déclare que les principaux ouvrages de Péquignot sont restés en Italie ou, achetés par des amateurs étrangers, enrichissent les musées d'Allemagne et de Russie.
Ces indications sont vagues et quelque peu contradictoires. J'aurais voulu pouvoir retrouver dans des musées d'Europe, ou dans des collections particulières quelques œuvres de l'artiste baumois. Les recherches auxquelles je me suis livré n'ont pas été couronnées de succès : M. Venturi, professeur d'histoire de l'art à Rome, à qui j'ai fait demander des renseignements par un obligeant intermédiaire19 m'a fait dire qu'il avait vu plusieurs tableaux de Jean-Pierre Péquignot, mais qu'il se rappelait seulement le paysage napolitain qui est au Musée de Besançon. Cette réponse ne m'apprenait rien et me laissait à mon point de départ.
Le paysage du Musée de Besançon provient de Jean Gigoux qui l'a donné de son vivant. Il eût été intéressant de savoir où cet artiste se l'était procuré, mais sa correspondance avec Fanart20 relative aux nombreux dons artistiques de Gigoux à la ville, est muette sur ce point. Une seule lettre du 20 septembre 1884 fait allusion au tableau de Péquignot ; le donateur se plaint de ce qu'on n'aît pas encore inscrit sur le cadre la mention : « Donné par Jean Gigoux ».
Le peintre officiel des batailles du premier Empire, Gros, possédait deux tableaux de Pequignot, qui ont été reproduits par la gravure dans les Annales du Musée et de l'école moderne des Beaux-Arts de C.-P. Landon, Paris, 1808. Paysages et tableaux de genre, Tome 3e, planches 11 et 13. Ces gravures sont l'œuvre de Beaujean.
En regard de la planche 11, on lit : « Cet ouvrage de M. Pecquignot (sic), artiste français actuellement à Naples, offre la réunion de différents sites pittoresques, dessinés d'après nature en Italie, manière de composer le paysage généralement adoptée par les peintres qui ont voulu s'élever au style historique. Les plus beaux fonds des tableaux du Poussin ont été pris sur la nature ; il n'y en a peut-être pas un où l'on ne retrouve quelques-uns de ces édifices dont l'aspect embellit les environs de Rome. Le paysage de M. Pecquignot est bien composé. Deux satyres sont les seuls personnages qui animent cette solitude agréablement variée et rafraîchie par de belles masses de verdure et par de nombreuses cascades qui se précipitent du haut des montagnes ».
En regard de la planche 13 figure la mention suivante :
« Ce paysage du même auteur est également une vue composée de diverses études dessinées d'après nature. On remarque dans celui-ci des lointains d'un aspect majestueux et de belles fabriques »21.
Un autre tableau de Péquignot a eu les honneurs de la gravure. On lit sur l'estampe les mentions suivantes, traduites de l'Italien : « Vue de Pestum, prise hors les murs, près de la porte septentrionale où, en 1805, furent faites quelques fouilles sous la direction de Félix Nicolas. Le tableau original, de quatre palmes napolitaines sur trois, existe dans le cabinet de ce même M. Nicolas. P. Péquignot le peignit en 1805. Louis Vocaturo le dessina et le grava en 1812 ».
Cette composition présente au centre le sieur Nicolas, entouré de sa femme assise et de nombreux curieux ; il donne des ordres à des ouvriers creusant une fouille. Les ruines et les environs de Pestum forment le fond du paysage. On relève quelques erreurs de dessin, telles que la disproportion du corps et de la tête des personnages. Cette faute, très fréquente autrefois, est vraisemblablement imputable au graveur napolitain22.
Suivant le dictionnaire général des artistes de l'école française23 le Salon de 1810 contenait deux toiles de Péquignot :
les Grecs évacuant l'Asie après la guerre de Troie, et Marcellus faisant emporter les objets d'art de Syracuse. Les titres seuls de ces tableaux prouvent que Péquignot se souvenait au besoin d'avoir été l'élève de David et ne craignait pas d'aborder la peinture d'histoire.
De ses excursions aux environs de Naples et en Sicile, Péquignot rapportait de nombreux dessins à l'estompe, relevés de sépia et de blanc, sur papier bleu. Dussieux déclare que ces dessins sont fort beaux. L'artiste s'en servait pour composer ses tableaux, qui pour la plupart ne reproduisent pas exactement un site déterminé, mais présentent un groupement harmonieux de fragments de vues diverses, prises ça et là dans une contrée. Il en est ainsi, d'après Landon, des deux paysages gravés dans ses Annales des Beaux Arts ; le tableau du Musée de Besançon me paraît issu du même procédé. Cette méthode avait ses écueils et les nombreux peintres qui l'ont mise en pratique au xviiie siècle n'ont guère su éviter le faux et l'artificiel. Péquignot au contraire est un des rares artistes qui, de l'avis d'un critique autorisé, Henri Delaborde24, n'est pas tombé dans les défauts de ces combinaisons arbitraires, et a réussi « à ennoblir le vrai sans pour cela le travestir. »
Je me vois forcé de clore ici la liste, malheureusement fort écourtée, des œuvres de Péquignot. Faute de pouvoir en citer d'autres, malgré mes recherches, il ne me reste qu'à reproduire les appréciations formulées par ceux qui ont eu la bonne fortune d’en voir un plus grand nombre. Coupin s'exprime ainsi : « Péquignot, peu connu du public, avait un talent véritablement original et ne devait rien qu'à lui-même. Quoique l'on s'aperçoive bien qu'il a observé la nature, plutôt à la manière du Poussin et du Guaspre que comme les coloristes, il n'y a cependant pas d'analogie entre lui et ces maîtres. Ses arbres sont toujours d'une beauté de forme et d'un choix de contours remarquables. Les sites qu'il représente ont une grâce et une originalité qui plaisent à l'imagination. On ne rencontre dans aucun peintre le caractère agreste et sauvage de ses montagnes. Souvent il a donné à ses ciels un choix de forme qui n'appartient qu'à lui.
Les tableaux de Pequignot avaient peu d'effets ; on peut reprocher aux arbres de ses premiers plans de manquer de vérité : le feuillé est souvent trop compté, on n'y trouve pas cette espèce de désordre qu'offre la nature; mais ce défaut, peut-être inévitable lorsqu'on cherche constamment la beauté, n'est plus sensible dans les autres plans. La poésie, l'élévation du dessin, la beauté des lignes et une grande délicatesse d'exécution font le mérite particulier des tableaux de Péquignot25 ».
Dussieux, dans son livre sur les Artistes français à l'Etranger, porte un jugement presque identique à celui de Coupin : « Péquignot, peu connu généralement, était cependant un artiste d’un talent remarquable surtout par l'originalité ; il ne devait rien qu'à lui-même.. ... Le plus souvent ses paysages sont inventés, toujours très poétiquement composés, pleins de goût et d'originalité ; ses ciels, ses montagnes ont des formes et un caractère tout particuliers ; si les arbres des premiers plans sont de convention, les autres plans de ses tableaux n'offrent plus ce défaut et l'on ne peut qu'y admirer la poésie du dessin, la beauté des lignes et une grande délicatesse d'exécution »26.
Plus d'un siècle s'est écoulé depuis la mort de Péquignot, et, contrairement à la prédiction de Girodet, ce n'est pas la célébrité qui lui est advenue, mais l'oubli. La Franche-Comté elle-même semble ignorer cet enfant prodigue qui l'a quittée tout jeune et ne lui est jamais revenu. Il est ainsi des êtres que la fatalité poursuit même au delà de la vie : Péquignot est de ceux-là. Ne lui gardons pas trop rigueur de n'avoir pas repris racine sur le sol natal et d'avoir préféré à nos vallées verdoyantes et aux fiers sapins de nos montagnes les flots bleus du golfe de Naples et l'ombre des pins parasols. Soyons-lui reconnaissants au contraire d'avoir porté au loin le renom de notre province et, dans la galerie des artistes comtois, réservons-lui une place parmi les meilleurs.
Avec l'aimable autorisation de La Société d'Émulation du Doubs.
Notes
1) ↑— Le paysage de P.-J. Péquignot porte le n° 381 du catalogue du Musée de Besançon. Il mesure .55 de haut sur ( m 80 de large.
2) ↑— Péquignot est un nom assez répandu en Franche-Comté; il est d'origine espagnole.
3) ↑— Gigoux est né en 1806 à Besançon, place des Maréchaux.
4) ↑— Lancrenon. Notice sur Girodet (Mémoires de l'Académie de Besançon, 1870).
5) ↑— Girodet. Œuvres posthumes, publiées par P.-A. Coupin (Lettres XXXVI, XXXVII, XLVIII à M. Trioson.
6) ↑— Girodet. Le Peintre, poëme. Chant II.
7) ↑— Girodet. Œuvres posthumes (Lettre XLIII).
8) ↑— Op. cit. (Lettre L à M. Trioson, du 3 octobre 1792).
9) ↑— Op. cit. (Lettre LI, du 9 janvier 1793).
10) ↑— Op. cit. (Lettre LII du 19 janvier 1793).
11) ↑— Ministre de France à Naples.
12) ↑— Op. cit. (Lettre LII à M. Trioson, 19 janvier 1793).
13) ↑— Girodet. Le Peintre, poëme. Chant III.
14) ↑— Op. cit. (Lettre LV à M. Trioson).
15) ↑— Girodet. Œuvres posthumes (Note de P.-A. Coupin).
16) ↑— Œuvres de Girodet (Lettre XI, du 14 janvier 1816, à M. Chatillon) : «... Je ne crois pas, je suis même certain mon cher Chatillon, que M. Péquignot n'a reçu aucun des effets ni des dessins de son frère. Je n'ai rien reçu moi-même, comme vous savez. M. Calcidonio Casella était parti de Paris avec une procuration de M. Péquignot. Il m'a écrit depuis qu'on exigeait pour la remise des effets un nombre de ducats, peut-être le même que réclame la famille Dines, mais il ne m'a point marqué qu'il les eut payés; au surplus je n'ai que des souvenirs très vagues de ce qu'il m'a mandé, n'ayant point eu depuis de nouvelles ni de lui ni de personne. Je ne puis pour l'instant vous donner d'autres renseignements. »
17) ↑— Page 442.
18) ↑— Alexandre Guenard. Besançon. Edition de 1860.
19) ↑— M Charles Thuriet, président honoraire, demeurant à Turin.
20) ↑— Les lettres de J. Gigoux à Fanart sont conservées à la Bibliothèque de Besançon.
21) ↑— Note ajoutée à la page 14 : Ces deux paysages sont tirés du cabinet de M. Gros, peintre, auteur de la Peste de Jaffa.
22) ↑— Cette estampe fait partie de la collection de M. Cochon, conservateur des forêts en retraite à Chambéry.
23) ↑— De la Chavignerie et Auvray.
24) ↑— Gazette des Beaux-Arts. Année 1864.
25) ↑— Œuvres de Girodet, (Notes).
26) ↑— Dussieux. Les Artistes français à l'Étranger, p. 442.
Paysage avec fabriques et deux personnages féminins sur un chemin
Huile sur toile 62 x 75 cm
Hist: probablement coll. Antoine-Jean Gros ; Paris, galerie Jacques Leegenhoek, 2003 ; New York, Christie's, 26 janvier 2005, n° 79
Bibl : Landon, 1808, t. III, p. 15; Landon, 1833, t. I, p. 42
Œuvre en rapport : gravure de J.J. Baugean avec la mention suivante en bas à gauche : « Pequignot inv.t»; en bas à droite : « Baugean sc. », reproduite dans Landon, 1808, t. III, p. 15 ; Landon, 1833, t. I, p. 42
États Unis, collection particulière.
Le Paysage avec fabriques et deux personnages féminins sur un chemin vendu par Christie's le 26 janvier 2005, nous est connu également par une gravure en sens inverse de Baugean1 publiée par Landon dans les Annales du musée et de l'école moderne des beaux-arts en 1808, planche 13, et dans sa seconde édition de 1833, planche 38.
Le tableau aurait appartenu, selon Landon, à Antoine-Jean Gros, mais ne figure ni dans l'inventaire après décès de 1835, ni dans la vente Gros de la même année.
Dans sa description de l'œuvre, Landon note simplement : « Ce paysage [...] est une vue composée de diverses études dessinées d'après nature. On remarque dans celui-ci des lointains d'un aspect majestueux, et de belles fabriques. »2 L'iconographie n'est pas précisée, mais il s'agit sans doute seulement d'un paysage animé de figures ; au premier plan à gauche, deux femmes se sont arrêtées sur le chemin, l'une d'elle semble s'être blessée et soulève sa cheville, peut-être une référence au Tireur d'épine.
A droite, sur la route qui borde l'étang et conduit à la ville fortifiée, on distingue plusieurs personnages, parmi lesquels des bergers accompagnés de leur troupeau de moutons.
Dans ce tableau sont réunies plusieurs composantes des paysages de Péquignot : l'arbre dressé au premier plan et qui ferme un des côtés de la composition, le groupe de figures placées sur le devant, les rochers, les chemins de terre au parcours sinueux, les étendues d'eau, les montagnes aux formes irréelles, les architectures solides et géométrisées.
Mais l'œuvre comporte aussi des traits stylistiques particuliers : le dessin précis et minutieux, les tons brun-rouge de la terre et des roches du premier plan, l'étagement savant des plans, la répartition harmonieuse des volumes, la structure équilibrée des verticales et des horizontales.
Comme le souligne à juste titre Landon, il s'agit d'un paysage composé, élaboré à partir d'études d'après nature : les montagnes, omniprésentes dans l'œuvre du peintre, évoquent bien sûr sa Franche-Comté natale et les Apennins de son pays d'adoption ; les tours quadrangulaires rappellent celles du Moyen Âge et du début de la Renaissance observées en Italie centrale.3
La gravure de Baugean semble au premier abord assez fidèle à l'œuvre de Péquignot, mais présente un certain nombre de différences comme la coiffure de la femme représentée de dos, les frondaisons des arbres, le couvrement de la maîtresse tour, le nombre des constructions et des figures, le plan derrière l'étang ou la frange droite du tableau. Bien qu'ayant simplifié la composition, le graveur ne parvient pas à restituer la profondeur et l'échelonnement des plans ; en s'attachant à rendre le dessin minutieux des détails, il nuit ainsi à l'effet d'ensemble.
Le tableau peut être daté de la fin des années 1790.
1 Jean-Jérôme Baugean (1764-1819), peintre et graveur de marine. Il expose des peintures et des gravures aux Salons de 1806 et 1812.
2 Landon, Annales du musée..., cit., 1808, t. III, p. 15.
3 La haute tour au centre du tableau rappelle la Tour des Milices à Rome, comme le précise Geneviève Lacambre dans une lettre adressée à Rémi Cariel, et que ce dernier nous a aimablement communiquée.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage idéal avec l'Ariane endormie et Paysage idéal avec un autel aux dieux Mânes
Une paire Huile sur panneau 73 x 42,5 cm
Hist. : Rome, Galerie Carlo Virgilio, 20042005.
Exp: Quadreria 2004..., cit., no 18 p. 2526, pl. XII-XIII.
Bibl : A. Imbellone in Quadreria 2004. Storia, ritratto, paesaggio.
Pittori in Italia tra neoclassico e romantico, cat. exp. (Rome, Galerie Carlo Virgilio, 20 mai - 20 juin 2004), sous la direction de Francesco Leone, Rome, Carlo Virgilio, 2004, p. 25-26.
Rome, collection particulière.
Ces deux pendants, provenant de la galerie Carlo Virgilio, et attribués récemment à Péquignot par Sylvain Bellenger, sont deux paysages de fantaisie dans le genre idéal. Le premier représente une clairière, avec au premier plan, sur le bord du chemin menant à un étang, deux figures féminines vêtues à l'antique, l'une assise, l'autre debout, et qui semblent discuter.
Derrière l'étendue d'eau l'on distingue à gauche deux personnages se promenant et, sur la droite, une statue de marbre, l'Ariane endormie du Cortile delle Statue du Belvédère (Rome, Musées du Vatican), une œuvre que Péquignot dut voir lors de son séjour à Rome, et qu'il représente ici sans les drapés. Le sarcophage qui lui sert de base et dont le décor de griffons ailés et de figures allumant des lampes fut modifié pour l'utilisation de la statue en fontaine, est caractéristique de la production de l'époque impériale et de la première Restauration (Imbellone, 2004, p. 26). A l'arrière-plan, derrière un bouquet d'arbres, se dresse, sur un promontoire rocheux, une improbable forteresse dont les formes se détachent sur un ciel parsemé de nuages.
Sur le second tableau, le premier plan — composé de deux femmes drapées à l'antique (dont l'une a déposé son amphore sur le bord de la route), d'un autel portant une dédicace aux dieux mânes et surmonté d'un buste, d'une colonne couronnée d'une urne cinéraire, et d'un bouquet d'arbres (cyprès, pin parasol, palmier...) aux hautes frondaisons —, coulisse sur le plan intermédiaire plus clair, avec un lac entouré d'un château, d'une chute d'eau et d'une montagne aux reliefs abrupts, peut-être les Apennins. La silhouette bleutée des montagnes clôt la composition.
Le caractère assez fruste du support (un panneau de bois recouvert d'une préparation très mince et qui porte à l'arrière la trace des clous qui permettaient sans doute de l'insérer dans un décor) contraste avec le style minutieux et précis, voire miniaturiste, de Péquignot. Les feuillages, l'écorce des arbres et la végétation des premiers plans sont dessinés avec un pinceau fin et dans une technique presque pointilliste. Particulièrement séduisants pour leurs tonalités bleu-vert et vert d'eau, les deux tableaux Virgilio revêtent, avec leurs parties supérieures meublées par les cimes des arbres ou la haute forteresse, un aspect indéniablement décoratif. Les figures représentées de profil, comme souvent chez l'artiste, et assez statiques, ne sont pas sans rappeler celles de la dernière manière de Poussin, un modèle qui, avec Dughet et Lorrain, lui est particulièrement cher. A. Imbellone a, à juste titre, attiré l'attention sur un certain nombre de points communs entre ces deux pendants de Péquignot et des tableaux de Fabre. Il n'est pas improbable que les deux hommes se soient connus et aient confronté leurs œuvres. Le parcours des artistes se croise en effet à plusieurs reprises : Fabre est à Paris à partir de 1783, il fréquente Girodet, Gros et Gérard dans l'atelier de David, arrive à Rome en 1787 et fuit à Naples durant les émeutes anti-françaises. Toutefois aucun document n'atteste leur rencontre effective1.
Les deux tableaux sont à dater de la première moitié des années 1790.
1 Comme nous le confirment Laure Pellicer et Philippe Bordes.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Scène mythologique dans une paysage
Huile sur toile 37,5 x 29 cm
Hist : Paris, Galerie Leegenhoek, février 2005
Milan, Galerie Carlo Orsi
Paris, Galerie Teissèdre
L'iconographie de ce paysage n'a malheureusement pu être élucidée. Au premier plan trois figures féminines vêtues à l'antique tentent de secourir une quatrième, au torse dénudé, qui semble expirer entre leurs bras. Pendant que l'une lui soutient la tête et l'autre la taille, la troisième appelle à l'aide une autre femme qui accourt de la gauche.
Dans le fond on distingue trois figures, dont deux assises sous l'ombrage d'un arbre et plus loin trois autres personnages et un chasseur. Dans l'angle inférieur gauche, une corbeille de fleurs renversée à terre peut orienter l'identification du sujet (Eurydice cueille des fleurs dans la prairie quand elle est piquée mortellement par un serpent)1, à moins qu'il ne s'agisse de l'un de ces minutieux détails « botaniques » chers à Péquignot et placés par lui au premier plan de ses compositions.
La figure au bras levé, au centre du groupe, n'est pas sans rappeler le personnage de Vitellia dans Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils (1789) de David : son visage de profil, son bras gauche levé, sa coiffure, mais aussi la présence contre sa poitrine d'une des protagonistes, sont ici repris par Péquignot. La disposition des trois femmes en demi-cercle se retrouve en revanche dans : Figures féminines dansant dans un paysage, un dessin de la Società Napoletana di Storia Patria, signé et daté 1795 ; peut-être une étude pour le tableau Tesseidre ?
La composition du Paysage mythologique avec son arbre qui, dans le plan intermédiaire, coupe en deux le tableau (comme dans la peinture flamande et hollandaise des xvie et début du xviie siècles) est assez inhabituelle chez l'artiste, qui préfère en général aérer le centre du tableau et clore au loin l'horizon par la perspective bleutée des montagnes. Cette solution se retrouve seulement dans le Paysage avec une pyramide et un temple et dans le Paysage matinal avec Orphée et Eurydice.
Particulièrement séduisante ici est la gamme chromatique étendue, bien équilibrée entre tons chauds et froids, avec ses roses et ses bruns qui contrastent avec les verts de la végétation et l'azur du ciel.
Le tableau par sa composition assez inhabituelle et sa qualité générale plus faible par rapport aux autres œuvres connues, est à dater assez tôt, selon Rémi Cariel. Nous proposons de le situer au début des années 1790.
1 Voir aussi la représentation de l'histoire d'Orphée et d'Eurydice par Pequignot, Paysage matinal avec Orphée et Eurydice.
2 Communication du ler juin 2005.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Vue de l'éruption du Vésuve de 1794, depuis les hauteurs de Castelmmare
Huile sur papier marouflé sur toile 21 x 28 cm
Hist: séquestré au Bureau des Exportations de Naples le 10 avril 1936 ; acquis par le musée de San Martino Bibl : Aubrun, 1967, t. II, p. 433 ; Cachot, 1978, p. 3
Naples, Musée de San Martino, inv. 16027
La Vue de l'éruption du Vésuve de 1794 depuis les hauteurs de Castellammare est inscrite dans l'inventaire du musée de San Martino avec la mention « attribué à Péquignot. »1 Toutefois cette étude à l'huile récemment restaurée, de petites dimensions et sans contenu narratif, nous a semblé autographe. L'on y retrouve la même exécution soignée, la même palette faite de brun roux, de vert, d'azur et de gris rosé que celle utilisée dans de nombreux ouvrages de l'artiste. Semblables aussi sont les premiers plans réalisés dans une technique « pointilliste », les arbres vus à contrejour et dont le feuillage filtre la lumière, ou encore les édifices aux formes géométrisées.
Le Vésuve, véritable genius loci de Naples, est un sujet particulièrement prisé des artistes et voyageurs étrangers dans la seconde moitié du xviiie siècle. Ce thème pictural a été inauguré en 1737 lors d'une spectaculaire éruption2 puis mis à la mode à la fin des années 1760 par Fabris et le chevalier Volaire. Péquignot, tout comme Girodet, ne résiste pas à cette tendance et immortalise à son tour le célèbre volcan. Mais il ne le représente pas depuis Naples, comme le font ses contemporains Camillo de Vito ou Alessandro D'Anna, mais depuis Castellammare di Stabia, un bourg situé au sud-est de la baie. Et au lieu d'adopter un point de vue depuis le rivage, choix habituel des artistes qui « monumentalisent » ainsi le volcan et accentuent son caractère dramatique et sublime, il se place sur les hauteurs de Castellammare et privilégie le panache de fumée qui s'échappe du cratère et des sutures latérales. Enfin, au nocturne qui permet d'accentuer les contrastes chromatiques de rouge sang et de noir, Péquignot préfère une vue diurne et la description des fumées cotonneuses teintées de rose qui se détachent sur le gris-bleu du ciel.
L'éruption représentée sur le tableau de San Martino est probablement celle de 1794 à laquelle assista certainement le peintre. L'abbé Romanelli, au retour de son excursion sur le Vésuve faite en compagnie de Péquignot et d'un voyageur anglais en août 1794 juste après l'éruption, écrit que « les tourbillons de fumée s'élevaient, alors que, profitant d'un beau ciel serein, nous contemplions le vaste horizon. »3 Cette étude est peut-être à mettre en rapport avec des esquisses mentionnées par Girodet dans sa correspondance avec le docteur Trioson4 ou avec une œuvre figurant dans la vente Girodet du 11 avril 18255.
L'éruption de 1794, « excentrique » avec sa fracture occidentale et ses deux coulées de lave (l'une au sud-ouest, vers Torre del Greco et se précipitant vers la mer, bien visible sur le tableau de Péquignot, l'autre au sud-est) est nettement reconnaissable sur la toile de San Martino et associe ainsi l'exactitude de la description à l'originalité du point de vue6.
1 Lors de l'acquisition du tableau par le musée de San Martino en 1936, la mention suivante est reportée sur les registres d'inventaire au numéro 16027 : «Veduta del Vesuvio da Castellamare, durante una eruzione (prob.1822) bozzetto a olio su tela, di cm. 21x28. Nel rovescio è segnato a matita il nome dell'autore: Pequignon. Cornice ottocentesca, dorata.» Le tableau est dès lors considéré comme « attribué à Péquignot. » Nous remercions Ileana Creazzo de nous avoir apporté ces précisions.
2 L'éruption de 1737 fut représentée par Grevenbroeck, Ruiz, Vernet et Van Wittel.
3 Romanelli, Napoli antica e moderna, cit., p. 168.
4 « Quant aux études du Vesuve Je crois avoir de quoi satisfaire votre curiosité et orner votre Cabinet d'histoire naturelle depuis longtems j'ai prié et je continue de rappeler a un homme de merite [Péquignot ?] qui ma promis une esquisse de l'effet de nuit de la dernière éruption qui eut lieu après mon départ (en mars 1794) j'espère quil me tiendra parole et qu’il me l'enverra. » Lettre d'Anne-Louis Girodet au docteur Trioson, Venise, 5 pluviose an III (24 janvier 1795), in Girodet-Trioson, Ouvres posthumes.... cit., t. II, 1829, p. 451-453, lettre n° 58. Le tableau de San Martino est peut-être évoqué dans une autre lettre de Girodet (les esquisses mentionnées pourraient alors être les siennes et/ou celles de Pequignot) : « J'ai en attendant que je puisse m'occuper aussi serieusement que l'exige un tableau d'histoire, quelques esquisses du Vésuve qui me serviront a vous en faire des tableaux appropriés a votre cabinet d'histoire naturelle, a l'embellisement duquel je serai tout fier d'avoir eu quelque part. » Lettre d'Anne-Louis Girodet au docteur Trioson, Gênes, 28 prairial an III (16 juin 1795), in Lemeux-Fraitot, Ut poeta pictor.... cit., t. II, p. 85. Nous remercions bien sincèrement Bruno Chenique de nous avoir communiqué cette information.
5 [Girodet] 20. Paysage, vue du Vésuve pendant le jour ; ce paysage est rendu avec le plus grand soin, jusque dans ses moindres détails. T. I. 14 p. h. 9 p. (c'est-à-dire 24,3 cm de haut sur 37,8 cm de large). Catalogue des tableaux, esquisses, dessins et croquis de M. Girodet... le 11 avril (1825), p. 12.
6 Voir, à titre de comparaison Alessandro D'Anna, « L'éruption du Vésuve de 1794 » et la procession de l'Immaculée Conception, Naples, collection particulière et Saverio Della Gatta, L'éruption du Vésuve de 1794, Rome, collection particulière.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage des Apennins
Huile sur toile 25 x 35 cm
Hist. : entré au musée avant 1937
Exp: Montargis 1967, n° 159
Bibl : catalogue des collections du musée 1937, no 75 ; Montargis 1967, n° 159 ; Bernier, 1975, p. 26
Montargis, Musée Girodet, inv. 37.16
Le tableau de Montargis est entré dans les collections du musée avant 1937 avec une attribution à Péquignot, qui figure aussi dans le catalogue de 1937 et dans l'exposition Girodet 1767-1824.
Mais Sylvain Bellenger, dans le catalogue de l'exposition parisienne sur Girodet, donne en revanche le tableau à ce peintre, dont il reconnaît « la vision intellectuelle de la nature» ; il l'identifie à la deuxième Vue de la Suisse qui figure dans la vente posthume de l'artiste, et l'associe à une série d'études préparatoires conservées à la Bibliothèque Nationale de France. »1
Rémi Cariel émet également des doutes sur l'attribution de l'œuvre à Péquignot, « car dans l'admiration portée à son ami et sa pratique limitée du paysage, il est arrivé à Girodet d'emprunter la manière fouillée de Péquignot qui s'épanouit ici dans tout le premier plan. C'est le cas du Paysage avec Sapho (C.P.) et du Paysage au serpent (Magnin, et incontestablement de Girodet). » »2
Les sommets enneigés, les impressionnantes masses montagneuses qui s'élèvent au centre, comme sur le Paysage d'Italie du Musée Magnin ou même sur le Paysage avec Sapho d'une collection particulière, ou bien encore l'absence de figures sont de plus, selon lui, des arguments en faveur de Girodet3.
Il est vrai que le tableau de Montargis présente une certaine parenté avec les deux dessins cités par R. Cariel. Mais il faut aussi convenir que les montagnes sont omniprésentes dans l'œuvre de Péquignot, et celles du Paysage idéal avec un autel aux dieux Mânes de la galerie Virgilio en particulier, sont assez semblables.
Quant à l'absence de figures, c'est un caractère que l'on retrouve dans un autre tableau de Péquignot, l'Éruption du Vésuve du musée de San Martino. Cette Éruption est, comme ce Paysage des Apennins, une étude de paysage à l'huile de petites dimensions.
Les mentions du catalogue de vente doivent être prises avec une certaine précaution. Rappelons que la vente posthume de Girodet comportait presque un millier d'objets — dessins et tableaux non signés pour la plupart. Les experts qui ont rédigé ce document ont sans aucun doute pris en compte les signatures existantes. Mais peu qualifiés et mal au courant de l'œuvre de Péquignot, ils ont pu donner aux œuvres anonymes des attributions hasardeuses.
Les descriptions des sujets et les dimensions des œuvres (pour Pérignon une toile de format horizontal de 9 pouces de haut par 12,5 de large, c'est-à-dire 24,3 cm sur 33,7 cm) sont loin d'être précises.
Le paysage de Montargis serait plutôt à rapprocher du lot 431 du catalogue de vente rédigé par Pérignon : « Pequignot. 431. Un paysage, dont les fonds sont occupés par de hautes montagnes, et le milieu par un lac. On voit, en avant, des débris de rochers, des touffes d'arbres et des détails de diverses plantes. T. 1. 13 p. h. 9 p. 1/2. [c'est-à-dire 25,6 cm de haut sur 35 de large]. »4
Par ailleurs, si les dessins du Carnet d'Italie de Girodet présentent quelques similitudes avec le tableau de Montargis, on peut noter aussi un nombre important de différences, dans la disposition des arbres en particulier.
Le style alerte et rapide de Girodet, qui fixe les masses et ne s'appesantit pas sur les détails, est assez éloigné de celui du paysage de Montargis.
La lettre à Trioson évoque bien, naturellement, la majesté de ces montagnes montant à l'assaut du ciel, l'inquiétant abîme de ces gorges où roulent des torrents impétueux, mais n'est-ce pas là une description applicable à tous les grands massifs montagneux, un topos de la littérature de voyage ? Et peut-on discerner avec certitude dans le tableau du musée de Montargis le col et les sommets du Mont Cenis (et non la Suisse), par où Girodet gagne l'Italie au début du printemps 1790 ?
« Jamais spectacle ne fit sur moi autant d'impression que l'entrée des montagnes de Savoie par une gorge que l'on ne voit que lorsqu’on y est et ou commence un superbe chemin creusé dans le roc [...] Mais à peine eu je passé cette gorge que la vuë de ces étages de montagnes les unes sur les autres et qui se perdent dans les nuages et semblent prêtes à aneantir les voyageurs assés hardis pour en approcher et dont les fondements se perdent dans des abimes dont l'œil n'ose sonder la profondeur me rendirent d'abord immobile [...] Le bruit majestueux des eaux et des torrents qui se précipitent de ces montagnes et les impressions que l'ensemble de ces prodiges font naître ne se peuvent décrire. » »5
Ce paysage très attachant, peint avec une technique subtile et raffinée — comme l'écrit Marie-Madeleine Aubrun dans des notes manuscrites conservées à la Documentation des Peintures du Louvre — est, à notre avis, d'un style très apparenté à celui des tableaux signés de Péquignot.
Nous en voulons pour preuves les nombreuses similitudes que l'on peut relever : la construction à partir d'un axe central, comme dans la Diane et une nymphe endormie du musée de Capodimonte ; le cadre de verdure et l'éclaircissement progressif des plans, comme dans le Paysage napolitain (le matin) , dans les deux tableaux Dickinson et dans les deux paysages d'une collection particulière (c/o Blondeau-Bréton) ; les frondaisons des arbres qui filtrent la lumière, comme dans le Paysage des environs de Cava dei Tirreni ou encore dans les deux pendants Dickinson ; l'association des éléments — arbres au premier plan, lac dans la zone intermédiaire, montagnes pour clore la perspective — que l'on retrouve dans presque tous les tableaux du peintre franc-comtois ; ou encore la traduction remarquable des effets atmosphériques qui rappellent fortement ceux du Paysage idéal avec un autel aux dieux Mânes de la galerie Virgilio. Ce sont là des éléments incontestables de la signature de Pequignot.
Si l'on examine les paysages peints par Girodet (sa production picturale est bien inférieure à ses dessins), on ne retrouve pas cette maîtrise de la représentation des sujets dans le Paysage d'Italie du Musée Magnin, dans la Vue de Capri (connue comme Paysage de la région de Naples) du Musée Girodet, dans La baie de Naples, avec le Castelnuovo et le Vésuve dans le fond, vendue à Londres par Christie's le 17 février 1978, n° 47 ou encore dans le Paysage représentant le Vésuve en éruption d'une collection particulière (photographie à la Witt Library) »6.
Girodet, rappelons-le, n'a pas eu le loisir d'approfondir son étude du genre du paysage et a reçu essentiellement une formation de peintre d'histoire : le dessin est sec, les formes sont schématiques et le passage des plans est trop rapide et sans fondu.
Le paysage de Montargis a longtemps été considéré comme une vue des Alpes ou de la Suisse, jusqu'à ce que récemment Rémi Cariel ait proposé d'y reconnaître une représentation des Apennins.
La confrontation avec des photographies actuelles de cette chaîne montagneuse (par exemple le massif de Camosciara dans les Abruzzes) ne semble laisser aucun doute : on y retrouve les mêmes barres rocheuses et les mêmes montagnes en pain de sucre que dans le tableau de Péquignot.
Le tableau de Montargis serait à dater de la première moitié des années 1790.
1 Bellenger, Sylvain, in Girodet, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 19 septembre 2005 - 2 janvier 2006), en cours de préparation ; Pérignon, 1825, P. 14, No 32 : « Deux paysages, vues de Suisse, les seules que M. Girodet ait vu dans ce pays.
Dans l'une et l'autre on voit un lac resserré par des rochers et des montagnes qui se perdent dans les nues. Dans la première une seule barque que l'on aperçoit en second plan, donne l'idée de la grandeur du site : dans la seconde on remarque, en avant, le commencement d'un petit bois. T. 1. 12 p.2 x h. 9 p. (34,40 x 24, 36 cm). » L'exemplaire de la bibliothèque des musées nationaux porte l'inscription manuscrite : « Charmants petits tableaux exécutés grandement.
Les nuages sont rapprochés du sol comme il arrive quelquefois, surtout le matin, dans les vallées enfermées par de hautes montagnes. »
Selon S. Bellenger, plusieurs dessins de la Bibliothèque Nationale de France lui sont préparatoires, notamment, B.N., DC 48c rés.-4° fol. 28, 29 et suivants qui correspondent à des études utilisées dans ce tableau.
D'autre part — ajoute-t-il — ce tableau illustre le passage de la lettre d'Anne-Louis Girodet au docteur Trioson, Turin, 5 mai 1790, Fonds Pierre Deslandres, déposé au Musée Girodet de Montargis, t. III, no3. » Nous remercions Sylvain Bellenger de nous avoir fait part de ses réflexions sur le tableau.
2 Communication du 7 juin 2005.
3 Communication du 24 mai 2005.
4 Catalogue des tableaux, esquisses, dessins et croquis, de M. Girodet-Trioson..., rédigé par M. Pérignon..., la vente de ces objets aura lieu le 11 avril et jours suivans..., cit., p. 58-59.
5 Lettre de Anne-Louis Girodet au docteur Trioson, Turin, 5 mai 1790. cf. supra.
6 Précisons toutefois que la plupart des paysages de Girodet ne nous sont pas parvenus. Peu nombreux sont en effet les dessins et les tableaux de cet artiste conservés dans les collections publiques et privées par rapport à ceux évoqués dans l'état descriptif des biens, le catalogue Pérignon et le procès-verbal de la vente Girodet (cf. Société d'Émulation de l'Arrondissement de Montargis, cit.)
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage avec une pyramide et un temple (ou les Aventures de Télémaque)
Huile sur toile 95,3 x 76 cm
Hist : sans doute Naples, Palazzo Reale, 1808 ; Naples, Palazzo Reale, vers 1858.
Exp: Caserte 2004, n° 4.40
Bibl : Denis, 1808, n° 71 ou 72 ; Porzio in Naples 1997, p. 454 ; Porzio, 1999, p. 167; Causa Picone in Naples 2004, p. 103 ; Porzio in Caserte 2004, p. 305-306, ill. p. 211
Naples, Palazzo Reale, inv. 52 / 1907
Paysage avec Diane et Endymion (ou Paysage avec Diane et une nymphe endormie)
Huile sur toile 95 x 76 cm
Signé et daté en bas au centre sur le rocher : « Péquignot 1796 »
Hist : sans doute Naples, Palazzo Reale, 1808 ; Naples, Palazzo di Capodimonte, 1857, Naples, Palazzo Reale, 1862; Rome, en dépôt à la chambre des députés (Montecitorio), 1925 ; Naples, Musée de Capodimonte, 1999
Bibl : Denis, 1808, n° 71 ou 72 ; Cachot, 1978, p. 3; Loisel-Legrand in Besançon 1986 ; Porzio in Naples 1997, p. 453-454 ; Porzio, 1999, p. 167 Exp: Naples 1997, no 17.24, p. 453-454; Rome 1999, n° 42
Naples, Musée de Capodimonte, inv. 54 / 1907
Ces deux pendants, conservés depuis le xixe siècle dans les collections royales napolitaines — sans doute acquis par Joachim Murat (roi de Naples de 1808 à 1815) — sont probablement les deux tableaux mentionnés en septembre 1808 par Simon Denis dans sa Nota de quadri esistenti nel Real Palazzo di Napoli1: «Stanza del letto di Sua Maestà. 71. 72. Due Paesi, Pequignot, ducati 900.»2
L'iconographie du Paysage avec une pyramide et un temple est longtemps restée énigmatique, jusqu'à ce que, récemment, Annalisa Porzio y reconnaisse, en la confrontant avec les versions plus célèbres du sujet par Louis Lagrénée et Johann Heinrich Wilhelm Tischbein, un épisode des Aventures de Télémaque de Fénelon publiées en 16993. La scène décrite ici serait la rencontre de Télémaque et de Termosiris, prêtre d'Apollon, qui réconforte le fils d'Ulysse, pendant son esclavage en Egypte, en lui racontant l'histoire du dieu et en lui enseignant les arts. L'art évoqué sur le tableau est la musique : au second plan en effet, une cithare est posée à côté du vieillard qui, assis au pied d'un arbre, instruit un jeune homme attentif à ses leçons4. La représentation de Termosiris semble correspondre à la description qu'en fait Fénelon : « Ce vieillard avait un grand front chauve et un peu ridé. Une barbe blanche pendait jusqu'à sa ceinture. Sa taille était haute et majestueuse. Son teint était encore frais et vermeil ; ses yeux, vifs et perçants [...]. Il était prêtre d'Apollon, qu'il servait dans un temple de marbre que les rois d'Egypte avaient consacré à ce dieu dans cette forêt [...]. Lorsqu'il était revêtu de sa longue robe d'une éclatante blancheur et qu'il prenait en main sa lyre d'ivoire, les tigres, les lions et les ours venaient le flatter et lécher ses pieds. »5
Comme le souligne A.L. Porzio, la nouveauté réside ici dans le choix de la scène du premier plan, Télémaque ramassant des herbes, scène tirée du livre II : « Mon fils, cette histoire doit vous instruire, puisque vous êtes dans l'état où fut Apollon : défrichez cette terre sauvage ; faites fleurir comme lui le désert ; apprenez à tous ces bergers quels sont les charmes de l'harmonie... ». Le tableau serait alors une illustration du travail de la terre, à moins que Péquignot ne fasse référence à Apollon et à son fils Esculape, dieu de la médecine. Comme le rappelle A.L. Porzio, l'ouvrage de Fénelon connut un grand succès à Naples où il fut constamment réédité durant la seconde moitié du xviiie siècle et au xixe. Une loge française de Naples le choisit également pour la cérémonie du serment demandée aux nouveaux frères admis dans la franc-maçonnerie. Le temple, la pyramide, le travail de la terre comme métaphore du perfectionnement de soi, pourraient peut-être renvoyer à la symbolique maçonnique.
Dans le tableau du musée de Capodimonte, le sujet reste encore à déchiffrer. La figure féminine assise et méditative est la déesse Diane (reconnaissable à son croissant de lune, son arc, son chiton court et drapé en diagonale sur la poitrine pour la laisser libre de ses mouvements). Le second personnage, allongé dans une pose langoureuse, pourrait être une nymphe endormie ou bien Vénus7. Si l'on admet cette seconde identification, le tableau pourrait évoquer, selon Annalisa Porzio, le thème de l'amour sacré et de l'amour profane8.
Dans les deux tableaux napolitains, le peintre semble avoir attaché une attention particulière aux effets de lumière ; alors que dans le paysage de Capodimonte une lueur cristalline provenant des montagnes (l'Olympe ?) confère aux deux figures une aura de mystère, comme s'il s'agissait d'une apparition9, la clarté diffuse et blanche de début de matinée, dans le tableau du Palazzo Reale, noie les contours de l'arrière-plan, fait ressortir en contre-jour la scène principale, et détache majestueusement sur l'azur la silhouette gracieuse des pins, un motif particulièrement cher à Péquignot et qui reprend ici un topos de la veduta romaine, celle des « pins de l'Aventin.10
Le dessin précis et soigné des premiers plans où le peintre se complaît dans la description minutieuse des plantes et des troncs d'arbres en partie dépouillés de leur écorce, la lumière savamment dosée et qui dessine les contours, les volumes harmonieusement répartis, la gamme chromatique subtile et équilibrée avec, comme souvent chez l'artiste des tons brun-rouge au premier plan, des variations de vert et, dans le fond, un ciel d'un bleu pâle à peine réchauffé d'un peu de jaune, font de ces deux tableaux des œuvres particulièrement abouties.
1 Paris, Archives Nationales, Fonds Joseph Bonaparte, AP 381. Nous connaissons deux exemplaires de cet inventaire, l'un conservé à Madrid, aux archives du Palais Royal (cité dans Porzio, Annalisa, La quadreria di Palazzo Reale nell'Ottocento. Inventari e museografia, Naples, Arte Tipografica, 1999, p. 35-36, note 50) et l'autre aux Archives Nationales de Paris que nous a aimablement communiqué Valentina Branchini.
2 « Chambre à coucher de Sa Majesté. 71.72, Deux Paysages, Pequignot. 900 ducats. »
3 Girodet s'inspira également de l'ouvrage de Fénelon, mais préféra traiter un autre épisode, tiré du livre premier. Cf. Télémaque, accompagné de Mentor, raconte ses aventures à Calypso assise au milieu de ses nymphes, pierre noire, estompe et rehauts de craie blanche, 24 x 38 cm, Paris, Hôtel Drouot (Maître de Nicolay), 11 juillet 2001, n° 33.
4 Porzio in Caserte 2004, p. 305-306.
5 Salignac de la Mothe, François de, Les Aventures de Télémaque, livre II, in Fénelon, Œuvres, vol. II, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1997, p. 21-22.
6 M. D'Ayala, «I liberi muratori di Napoli nel secolo XVIII», Archivio Storico per le Provincie Napoletane, 1897, anno XXII, fasc. III, p. 460.
7 Porzio in Naples 1997, p. 454.
8 Ce thème fut illustré dans La Chasse de Diane de Boccace, écrit vers 1333-1334 à Naples. Le poème met en scène les nymphes qui accompagnent Diane dans sa chasse (en fait les demoiselles et les dames de la société de la Naples angevine) et qui poursuivent les animaux sauvages dans les montagnes de Campanie. Mais à la fin de la chasse, au chant XVI, elles décident d'abandonner Diane pour se consacrer à Vénus. Tout le poème est construit sur l'opposition entre Diane et Vénus, entre la chasteté et la vie active d'une part, et l'amour de l'autre.
Le tableau de Pequignot pourrait peut-être représenter Diane et Vénus, les deux héroïnes du poème ou bien Diane pensive devant l'une de ses nymphes, couronnée de fleurs et s'abandonnant à l'amour.
9 Porzio in Rome 1999, p. 42.
10 Porzio in Caserte 2004, p. 305.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage avec Angélique et Médor
Huile sur toile 74 x 87,5 cm
Hist : Paris, Galerie Leegenhoek 2003
Collection particulière
Le sujet du tableau est tiré du chant XIX du Roland furieux de l'Arioste : « Dans des moments plus tranquilles de cette perpétuelle félicité, ils gravent leurs noms sur l'écorce d'un arbre dont le feuillage épais couvre le limpide cristal d'une fontaine. Avec la pointe d'un couteau ils les gravent encore sur les rochers les moins durs. Ainsi de toutes parts on voit entrelacés de mille manières les noms d'Angélique et de Médor. »1
La scène, placée sur la gauche de la composition, sert ici de prétexte à l'évocation d'un paysage riant et varié avec ses étangs, ses collines et ses montagnes aux formes fantastiques, ses antres sombres et profonds, ses arbres agités par le vent. Dans ce tableau où se déploie toute une symphonie de verts, seuls contrastent l'azur du ciel où courent des nuages roses et dorés, et les tuniques bleu et rouge sombre de Médor et d'Angélique. Les tons vert d'eau et gris argent des premiers plans (les étendues lacustres, les mousses et les arbustes, le feuillage de l'arbre sous lequel sont assis les deux amants) rappellent ceux des deux paysages de la galerie Virgilio.
La touche raffinée, la délicatesse des tons, la douceur de l'éclairage et l'élégance du dessin (en particulier dans les poses des figures et dans les plis des vêtements qui évoquent la statuaire hellénistique), tout concourt ici à rendre la finesse du texte de l'Arioste et la poésie des sentiments.
Lorsque le tableau fut acheté par Jacques Leegenhoek, il formait une « fausse » paire avec le Paysage avec fabriques et deux personnages féminins sur un chemin, une huile sur toile de dimensions semblables, illustrée en 1808 dans les Annales du musée et de l'école moderne des beaux-arts de Landon, planche 13 (puis dans sa réédition de 1833, planche 38).
Le tableau ne comporte aucune mention de sa date de réalisation, mais il est probable qu'il ait été exécuté dans la seconde moitié des années 1790.
1 L'Arioste, Roland furieux, traduction française de M.V. Philipon de la Madelaine, Paris, J. Mallet, 1844, réimpression Plan de la Tour (Var), Éditions d'aujourd'hui, 1978, p. 242-243.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage napolitain. Le matin
Paysage napolitain. Le soir
Une paire / Huile sur toile 67 x 91,4 cm
Le premier signé et daté en bas à droite : « P. Pequignot. / Naples / 1800. »
Le deuxième signé et daté en bas à droite : « P. Pequignot. / à Naples. 1800. »
Hist: sans doute Londres, vente Christie's, 2 avril 1814, n° 36 pour £ 50,18 (acquis par William Smart ?); collection Thomas Wilman ; sans doute Londres, vente Christie's, 14-15 mars 1822, n° 72 pour £ 17,5 ; Hampton Court, Galerie Ronald A. Lee, 1959 ; coll. Eric Saunders ; sa vente Londres, Sotheby's, 24 novembre 1965, n° 65 ; acquis par Thomas Agnew and Sons ; Londres, Christie's, 8 décembre 2004, n° 54 ; acquis par la galerie Bernheimer Œuvre en rapport : Paysage avec fleuve et berger, localisation inconnue.
Bibl : The Burlington Magazine, septembre - octobre 1959 ; Zeri, 1976, pl. 94.
Autriche, collection Schloss Fuschl
Les tableaux sont mentionnés dans une note manuscrite de Federico Zeri accompagnant les photographies des deux œuvres (Fondation Federico Zeri — Bologne, dossier « Péquignot. »)1 La deuxième œuvre fut d'ailleurs publiée par l'historien de l'art dans La percezione visiva dell'Italia e degli Italiani nella storia della pittura (in Storia d'Italia, t. VI, Atlante, Turin, Einaudi, 1976, pl. 94).
Il s'agit de deux paysages composés associant des éléments de la topographie napolitaine et des détails imaginaires. Dans le paysage au coucher du soleil, les étendues d'eau, figurées derrière les personnages du premier plan, évoquent les lacs d'Averne et Lucrin, et la forteresse sur la colline fait songer au château aragonais de Baies ou à la Terra Murata de Procida.
Il est difficile d'établir si, dans ses deux tableaux, Péquignot, qui aime les sujets complexes, s'est contenté de représenter des paysages peuplés de bergers, ou s'il y a introduit des iconographies dont la lecture nous échappe.
Dans le paysage à l'aube, un berger se repose sur l'herbe sans se préoccuper de son modeste troupeau ; près de lui, un petit enfant nu joue de la flûte. Au second plan l'on distingue à gauche, trois figures et un enfant allongé qui regardent en direction d'un personnage faisant s'abreuver son cheval, et deux autres figures qui s'éloignent sur le chemin.
À droite, deux petites silhouettes de pêcheurs se détachent sur les eaux du lac tandis que sur le chemin un promeneur s'achemine vers un bosquet. Le centre de la composition est occupé par une rivière tombant en cascade des montagnes (un motif récurrent chez l'artiste) et par un aqueduc. Les deux bergers qui composent le groupe central du premier plan pourraient être une référence mythologique et représenter Silène apprenant au jeune Bacchus à jouer de la flûte ou encore le jeune Hermès, inventeur de la syrinx.
Dans le second tableau, trois femmes assises à terre se tournent vers la droite à l'approche d'une quatrième. La scène n'est pas dénuée de mouvement : la nouvelle arrivante tend la main vers la plus proche de ses compagnes tandis que l'une de celles-ci tend une couronne de feuilles (à moins qu'elle ne la pose sur sa propre tête). Dans le fond à gauche, une figure lit sous un arbre alors qu'à droite, un chevrier, appuyé contre un pin parasol, fait paître son troupeau.
Si les pendants ne sont pas rares dans l'œuvre de Péquignot, ceux-ci sont les seuls (avec le Paysage de fin d'après-midi avec des personnages discourant devant un tombeau et le Paysage matinal avec Orphée et Eurydice, datés respectivement 1801 et 1805) à choisir la représentation des heures de la journée. Cette tradition qui remonte à Claude Lorrain, connaissait encore un grand succès au xviiie siècle auprès de Vernet et de ses disciples.
Dans ces tableaux, Péquignot se réfère au paysage idéal du xviie siècle : les petites figures du premier plan aux silhouettes élégantes, aux poses classiques, aux profils grecs, aux tuniques bleu et rouge et au dessin soigné, ne sont pas sans rappeler celles de Poussin, tandis que l'atmosphère calme et poétique et les contrastes entre la lumière dorée de l'aube et l'éclairage rosé du crépuscule, évoquent les œuvres de Claude Lorrain. Mais, comme le montre Philippe Bordes dans son essai, à l'idéal classique de l'ensemble s'associent toujours chez Péquignot un souci du détail vrai et une connaissance approfondie de la nature acquise lors de longues séances d'étude en plein air.
Il existe une variante du Paysage napolitain. Le matin, dont la Fondation Zeri conserve une reproduction. Une mention de la main de l'historien de l'art précise qu'il s'agit du Paysage avec rivière et bergers, une huile sur toile de 64 x 96 cm, signée « P. Péquignot », accompagnée de son pendant (l'un des deux signé et daté 1804 à Naples). Le tableau, aujourd'hui inconnu, reprend le même site, mais comporte de nombreuses différences dans les arbres, les animaux et les figures (au centre un couple de pasteurs avec un chien remplace le berger et l'enfant). Il est probable, comme le pense Etienne Bréton, qu'un même dessin ait servi de base aux tableaux Zeri et Schloss Fuschl.
1 Mais il s'agit probablement des tableaux vendus à Londres par Christie's en 1814 puis en 1822, mentionnés dans la base de données du Getty Provenance Index.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage classique avec des bâtiments au coucher du soleil
Huile sur toile 75 x 100,2 cm
Signé et localisé sur le côté des gradins : « JP Péquignot à Naples »
Hist : Sans doute acheté dans les années 1820-30 par l'ambassadeur britannique à Naples ; figure dans l'inventaire d'Attingham Park de 1898 sous l'attribution à Hackert ; légué par Thomas Henry Noel Hill, 8 Baron Berwick au National Trust en 1947.
Bibl : List of Pictures and Engravings at Attingham, Shropshire, 1898, p. 17; Catalogue..., 1928, p. 22 ; Will of Thomas Henry Noel-Hill, 1942, no 65 ; Valutation, 1947, n° 65 ; Inventory, 1950, p. 12 ; Supplement to post-1972 guide ; Catalogue of Pictures, 1977 ; Catalogue of Pictures, 1979; Guide / Catalogue of Pictures, 1985; Courtauld Institute of Art, Attingham Park, Photographic List, 1986, n° 121 ; Guide / Catalogue of Pictures, 1987, 1990, 1992, 1994, 1995 ; Catalogue of Pictures, 1999, n° 74 p. 1 ; Catalogue of Pictures, 2004 Attingham Park, Pinacothèque, ATT.P.74.
Propriété du National Trust
Le Paysage classique avec des bâtiments au coucher du soleil, mentionné dans les inventaires d'Attingham Park depuis 1898 et considéré comme une œuvre d'Hackert (un artiste avec lequel Péquignot a parfois été confondu), est attribué depuis 1972 au peintre franc-comtois dans le catalogue des collections.
Au premier plan, dans l'ombre, un groupe d'hommes vêtus à l'antique, les uns debout, les autres assis sur un banc de pierre, est en train de discuter. Il semble plus exactement qu'ils écoutent le discours du plus âgé d'entre eux, qui porte la barbe et est drapé dans une longue tunique. Sur la gauche, une femme debout et de dos semble indiquer, d'un geste de la main droite, la direction de la ville (ou l'un de ses monuments) à deux figures assises à terre et qui s'abritent du soleil avec un pan de leur vêtement. Au pied des marches et sur la longue rampe qui conduit à la terrasse, on aperçoit plusieurs autres silhouettes. Autour de l'esplanade sont disposés des bâtiments classiques, un édifice à colonnes (un temple, une basilique ?), un pont dont la structure rappelle celle d'un aqueduc romain et des édifices fortifiés qui se détachent sur un fond de hautes montagnes. Sur la droite, au pied des murs de la ville, coule une rivière. Quelques arbres et arbustes disposés sur les côtés de la composition viennent agrémenter ce paysage urbain.
Derrière cette vue de ville et lui servant, à gauche du tableau, de toile de fond, Péquignot a dressé une montagne majestueuse qui monte par degrés à l'assaut du ciel : un long plateau horizontal portant à son extrémité une fortification ; sur la gauche un versant couvert de prairies et de bois ; au-dessus une haute pyramide rocheuse dont la crête acérée semble accrocher les nuages.
Comme toujours chez l'artiste, le dessin est précis, minutieux : la description de la végétation est fouillée et les architectures semblent tracées à la règle. La construction est équilibrée, les masses soigneusement réparties, les plans bien distincts. Tout respire l'ordre et l'harmonie.
Le style de ce paysage très « minéral » est volontairement austère, dépouillé et d'un classicisme un peu froid que réchauffent à peine l'éclairage contrasté de fin de journée et les formes ondoyantes de la végétation. Péquignot semble presque reprendre ici « la théorie des modes » de Poussin qui faisait choisir au peintre un style approprié au sujet du tableau.
Si le groupe d'hommes drapés à l'antique n'est pas sans rappeler les figures classiques placées dans le haut de la composition du dessin inv. 11587 de la Società Napoletana di Storia Patria (catalogue n° D.04 i), le style sobre et sévère du tableau évoque en revanche le Paysage avec fabriques et deux personnages féminins sur un chemin et surtout la Promenade dans un paysage avec plusieurs figures sur un chemin et fabriques.
Ce paysage urbain, un unicum dans la production de l'artiste par l'importance donnée aux architectures classiques (voire néoclassiques), peut être daté des années 1800.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Chasseur dans un paysage
Huile sur toile 62 x 74 cm
Hist. : coll. Becquerel ; acquis par le musée en 1973.
Exp : Paris 1936, n° 298 ; Paris 1939, no 1057 ; Montargis 1967, no 10 ; Biron 1989, n° 32.
Bibl : Supplément à la Gazette des Beaux-Arts, n° 1261, février 1974, p. 19
Montargis, musée Girodet, inv. 988.3
Le Chasseur dans un paysage a depuis longtemps suscité la perplexité des experts et posé le problème de son attribution. En 1825 déjà, dans l'inventaire après décès des biens de Girodet, ses héritiers et ses élèves préférèrent laisser un blanc à la place du nom de l'auteur : « n°101. un paysage par ... estimé cinquante francs il représente sur le devant un jeune homme portant plusieurs volailles attachées à un bâton. »1 Dans le dossier d'œuvre du tableau figure un ancien cartel, sans doute rédigé par Sylvain Bellenger, indiquant que le Chasseur dans un paysage, l'« un des rares paysages retrouvés de Girodet », « fut peint lors de son séjour à Naples avec (entendre : en compagnie de) Péquignot. » La notice du Chasseur dans le catalogue de l'exposition « La vie en France autour de 1789 »2, choisit également le compromis. L'œuvre figure bien sous le nom de Girodet, mais en revanche sa description avoue la méconnaissance que l'on a de ses tableaux de paysage et insiste sur la grande influence qu'a pu exercer sur lui dans ce domaine son ami Péquignot. Dans sa thèse de doctorat sur la jeunesse de Girodet, Anne Lafont, interprétant le « blanc » laissé dans l'état descriptif, affirme que « les deux hommes ont collaboré à un même tableau, Chasseur dans un paysage d'Italie, aujourd'hui conservé au musée Girodet de Montargis, comme on l'apprend dans la description qui lui est consacrée dans l'inventaire après décès de Girodet. »3
La difficulté de cette attribution réside dans le fait que Girodet, qui avait une très haute estime de l'œuvre de son ami, a étudié avec lui la peinture de paysage et a tenté d'assimiler sa technique4. Le style des deux artistes est parfois tellement proche que l'on a pu dire que le fond du Sommeil d’Endymion avait pu être peint par Péquignot5.
Comme Anne Lafont, mais aussi Etienne Bréton et Rémi Cariel6, nous pensons que le tableau de Montargis est le fruit d'une collaboration
La silhouette un peu trapue du chasseur au premier plan, son attitude assez rigide, ne sont pas sans rappeler certaines figures de Péquignot7. La description minutieuse des souches d'arbres, le dessin soigné des feuillages qui scintillent dans la lumière, le choix d'une gamme chromatique composée de verts et de bruns sur lesquels tranche l'habit rouge et bleu du chasseur, semblent presque une signature de l'artiste franc-comtois.
Le plan intermédiaire et le fond sur lequel paraît presque se superposer, comme une frise, « l'avant-scène » où prend place le personnage (sans doute réalisé à la fin), aurait peut-être été exécuté par les deux artistes : le miroir d'eau qui réfléchit la lumière, le bâtiment à arcades que l'on retrouve à droite dans le paysage d'Attingham Park, semblent de la main de Péquignot. Les arbres plus génériques et rapides dans leur description, les nuages qui ont ici un relief et une consistance dont sont dépourvus ceux de Péquignot, ou encore le ciel zébré de rose que l'on ne trouve pas dans les œuvres du peintre de Baume-les-Dames, font plutôt penser à Girodet.
L'œuvre — si elle est bien à deux mains — serait donc à dater des années 1791-1794.
1 Lemeux-Fraitot, « Inventaire après décès d'Anne-Louis Girodet-Trioson... » cit., p. 220.
2 La vie en France autour de 1789. Images et représentations 1785-1795, cat. exp. (Château de Biron, Dordogne, 24 juin - 1 septembre 1989 : Nancy, Musée des Beaux-Arts, 15 septembre - 15 novembre 1989), Paris, Jacques London, 1989, no 32 p. 98.
3 Lafont, Une jeunesse artistique..., cit., 2001, p. 108.
4 Il existe d'ailleurs au n° 69 du catalogue de la vente du 11 avril 1825 rédigé par Pérignon, un « Paysage très-terminé, d'après Péquignot, offrant un site d'Italie, enrichi de plusieurs figures ; on remarque en avant une jeune chasseresse. T. 1. 10 p. h. 8 p. (c'est-à-dire 21,6 cm de haut sur 27 de large). » Catalogue des tableaux, esquisses, dessins et croquis, de M. Girodet-Trioson... rédigé par M. Pérignon..., cit., p. 19. Page 32 du même catalogue, au-dessous de la description du lot 203 « Dix études et croquis de paysages » et après une longue liste de dessins de paysages de Girodet, Pérignon écrit : « Il aurait été fastidieux de parler à chacun des Dessins et des Etudes de Paysages que nous venons de désigner, du style élevé et de la précision d'exécution que l'on y admire, et pourtant on retrouve ces qualités dans toutes ces études. On remarquera dans plusieurs quelques rapports avec la précieuse exécution des ouvrages de Pequignot, célebre paysagiste, avec qui M. Girodet avait admiré et étudié les beaux sites d'Italie. Il parlait toujours avec enthousiasme des heureux momens qu'il y avait passés avec son ami, dont il n'a jamais perdu le souvenir ».
5 En 1914, Louis Dimier dans son Histoire de la peinture française au xixe siècle affirmait, p. 62: « Pequignot nous est connu par le paysage qu'il a peint au tableau d'Endymion de Girodet. » Encore assez récemment, Lydia Harambourg écrivait dans la notice sur Péquignot : « Pequignot initie son ami au paysage et peint celui de son tableau Endymion. » Dictionnaire des peintres paysagistes français au xixe siècle, Neuchâtel, éd. Ides et Calendes, 1985, p. 278.
6 Communications orales.
7 Cette opinion est partagée par Sidonie Lemeux-Fraitot (communication du 7 juin 2004).
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage de fin d'après-midi avec des personnages discourant devant un tombeau
Paysage matinal avec Orphée et Eurydice
Une paire / Huile sur toile, 118 x 170,5 cm
Le premier signé et daté en bas au centre : « P. Péquignot / à Naples / 1801 »
Hist : Londres, galerie Dickinson, collection particulière
Le second signé et daté en bas à gauche : « P. Péquignot / à Naples / 1805 » porte une inscription peinte sur le tombeau : « ELEVE PAR LA/RECONNAISSANCE »
Les deux tableaux, comme l'indiquent leurs dates d'exécution, furent réalisés par Péquignot à plusieurs années d'intervalle. Leurs dimensions et leurs provenances identiques laissent toutefois penser qu'il s'agit de pendants.
Comme dans la paire de tableaux de la collection Schloss Fuschl, l'artiste a choisi de représenter deux moments de la journée, le matin et le soir. Le Paysage matinal illustre l'histoire du poète Orphée et de la nymphe Eurydice (Virgile, Géorgiques, IV) : le couple, tendrement enlacé, est assis au premier plan à l'ombre d'un arbre, sur un pré verdoyant où se reposent deux jeunes femmes et quelques moutons.
Orphée, qui selon la tradition charmait de ses chants les hommes, les bêtes sauvages, voire même les rochers, semble ici vouloir enseigner la lyre à sa compagne (à moins que celle-ci ne la lui ait retirée des mains pour bénéficier de toutes les attentions du poète).
La scène se détache sur un vaste paysage fait de montagnes et de calanques. Sur la droite, au sommet d'une colline boisée, se dresse un impressionnant château fort. Son architecture est certainement de fantaisie mais rassemble, en une sorte de synthèse de l'architecture militaire, des éléments empruntés aux fortifications vues ou visitées par le peintre1.
Sur la droite, noyés dans une végétation luxuriante, deux promeneurs sur un chemin (un élément presque incontournable dans les tableaux de Péquignot) et un berger, allongé nonchalamment sur l'herbe et gardant son troupeau.
Le sujet du Paysage de fin d'après-midi est plus difficile à identifier.
À l'extrême gauche du tableau, un homme vêtu de rouge indique d'un geste de la main la présence d'un tombeau antique à deux femmes qui s'approchent attristées. La représentation n'est pas sans rappeler celle des Bergers d'Arcadie de Poussin.
La scène pourrait évoquer aussi la mort d'Eurydice : le personnage assis serait alors Orphée et les deux femmes les deux compagnes présentes sur le pendant. Toutefois, l'inscription sur le tombeau « élevé par la Reconnaissance » et l'absence d'attributs clairement identifiables rendent hasardeuse toute interprétation. Il est intéressant de noter que Péquignot a préféré reléguer le sujet sur le côté du tableau pour laisser se déployer au centre un vaste paysage bucolique baigné de lumière, une large baie encadrée de montagnes où l'on distingue quelques petite scènes pittoresques et anecdotiques : un groupe de figures accompagnées d'un âne et un pêcheur accroupi sur le bord du rivage, attendant que le poisson morde à l'hameçon.
Les deux tableaux appartiennent à la production tardive de Péquignot ; l'on y retrouve le style de sa maturité.
Les compositions, plus complexes et recherchées, sont aussi plus limpides et aérées, l'horizon est vaste et dégagé ; les hautes montagnes font place à des reliefs moins prononcés, repoussés sur les côtés (au lieu de servir de toile de fond comme dans les œuvres des premières années).
La gamme chromatique est aussi plus riche et plus variée et les figures plus élégantes et plus souples. Dans le Paysage avec Orphée et Eurydice, Péquignot semble s'attacher à la répartition équilibrée des masses et à la représentation de la lumière cristalline du matin qui décrit parfaitement les formes. Dans le Paysage de fin d'après-midi, il s'intéresse en particulier aux effets de clair-obscur, choisissant de placer ses personnages dans une zone d'ombre et d'éclairer fortement le reste du tableau d'une belle lumière rose qui zèbre le ciel et crée d'intéressants reflets sur l'eau du golfe.
Par rapport aux œuvres de jeunesse, comme le Paysage idéal avec l'Ariane endormie et le Paysage idéal avec un autel aux dieux Mânes, Péquignot perd peut-être en fraîcheur, mais il gagne en souplesse, en maîtrise technique et en émotion.
Le peintre a saisi toute la douceur des sites campaniens, la variété et la beauté de la lumière méditerranéenne ; ses derniers paysages, teintés d'une légère mélancolie, témoignent d'une sensibilité toujours plus vive et plus délicate.
1 Ces éléments pourraient être les grosses tours cylindriques de la Bastille ou du Castel Nuovo de Naples, les bastions crénelés du château Saint-Ange, des forteresses Farnèse à Caprarola et della Rovere à Ostie, le donjon carré des villas fortifiées des Médicis en Toscane. La position, sur un promontoire rocheux et dominant le golfe, n'est pas sans rappeler celle du château aragonais de Baies.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Paysage des environs de Cava dei Tirreni
Huile sur toile, 55 x 80 cm, signé et daté en bas à droite sur un rocher : « P. Péquignot à Naples 1803 »
Hist : coll. du peintre Jean Gigoux ; légué par le peintre au musée de Besançon en 1874.
Exp : Besançon 1906, n° 78 ; Bordeaux 1958, n° 110 ; Naples 1962, n° 68 ; Besançon 1986, sans numéro
Bibl : Lancrenon-Castan, 1879, p. 94 ; Bellier de la Chavignerie, 1882, vol. II, p. 230-231 ; Castan, 1886, p. 142-143 ; Castan, 1889, p. 143 ; Besançon 1962, p. 13 ; Thieme-Becker, 1932, t. XXVI, p. 392 ; Thuriet, 1910, p. 284 ; Brune, 1912, p. 220 ; Magnin, 1919, p. 64-65 ; Chudant, 1929, p. 44 ; Remy, 1958, p. 48 et pl. 38 ; Naples 1962, p. 68-69 ; Aubrun, 1967, p. 433 ; Aubrun, 1968, p. 63-72 ; Bernier, 1975, p. 26 ; Bénézit, 1976, t. VIII, p. 212 ; Cachot, 1978, p. 3; Loisel-Legrand in Besançon 1986 ; Simon-Ravey, 1993, p. 35 ; Pinette, 1994, p. 73 ; Porzio in Naples 1997, p. 625 ; Ricciardi, 2002 ; Guerretta in Genève 2002, p. 222 et fig. 230 p. 223
Besançon, Musée des Beaux-Arts, inv. 874.3.1.
« Le paysage du Musée de Besançon — écrit Thuriet — provient de Jean Gigoux qui l'a donné de son vivant. Il eût été intéressant de savoir où cet artiste se l'était procuré, mais sa correspondance avec Fanart, (conservée à la bibliothèque municipale) relative aux nombreux dons artistiques de Gigoux à la ville, est muette sur ce point. »1
Comme le note Philippe Bordes dans son essai, le tableau de Besançon est longtemps resté le seul ouvrage de Péquignot connu des historiens de l'art et des amateurs, figurant dans les collections publiques françaises. La littérature qui le concerne est par conséquent relativement abondante, même s'il s'agit la plupart du temps d'informations assez génériques.
C'est en 1962, lors de l'exposition Il paesaggio napoletano nella pittura straniera que le tableau est identifié par Marina Causa Picone comme une vue des alentours de Cava dei Tirreni, un village situé dans l'intérieur des terres près d'Amalfi. Avant que Catherine Loisel-Legrand2 n'en fasse enfin une critique favorable, les historiens de l'art ont porté sur l'œuvre de Péquignot des jugements assez souvent mitigés. Ainsi Jeanne Magnin : « À défaut de génie, il y a toutefois un aimable talent, délicat et distingué, dans ce paysage [...] ; paysage de raison et d'imagination, très composé, très épinglé, mais tout baigné d'une fraîche lumière, tout imprégné d'une sensibilité de l'âme aux beautés de la nature qui peut bien compenser ce que le métier présente de suranné. »3 Pour Marina Causa Picone, « In questa tela il Pequignot appare ancora legato ad una corrente ritardataria di estrazione accademizzante. Non estraneo per la analisi micrografica del paesaggio alle soluzioni della contemporanea corrente tedesca, dallo Hackert allo Kniep, si distingue tuttavia per una sensibilità più viva, attentissima al gioco degli effetti di luce e delle trasparenze cromatiche nel vario succedersi dei piani della composizione. »4 Est-ce le dessin trop minutieux, les couleurs artificielles et les formes fantastiques des rochers qui semblent « surannés », « retardataires » ou « académisants » aux deux auteurs, ou plutôt le néo-poussinisme auquel adhère Péquignot dans de nombreux tableaux et qui, comme le rappelle Philippe Bordes, était si à la mode parmi ses contemporains ?
Quoi qu'il en soit, le paysage de Besançon avec ses frondaisons qui filtrent la lumière et ses subtils accords de vert, de gris et d'azur est l'une des œuvres les plus abouties de l'artiste dans le rendu de la lumière et des effets chromatiques. Les nuées bleutées estompent les contours qui paraissaient auparavant trop découpés (Paysage avec Diane et une nymphe endormie), adoucissent le passage des plans et atténuent l'effet de « décor de théâtre. » Le mouvement du chasseur vêtu à l'antique, qui s'élance avec ses chiens vers le gibier, est plus naturel, moins rigide, en comparaison de l'attitude des personnages des Figures féminines dans un paysage de la Società Napoletana di Storia Patria.
Le chasseur dont la cape rouge contraste avec le fond vert du paysage, est une figure que l'on retrouve à plusieurs reprises chez Péquignot, dans le Paysage mythologique et dans le Chasseur dans un paysage.
1 Thuriet, Un artiste oublié..., cit., p. 284.
2 Visions de la nature en France au XIXe siècle (Huddersfield, G.B., Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, avril-mai 1986), sous la direction de Catherine Loisel-Legrand, Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, 1986, non paginé.
3 Magnin, Jeanne, La Peinture et le dessin au musée de Besançon, Dijon, de Darantiere, 1919, p. 64-65.
4 « Dans cette toile Pequignot semble encore lié à un courant retardataire d'extraction académisante. Pas étranger, dans l'analyse micrographique du paysage aux solutions du courant contemporain allemand, de Hackert à Kniep, il se distingue toutefois par une sensibilité plus vive, très attentive au jeu des effets de lumière et des transparences chromatiques dans la succession variée des plans de la composition. » Causa Picone, Marina, in Il paesaggio napoletano nella pittura straniera, cat. exp. (Naples, Palazzo Reale, 19 mai - 22 juillet 1962), sous la direction de Raffaello Causa, Naples, L'Arte Tipografica, 1962, p. 68-69.
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Vue du tombeau de Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville
Paysage classique avec figures pleurant les cendres d'Ossian
Une paire. Huile sur toile, 117 x 170 cm
Le premier signé et daté en bas à droite : « P. Pequignot / à Naples / 1803 »
Le second signé et daté en bas à gauche : « P. Pequignot / à Naples / 1803 »
Hist. : Naples, collection de Marinis - de Sangro 1824 ; Naples, dans la même famille, vers le milieu du XIX s. ; Vente anonyme, Paris, Maître Tajan, 18 décembre 2003, n° 48 (comme attribué à Valenciennes) ; Paris, ex cabinet Blondeau-Bréton et Robilant-Voena
Œuvre en rapport : Gravure avec la mention suivante en haut : « PÉQUIGNOT, 1779 » ; au dessus de la date, au crayon : « 97 »; en bas : « NOTRE PRIME (Voir plus loin). » Un exemplaire de cette gravure se trouve à Paris au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale de France
C/o Paris, Cabinet Blondeau-Breton
Les deux tableaux récemment apparus sur le marché de l'art sont signés, datés et localisés à Naples en 1803, comme le Paysage des environs de Cava dei Tirreni du musée de Besançon.
Ces deux pendants ont en commun la représentation de tombeaux, une thématique chère à la fin du xviiie et au début du xixe siècle1. Le premier est une vue du cénotaphe de Jean-Jacques Rousseau dans le parc du marquis de Girardin à Ermenonville, où le philosophe fut enterré avant que ses restes ne soient transférés au Panthéon en 1794. Un cadre de verdure abrite deux femmes et un enfant plongés dans la lecture d'un ouvrage, peut-être l'Émile, si l'on en croit l'inventaire de la collection de Marinis-de Sangro2 la scène renvoie sans doute au bas-relief de Lesueur, sur la face sud du monument, qui montre une mère allaitant son enfant tout en tenant l'ouvrage dans sa main. Ces personnages sont d'ailleurs assis à l'emplacement du « banc des mères » qui, dans le parc, fait face au tombeau3. Le paysage ouvre sur l'île des peupliers où l'on entrevoit, entre les arbres, le sépulcre de Rousseau (une stèle cubique et massive surmontée d'une urne, qui fut rapidement remplacée par le monument définitif) et deux femmes qui viennent s'y recueillir, minuscules silhouettes perdues sous les arbres.
Le sujet du second tableau est tiré des Œuvres d'Ossian4 de James Mac Pherson (1773), un ouvrage qui connut un large succès en France au début du xixe siècle5. Péquignot s'est peut-être inspiré du poème « Croma »6 ou plus probablement des « Plaintes de Minvane », qui met en scène Minvane pleurant la mort de Ryno, fils de Fingal7. Le peintre semble ici suivre assez fidèlement le texte de Mac Pherson : la jeune femme, éplorée et presque sans vie, est couchée sur le tombeau de son bien-aimé et n'écoute plus ses compagnes.
À la douce mélancolie qui émane de la Vue du tombeau de Jean-Jacques Rousseau ont succédé le drame, l'affliction et la douleur.
Les deux tableaux sont tout à fait typiques de la production tardive du peintre. Si la facture — lisse et émaillée, « bien caractéristique du métier des peintres d'obédience davidienne » comme le rappelle Catherine Loisel-Legrand8 —
reste inchangée, la touche est plus fondue, la description des premiers plans est moins méticuleuse, les figures sont moins raides, plus élégantes, la succession atmosphérique des plans est rendue avec plus de subtilité. La gamme chromatique est aussi plus variée, plus recherchée avec ses tons vert, brun roux et gris-bleu qui rappellent le paysage de Besançon. Péquignot traduit ici avec élégance les harmonieux jeux de transparences du ciel et de l'eau et les beaux reflets du bouquet de peupliers sur la surface du lac. La référence à Poussin, dans le sujet du second tableau mais aussi dans certains détails — les vêtements peints dans des couleurs primaires par exemple — reste toujours présente.
Péquignot semble ici être en pleine possession de ses moyens ; les sujets sont traités avec une aisance, une poésie et une expressivité que l'on ne retrouvera plus dans son dernier tableau daté, le Paysage matinal avec Orphée et Eurydice, plus sec et assez maniéré. Il n'est d'ailleurs pas exclu d'imaginer que ce dernier ainsi que son pendant de mêmes dimensions, même période (peints tous les quatre entre 1802 et 1805) et d'un type de composition similaire aient été à l'origine commandés par la même personne puis vendus avant de se retrouver dans la collection Marinis-de Sangro.
Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale de France conserve dans ses collections une gravure portant l'étrange mention de « Notre prime »9 et qui semble reprendre la partie gauche du Paysage classique avec figures pleurant les cendres d'Ossian. On y remarque toutefois d'importantes différences, surtout dans le fond : des arbustes, un tronc noueux, des rochers escarpés (tout à fait dans le style de Péquignot) remplacent ici le personnage assis et le paysage verdoyant.
On note aussi quelques variations dans la disposition du vêtement de la figure féminine. La date qui figure au-dessus de la gravure est sans doute erronée puisque le paysage auquel se réfère cette œuvre est daté de 1803. On ne peut exclure toutefois qu'il existe une version plus précoce de ce sujet.
1 Voir à ce propos Starobinski, Jean, L'invention de la liberté, Genève, Skira-Flammarion, 1964 ; id., 1789, Les emblèmes de la raison, Paris, Flammarion, 1973; Michel, Régis, « Tombeaux », in La chimère de Monsieur Desprez, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 10 février - 2 mai 1994), Paris, RMN, 1994, p. 155-174.
2 Manieri Elia, « La quadreria napoletana De Marinis-De Sangro… », cit., p. 330.
3 Toutefois, comme le note avec pertinence Rémi Cariel, les jardins d'Ermenonville renvoient plutôt à La Nouvelle Héloïse. Girardin, dans sa Promenade, écrit, à propos de la chaumière : « Tout ici retrace à vos yeux la situation de Meillerie ; tout rappelle à votre cœur l'idée de Saint-Preux écrivant à Julie, appuyé sur un quartier de roc qui lui servait de table : c'est là qu'il faut venir, au lever du soleil, lire cette lettre brûlante qui décida Julie [...]. On s'éloigne à regret d'un lieu où les idées s'agrandissent et s'élèvent, en rendant hommage au brûlant auteur de l'HéloÏse sur les bords du grand lac [...]. Si une barque est arrêtée sur le rivage, elle amène Julie et son amant, [...] ici, tout est plein de l'image de Julie[...]. Si le charme de la lecture de l'HéloÏse ou les souvenirs délicieux de cet ouvrage viennent s'y joindre, alors l'illusion est complète et vous n'êtes plus à Ermenonville. » Girardin, Louis-René, Promenade ou Des jardins d'Ermenonville, Paris, Mérigot, 1788, p. 49-51. Nous remercions Rémi Cariel de nous avoir signalé ce passage.
4 Manieri Elia, « La quadreria napoletana De Marinis-De Sangro… », cit., p. 330.
5 Cf. van Tieghem, Paul, Ossian en France, Paris, F Rieder et Cie, 1917 (en particulier t. II, p. 141-165). Le sujet fut traité par Gérard, Girodet, Gros, Ingres, Forbin ou encore Harvey.
6 Malvina, fille de Toscar, pleure la mort de son époux Oscar : « En voyant ma tristesse profonde, les vierges me disaient : pourquoi persévérer dans ta douleur, ô la plus belle des filles de Lutha ? Ton bien-aimé était-il à tes yeux plus beau que le premier reflet du matin ? » Œuvres d'Ossian. Poëmes gaéliques recueillis par James Mac Pherson, traduction française de P. Christian, Paris, Lavigne, 1844, p. 171. Dans un autre poème, « L'incendie de Tura », le prétendu auteur, le barde Ossian, (en fait Mac Pherson, inventeur des poèmes gaéliques au XVIIIe siècle) évoque à nouveau la scène : « Malvina y pleurera-t-elle sur le tombeau de son bien-aimé ? » Œuvres d'Ossian, cit., p. 504.
7 « Minvane se couchera en silence à côté de son cher Ryno. Mes jeunes compagnes me chercheront ; elles suivront, en chantant, la trace de mes pas. Mais je n'entendrai plus vos chants, ô mes compagnes ! Ne pleurez pas mon souvenir : je vais reposer dans la couche des morts auprès de mon beau chasseur. » Œuvres d'Ossian, cit., p. 187-188.
8 Loisel-Legrand, in Visions de la nature en France..., cit.
9 Selon la définition du dictionnaire de Littré, une prime peut être un « ouvrage ou objet que les journaux donnent pour encourager aux abonnements. »
Source : E. Beck Saiello, J.-P. Pequignot…
Œuvres posthumes de Girodet-Thioson
P.-A. Coupin, 1829
Jean-Pierre Péquignot, auquel Girodet portait une amitié si tendre, naquit à Baume-les-Dames, près de Besançon, en 1765. Son père était maréchal. Ce n'est pas la première fois qu'un homme de talent s'est élancé des rangs des classes inférieures pour se placer parmi ceux dont l'histoire conserse le nom : les hommes distribuent les titres, les honneurs ; mais la nature s'est réservé de donner le génie. Dès sa plus tendre jeunesse, Péquignot manifesta un goût très vif pour le dessin et pour la lecture. Frappé de cette disposition d'esprit, son père l'envoya, à l'âge de dix ans, rejoindre à Besançon son frère aîné, le seul qu'il eût, pour y étudier avec lui le dessin. Il passa près de cinq ans dans cette ville ; les deux frères vinrent ensuite à Paris et entrèrent dans une institution dirigée par le chevalier Pawlet. Cette institution, protégée par la reine, était établie sur les mêmes bases que les écoles militaires. Il y restèrent quatre ans. Péquignot le jeune suivit les études, mais il ne se distingua que par ce même amour du dessin et de la lecture qu'il avait montré dès son enfance. Pendant son séjour dans cette maison il connut les neveux de Vernet, et se lia intimement avec eux. Lorsqu'il la quitta ils allèrent ensemble étudier à l'académie ; Vernet lui donnait des conseils et lui prêta quelques-uns de ses ouvrages pour les copier.
Pendant les six mois qu'il passa ainsi, il vécut du produit de son travail : il faisait, pour mettre sur des boites, de petits paysages qui n'étaient pas sans mérite. Il se fit remarquer par deux tableaux du même genre qu'il mit à l'exposition qui avait lieu alors à la place Dauphine. C'était dans la place même, le long des maisons, que les tableaux, garantis seulement par un auvent, étaient accrochés. Cette exposition était pour les jeunes gens, surtout, un moyen de se faire connaître.
Péquignot entra dans l'école de David. Ce grand maître lui témoigna un vif intérêt et le recommanda à une personne riche qui le prit sous sa protection, lui assura une pension de 1200 francs pour aller étudier à Rome, et lui donna l'argent nécessaire pour faire son voyage. Péquignot partit plein d'enthousiasme, mais, à son arrivée dans la ville des Césars, il trouva une lettre de son protecteur qui lui annonça qu'une faillite le mettait dans l'impossibilité de lui payer la pension qu'il lui avait promise. Réduit à nouveau à vivre de son talent, Péquignot fit des tableaux qu'il vendit à un marchand. Il acquit bientôt de la réputation.
Ce fut à Rome que Girodet, parti plusieurs années après lui de France, le connut. Ils avaient eu le même maître ; ils aimaient tous deux l'indépendance et leur art ; tous deux avaient du talent ; ils étaient jeunes, enfin : ce fut sous ces auspices que se forma cette amitié dont Girodet avait conservé un si tendre souvenir. Ils étaient, ainsi qu'on peut le voir dans la lettre de Girodet à M. Tortoni, avec deux autres de leurs camarades à l'Académie de France, occupés à peindre les armes de la république pour l'Académie même, lorsque la populace furieuse vint tout briser. Le bruit étant parvenu jusqu'à eux, Péquignot sortit de l'atelier où ils étaient pour en connaître la cause. Il rentra bientôt en disant d'un grand sang-froid : « Ce sont eux. — Qui, eux? demandèrent ses camarades ? — Le peuple, répondit-il ». Sans délibérer sur ce qu'il y avait à faire, Girodet et Péquignot gagnèrent aussitôt l'escalier.
On verra dans la lettre que j'ai citée, et dans celle adressée de Naples à M. Trioson les détails de ce qui leur arriva dans cette circonstance ; la nécessité où ils furent de se cacher à Rome pour se soustraire à la fureur du peuple, et la crainte qu'ils eurent d'être assassinés dans une écurie où ils avaient été obligés de passer la nuit, pendant le trajet de Rome à Naples.
Les deux amis restèrent quelque temps ensemble dans cette ville ; Girodet parle souvent de ce séjour avec un accent qui prouve, tout à-la-fois, combien la société de Péquignot avait de charmes pour lui, et les regrets que sa mort lui fit éprouver.
En partant de Naples, Girodet y laissa son ami qui y a passé le reste de sa vie. Avec de l'aversion pour le monde, et une sorte de sauvagerie qui l'éloignait de toute société, et qui lui faisait considérer comme une contrainte tous les usages qu'elle exige, Péquignot devait prendre et prit effectivement, en avançant en âge, des habitudes qui, malgré son grand talent, ne lui auraient pas permis d'y paraître. Il se livrait à l'usage du vin d'une manière immodérée, et il n'avait aucun soin de lui-même. Un des élèves de Girodet, M. Delorme, ayant été pendant son séjour à Naples lui porter des lettres de son maître, Péquignot refusa deux fois de le recevoir ; M. Delorme fut obligé de forcer sa porte, et il le trouva dans un état qui expliquait la répugnance qu'il éprouvait à se laisser voir.
Péquignot parlait très élégamment sa langue et l'italien ; il aimait la musique et la cultivait. Il s'absentait souvent pour aller faire des excursions à des distances plus ou moins grandes de Naples, et il en rapportait toujours des dessins. Il fit un voyage en Sicile ; à son retour il adressa à Girodet une description que celui-ci disait être admirable. À sa mort son portefeuille était considérable : il a été perdu pour la France et pour son frère. Un colonel napolitain auquel, à la recommandation de Girodet, M. Péquignot l'aîné donna sa procuration, recueillit tous les tableaux et les dessins, et en disposa à son profit, sans qu'il ait été possible de les lui faire rendre.
Péquignot, peu connu du public, avait un talent véritablement original et ne devait rien qu'à lui-même. Quoique l'on s'aperçoive bien qu'il a observé la nature, plutôt à la manière du Poussin et du Guaspre, que comme les coloristes, il n'y a cependant pas d'analogie entre lui et ces maîtres. Ses arbres sont toujours d'une beauté de forme et d'un choix de contours remarquables. Les sites qu'il représente ont une gràce et une originalité qui plaisent à l'imagination. On ne rencontre dans aucun autre peintre le caractère agreste et sauvage de ses montagnes. Souvent il a donné à ses ciels un choix de formes qui n'appartient qu'à lui.
Les tableaux de Péquignot avaient peu d'effet ; on peut reprocher aux arbres de ses premiers plans de manquer de vérité : le feuillé est souvent trop compté ; on n'y trouve pas cette espèce de désordre qu'offre la nature ; mais, ce défaut, peut-être inévitable lorsque l'on cherche constamment la beauté, n'est plus sensible dans les autres plans. La poésie, l'élévation du dessin, la beauté des lignes et une grande délicatesse d'exécution font le mérite particulier des tableaux de Péquignot. Son talent, qui avait une analogie frappante avec celui de Girodet, ne pouvait manquer de faire impression sur notre grand artiste, si sensible au charme de tout ce qui portait un caractère d'originalité et de beauté ; aussi les premiers ouvrages qu'il vit de Péquignot excitèrent-ils en lui des transports d'admiration, et il ne parlait jamais de son ami qu'avec enthousiasme. Girodet s'entretenant un jour de Péquignot avec un de ses élèves, celui-ci dit que c'était un homme de talent : « Dites un homme de génie, reprit sèchement Girodet.»
Ce fut à lui que Girodet dut le goût si vif qu'il témoigna pour le paysage ; il copia plusieurs de ses tableaux, et ses productions, dans ce genre, rappelaient celles de son ami ; il saisissait avec empressement l'occasion d'en acheter, et il en possédait plusieurs d'une grande beauté. Les artistes qui ont vu en Italie les autres tableaux de Péquignot, disent qu'il en avait fait de plus remarquables encore. Péquignot mourut à Naples, en 1806 ou 1807, dans un état complet de misère ; sa mort causa un vif chagrin à Girodet.
L'amitié de notre grand notre grand peintre n'aura pas été stérile pour Péquignot : c'est à elle, non moins qu'à ses ouvrages, qu'il devra cette célébrité qu'il n'avait pas rechechée et que Girodet lui prédit dans ses vers.
Dictionnaire des Artistes et Ouvriers d'Art de la Franche-Comté
Abbé Paul Brune, 1912
Les goûts précoces de cet artiste pour le dessin décidèrent son père à l'envoyer rejoindre son frère, dès l'âge de dix ans, à l'École des Beaux-Arts de Besançon. Il y fit un séjour de cinq ans, puis il suivit son frère à Paris. Admis à l'institution Pawlet, il y fit la connaissance des neveux de Joseph Vernet, avec lesquels il étudia ensuite à l'Académie sous la direction de cet artiste qui lui confia des copies de ses tableaux. Obligé de pourvoir à son existence, il peignit des miniatures et des gouaches pour les tabletiers. En même temps, il exposa deux tableaux â l'Exposition de la Jeunesse. Entré à l'atelier de David, il inspira un vif intérêt à son maître qui lui trouva un protecteur. Avec promesse d'une pension de 1200 fr. il se rendit aussitôt à Rome où il .reçut la nouvelle de la ruine de son protecteur. Il reprit alors ses besognes pour les marchands et acquit bientôt une certaine réputation. Lié avec Girodet-Trioson et les élèves de l'Académie de France à Rome, il était.occupé, avec ses amis, à peindre, pour cette Académie, les armes de la République française, quand le peuple vint y briser tout, obligeant les artistes à fuir sans linge et sans argent. Péquignot et Girodet se rendirent à Naples, ville qui retint le premier jusqu'à sa mort. Obéissant à une sorte de sauvagerie qui l'éloignait de toute société, Péquignot vécut isolé : il glissa peu à peu dans l'ivrognerie et la misère. Lettré et musicien, l'artiste offrait des analogies frappantes avec Girodet, son ami. Il peignait le paysage à la manière du Poussin ou du Guaspre, il avait le sentiment du caractère agreste et sauvage des montagnes de la Sicile, il a donné souvent à ses ciels un choix de formes qui n'appartient qu'à lui. Au moment de sa mort, Girodet qui collectionnait les œuvres de son ami et le considérait comme un homme de génie, essaya d'acquérir les tableaux et les dessins laissés par l'artiste mais un colonel napolitain réussit à en disposer à son profit.
– Émilie Beck Saiello [avec la collaboration de Philippe Bordes et de Rosanna Cioffi] ; [introduction par Étienne Breton], Jean-Pierre Péquignot : Baume-les-Dames 1765 - Naples 1807, 2005, Editions Artema.