« Il naît, le 12 juillet 1912, à Cuse (Doubs), dans l'une des provinces les plus concentrées, les plus recluses, les plus sobres. Il doit à son Jura le granit de sa solidité. Physiquement, il sera le portrait de sa province, visage de lutteur tranquille, yeux graves, mâchoire carrée d'homme qui sait ce qu'il veut, rires clairs, gestes sûrs, carrure peu facile à défier. »
Merveille du génie : il peut être à la fois le plus flamboyant et le plus terreux. À plus forte raison est-ce encore plus vrai pour l'art de la tapisserie, qui, plus librement que toute autre discipline, peut autant porter à exprimer un feu triomphant qu'une symphonie de mystères, des hibiscus à plein ciel que le plus secret des sous-bois.
Tel est en tout cas le premier génie de René Perrot : avec la même intensité, pour les mêmes magiques envoûtements, il peut être à la fois feu et terre.
Ici, soudain, flamboie toute une féerie d'or et de pourpre, d'ailes et de fleurs, de saphir et d'émeraude. Le spectateur en reste hypnotisé. Le ciel est rouge vif, sans doute parce que déjà le Moyen Age ne trouva pas ailleurs la couleur de la vie. Un faisan aux éblouissements de légende parcourt toute la diagonale. Un regard de reître fier, sous les aigrettes du casque, et l'arme jaune du bec, dague à plein soleil, sont inséparables du pourpoint somptueux des ailes et de la fastueuse queue qui traîne comme une cape : autant imaginer un condottiere de la Renaissance, devenu oiseau à perpétuité ; il ne manque surtout pas les griffes, d'une terrible couleur de deuil. Tout le reste de l'œuvre est tourbillon fou d'oiseaux qui ont peur ou de mésanges amoureuses du fauve ; ailes qui fuient ou ailes qui viennent ; dentelles de terreurs ou guirlandes d'amour ; tous les contraires s'entrecroisent, le jaune et le bleu, la fuite et la dévotion, la fleur et la branche. Même les trois chouettes qui s'étagent sur le côté n'échappent pas au souffle de la tornade : celle d'en haut s'agrippe furieusement à son arbre ; celle qui figure en bas, dans le médaillon noir, a le regard des ensorcelés ; celle du milieu, la plus grande, toutes serres sorties, œil plus stupéfait que jamais, déploie déjà une aile craintive. Tout est triomphe de l'énergie et de la flamme. Jamais un Maître, dans une seule tapisserie, n'aura amassé une telle violence. C'est l'éruption, avec les feux les plus rouges et les laves les plus dorées. Bal hallucinant de la vie inlassable.
Et là , vous avez le contraire La dernière glandée. Tout devient discret, secret. Sonate de marron et de bistres. De fait, qu'y a-t-il de plus marron qu'un gland ? Un sanglier, un sol, une écorce, un écureuil. Tout est là . Pas un seul bistre ne manque, sauf que vous en découvrez mille. À croire que l'artiste en invente. Le sanglier porte un capuchon et une pèlerine dont les nervures évoquent du sarment. De son pas de paysan tranquille, il foule un tapis de feuilles mortes qu'on croit entendre craquer, parmi un cortège de colchiques mauves. L'écureuil dessine une souche. L'arbre se tord comme un baobab ou un cep. Sur chacune des feuilles qui tombent en pluie morose, marron et roux chassent le dernier or. Même les oiseaux qui volettent de-ci de-là en désordre ont perdu leur rutilance ; ils tiennent plus du merle que du faisan bleu. Dans cette pénombre, accueillante comme un être, tout n'en devient que plus humain ; l'œil du sanglier a tout à la fois la gravité et la malice d'un robuste montagnard que rien n'étonne ; cet écureuil, qui embrasse la branche, exprime tous les bonheurs d'un poète à l'abri ; chaque oiseau a sa place dans une danse d'âmes ou d'ombres. Mais, pour le témoin, ce qui reste essentiellement de l'ensemble, c'est un immense repos. Cette œuvre impose les plus calmes certitudes. Plus rien n'est discutable dès lors que le sanglier marche, ces glands existent, cet écureuil rêve à la saison où les feuilles reviendront. La tapisserie du reître est d'une splendeur écrasante ; celle-ci peut s'accueillir comme une caresse.
Tout René Perrot se retrouve dans ces deux œuvres et ces quelques mètres carrés : vigueur et allégresse.
De toute sa vie, il sera resté indissociable de ces deux signes primordiaux. Il peut aussi puissamment s'illuminer qu'être dense. Le contraste — le contraste dru — est sa vérité.
Il naît, le 12 juillet 1912, à Cuse (Doubs), dans l'une des provinces les plus concentrées, les plus recluses, les plus sobres. Il doit à son Jura le granit de sa solidité. Physiquement, il sera le portrait de sa province, visage de lutteur tranquille, yeux graves, mâchoire carrée d'homme qui sait ce qu'il veut, rires clairs, gestes sûrs, carrure peu facile à défier.
Moralement, il en gardera les caractères principaux : ténacité, dévotion pour le travail, fidélité, sensibilité retenue, amitié lente mais sûre. Il y aura rencontré son écrivain préféré, Louis Pergaud, ami de son père, fils de Belmont, prix Goncourt 1910 avec De goupil à Margot, inoubliable auteur de La revanche du corbeau, du Roman de Miraut, chien de chasse et de la Guerre des boutons : roman de ma douzième année, tué en 1915 devant Marchéville-en-Woëvre, près de Verdun. Il y aura appris son poème le plus aimé, précisément de Pergaud, précisément en hommage au Jura natal :
«J'ai grandi libre et sain comme un arbre en plein vent.
L'air vif de la Comté tanna ma rude écorce.
Et gonflant de santé les bourgeons de ma force,
Me fit un front farouche avec un coeur d'enfant »...
Il peut se reconnaître dans ce poème comme dans sa réalité même. De même que son Jura, il ne sera jamais un superbe, ni un jaloux. Il aime et se laisse aimer, comme naturellement, sans jamais la moindre outrance de sentiments. Fondamentalement, il est un rugueux, concentré sur lui-même, parfois à la limite du taciturne. Mais, quand il doit composer un jour Le bouquet du Jura, jamais personne n'aura imaginé si joyeuses, si expressives couleurs. On en oublie tout des sombres labours. À nous un vrai bouquet de dieux heureux, avec les fleurs les plus délicates, dignes d'un printemps de Judée, lis martagons, gentianes verticillées du plus joyeux jaune d'or, vifs sceaux-de-Salomon des plus gais, dauphinelles si alertes qu'on les appelle aussi pieds-d'alouette, campanules d'une si miraculeuse finesse qu'elles n'ont jamais mieux mérité leur surnom de gants-de-Notre-Dame, myosotis timides, grappes de sauge, grappes de vipérine, aconit gourmand de pâturages...
Son enfance se passe chez les humbles. Ses premiers refuges de jeu sont des sous-bois. Ses premiers amis sont des laboureurs ou des bûcherons. Les premières mains qu'il serre sont des mains calleuses. Son premier signe est fatalement la terre. Ses premiers confidents sont le caillou, le roc, l'arbre. Mais son signe zodiacal, le Cancer, est celui des imaginatifs. Dans le zodiaque, il est frère de Byron, Corot, Cocteau, Debussy, Dali, Modigliani, et surtout de Jean de La Fontaine. C'est l'époque où les jours les plus longs rencontrent les nuits les plus courtes. La force de lumière trouve son intensité maximum. Triomphe des puissances généreuses. Mais aussi la nature est si comblée de dons que peuvent venir tous rêves, abandons, ravissements. Les vrais natifs de cette saison sont Endymion, Pierrot, Jean de la Lune. Ils savent dialoguer merveilleusement avec l'âme animale et l'âme angélique :
« dont le songe à présent sur l'eau pâle s'en va,
L'eau pâle qui s'allonge en chemins de silence. »
Rodenbach
L'homme du Cancer est enclin à la réceptivité, à l'émotivité, avec une sensibilité quasiment féminine et le goût de l'intérieur, de la maison, des choses intimes... sous une carapace de lutteur, il peut cacher le cœur le plus timide, le plus pudique.
Il rêve sa vie s'il ne peut vivre son rêve. Ainsi sans doute dans la succession des signes zodiacaux, fixe-t-il le type le plus compliqué. Ainsi, autant peut-il affirmer principalement une humeur sédentaire, âme simple, nature bonhomme, tranquille, familière, arrangeante, à peine un peu ours, casanière, autant peut-il manifester aussi l'humeur la plus voyageuse, âme errante, planant en marge des choses, jamais satisfaite d'elle-même. Il aime son nid ; tout l'appelle à ne vivre que pour son foyer ; il a besoin d'un cadre intime, d'une chaude ambiance ; comme l'écrit André Barbault dans son livre sur le signe, « ce Monsieur un peu douillet fait à la fois une bonne pâte de mari et un bon père ; toutefois, il peut être aussi fantasque, débridé, hasardeux, coureur de toutes ombres. Il peut être totalement contradictoire. » Personne ne le dit mieux que Cocteau, dans son Extrêmement :
« Extrêmement se perdre aux bornes de soi-même
Grâce au fil qui nous fut donné
Aboutira peu loin mais c'est le seuil extrême
Permis par un monde borné.
Si dans sa propre nuit le voyageur s'enfonce
Il n'en peut atteindre le bout.
Un sphinx garde la porte et ne donne réponse
Autre que ses yeux de hibou ! »
Il est fidèle. C'est pourquoi il vénère, de son plus ardent instinct, toutes ses terres. Il ne l'est pas moins dans l'amour pour sa femme. Ils se rencontrent un beau jour de juin 1937. C'est le rendez-vous donné par des amis communs, en vue d'aller pique-niquer en forêt de Fontainebleau. Elle se prénomme Madeleine ; elle ne l'appellera que « Bonhomme ». Ils ne se quitteront plus jamais — jusqu'à ce qu'il meure. Elle vivra près de lui comme s'il venait de se dédoubler et sera jusqu'au dernier instant la compagne sur qui il pourra totalement s'appuyer et se reposer. Il s'enracine dans l'amour comme dans sa province. Mais comme artiste, il est, aussi essentiellement, un vagabond. Il ne se lasse pas d'expérimenter de nouvelles techniques, de nouvelles couleurs, de nouvelles disciplines. On le sait grand tapissier : il aura composé plus de deux mille mètres carrés de tentures. Pour autant, il n'a pas moins de talent en matière de céramique, à laquelle l'initie Marie-Madeleine Madeline puis Colette Meillassoux. Il émerveille Firmin Baudy le jour où, à Perpignan, pour son four du Mas de San Vicens, il lui apporte ses premières études. Il pourrait être sculpteur. Il peut connaître un identique succès dans l'illustration ou l'affiche. Il est maître dans l'art de la gouache, grande ou petite, au point de s'affirmer comme un paysagiste hors série, par exemple quand donne, avec la finesse des peintres japonais, telle Vue de Saint-Sauves, image auvergnate saisie près du Mont-Dore, ou brosse, avec la robustesse d'un Vlaminck, tel Collioure au soleil, ou découvre avec l'attendrissement d'un Corot, tel Collioure sous la neige.
Personne plus que lui n'aura aimé son foyer. Mais, durant les premières années de la guerre mondiale, il trouve aussi sa plénitude dans une vie de compagnon rôdeur, quand d'étape en étape, il participe avec Paul Flammand et son équipe au mouvement « Jeune France » (dissout par Vichy en 1942) où se retrouvent : les peintres Bazaine, Lautrec, Manessier, Clavé, Hussenot ; le philosophe Maurice Blanchot ; le théâtre avec Jean Desailly, Jean Vilar. Puis il part sur tous les chemins de France, Franche-Comté, Auvergne, Languedoc, Roussillon, Creuse, Cantal, Corrèze, avec les Chantiers du Musée national des arts et traditions populaires — ce qui, du reste, lui permet de rapporter une splendide collection de dessins, de croquis, de gouaches (400 dessins sont conservés au Musée national des arts et traditions populaires).
Il aime tous les animaux. De toute sa tendresse, il ne tient pas seulement compagnie aux oiseaux, même les moins fréquentables, canards rôdeurs, corbeaux mendiants, buses implacables : son dernier dessin, quelques jours avant sa mort, sera un milan royal, aux ailes déployées sur un mètre cinquante. Comme il peut assembler la plus mutine gelinotte et le héron le plus distrait, il appelle avec le même cœur à lui brochets, et truites, rougets et maquereaux, lièvres et perdreaux. Mais il a ses préférés. Il adore singulièrement les chats : jeune homme, il en a huit chez lui. Plus encore il a un amour fou pour les chouettes. Est-ce parce qu'un jour de son enfance, il recueille une chouette blessée, l'abrite dans songrenier et pleure sur sa mort ? Est-ce parce que les hiboux sont, comme les serpents, des mal-aimés et méritent à ses yeux réparation ? Parce que la chouette fut l'emblème du miracle grec ? Parce que dans le symbole, sœur d'Athéna, elle est inséparable de la Sagesse ? Parce que Pisistrate ne voulut pas d'autre animal à graver sur ses tétradrachmes-? Parcequ'elle est plus rêveuse, plus cachée que tout être au monde ? Parce que sa robe grise est belle, ou que ses yeux sont deux mappemondes, ou qu'elle cultive le génie de l'ombre, ou qu'elle seule fait évoquer l'inimaginable sphinx ? Allez savoir. Il n'en reste pas moins que, toute sa vie, il aura vénéré « l'Oiseau de l'Acropole ». Il en garde même une plus de dix ans, Grisette. Il assure qu'il ne peut exister plus d'esprit dans une tête. Elle se fixe sur son épaule tout le temps qu'il travaille. Elle se délecte à lui faire des baisers dans l'oreille. On pourrait presque croire qu'il lui demande son jugement, quand il a terminé son œuvre. Il sanglote comme un enfant lorsqu'une crise cardiaque la terrasse. Dûment empaillée, elle continuera de figurer à une place de choix, dans l'atelier, comme le plus sûr des anges gardiens.
Son destin d'enfant du Jura le porte à adorer toutes provinces sobres, aux harmonies en pénombre. De la sorte se sent-il chez lui au long des bords de la rivière la Creuse, non loin d'Aubusson, plus exactement dans le paysage du petit village de Felletin, dès le quatorzième siècle berceau de la tapisserie française : il ne se contente pas d'y venir à la Manufacture voir tisser sur la basse lisse tel Saint François prêchant aux Oiseaux, promis à être exposé à New York ; il rôde inlassablement à travers la campagne, comme s'il y retrouvait ses propres racines. Il ne doit pas éprouver d'autre émotion en Sologne, les dimanches où il y va chercher le repos et où ce grand ami des bêtes va traquer le gibier, comme par sacrifice d'amour : cette autre province n'est pas moins humble, recueillie, grise, que le Jura et la Creuse. Mais un jour, par René Pous, il découvre Collioure. Il élit domicile dans l'anse de la Balette. Il savoure bouillinades (bouillabaisses catalanes), dorades et sardinades chez les Pous, les restaurateurs aux cent tableaux. Il voit le paysage marin le plus étonnant dans la lumière la plus pure, une forteresse mauve, un clocher rouge, une mer verte, des rues pavées qui serpentent comme dans un Moyen Age, des ravaudeuses de filets, des barques à lamparos. Il est pris. Ce fils des sobres est ensorcelé par cette profusion de couleurs, toutes amies les unes avec les autres. Tout y est, au coucher du soleil, des pastels les plus tendres et des pourpres les plus denses, des jaunes les plus délicats et des bleus les plus rêveurs. Tout devient hymne, les eaux, les murs, le ciel, la rocaille. Il y trouve, comme dit Descossy, « une nouvelle raison d'être ». Amphores montées des fonds, marchandes de poissons, algues nostalgiques, coraux inattendus, « vignes mûries dans l'air salé », tout est sujet d'émerveillement. Le rude jurassien est d'un seul coup conquis par cet éden de la Méditerranée la plus lyrique.
Par vocation, il est un enseignant. Il a plaisir à prodiguer des messages. Il s'acquitte de ses tâches de professeur avec autant de joie que de conscience. À l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, adoré de ses élèves, il sait enseigner avec une extrême rigueur, comme le dit encore Descossy, « le travail sans défaillance, l'observation exigeante, la minutie de la recherche, la sûreté de l' œil et de la main, l'exaltation des miracles de la Mère Nature ». Il peut être cité en exemple comme pédagogue. Pour autant, il peut être le plus attendri, le plus fantaisiste des poètes. C'est en poète enchanté qu'il illustre, dès ses dix-huit ans, les fables de La Fontaine, les textes de Molière et plusieurs contes de Fée. C'est en poète amoureux que, pour ses vingt-cinq ans de mariage, il offre à sa femme une chouette tendre entre toutes et fait tisser comme une seconde robe sur la tapisserie ce poème :
« Mon pauvre cœur est un hibou
Qu'on cloue, qu'on décloue, qu'on recloue.
De sang, d'ardeur il est à bout.
Tous ceux qui m'aiment je les loue. »
Guillaume Apollinaire
Il adore les animaux mais il peut être chasseur dans l'âme.
Il est pacifiste. Il enseigne infatigablement la guerre à la guerre. De toutes les bandes dessinées, son héros de prédilection est le Sapeur Camembert, un désarmé. Il a une sainte horreur pour tout ce qui est arme et uniforme ; mais il accepte de faire son service militaire, au 7e B.O.A. (Bataillon d'Ouvriers d'Artillerie) à Aubervilliers, où il se fait d'ailleurs gravement intoxiquer aux suites de l'éclatement accidentel d'une bombe à ypérite. À la drôle de guerre, il se trouve « comme tout le monde », quelque part dans l'Est. Sa femme réussit à le rejoindre, dans le secteur de Gray, en Haute-Saône, en bravant toutes les interdictions. «Je savais que tu viendrais », lui dit-il simplement. À la vérité, face au feu, le pacifiste s'est laissé blinder. Il rapporte d'ailleurs de ses tranchées et de ses blockhaus deux magnifiques « albums de guerre » tirant les premières planches sur une presse fabriquée de ses mains, avec deux caisses de rebut et quelques carrés de linoléum qu'il transporte dans son barda.
I1 aura pu laisser les tapisseries les plus monumentales. Il restera l'un des géants et des rénovateurs de cet art qui semblait perdu. Son nom étincellera aux côtés d'un Lurçat et d'un Picart Le Doux. Ainsi aura-t-il signé, parmi une longue impressionnante série, pour le salon du ministère des affaires économiques, sur soixante mètres carrés, sièges tissés à Beauvais, sur bois de Jacques Adenet, un remarquable Tableau de chasse et un Hommage à Jean Painlevé, fondateur directeur de l'Institut de cinéma scientifique. Pour le bureau du ministre de la reconstruction un À chacun son trou, qui peut s'affirmer comme un chef-d'œuvre de poésie malicieuse. Pour le musée d'art moderne, un émouvant Hommage à J.H. Fabre, « le plus grand ami des animaux après Noé ». Pour le bureau du ministre des affaires économiques, en trois tapisseries, l'une de ses plus prestigieuses productions, Les Quatres Eléments, vus à travers les animaux qui vivent dans chacun d'eux, poissons, oiseaux, gibier.
Mais, avec le même sentiment, il peut sculpter dans le bois le plus humble des jouets d'enfant, et composer pour sa fillette, Sylvie, tout un album de beaux contes, texte et illustrations, tels L'Oiseau de ruban et La Main rouge.
Il est d'une patience infinie pour dessiner. Il peut passer des heures entières sur une seule ébauche. De tous ses voyages ou de tous ses séjours, il rapporte dessins sur dessins. Mais il peut avoir le coup de crayon le plus prompt, avec l'esprit le plus mutin. Ainsi faut-il aussi avoir connu la série de ses caricatures, datées de l'avant-guerre, signées « René Péro », croquées avec la plus joyeuse férocité, André Tardieu, sa légendaire lippe en avant, Aristide Briand, façonné dans un nuage d'illusions, Georges Mandel, nez en bec de faucon, l'incroyable Paul-Boncour, perruqué de poudre de riz, visage ridé d'une duègne de la République..., Albert Lebrun tout pleurnichard, Paul Reynaud tout galopin, Léon Daudet en dogue qui semble avoir la rage...
Il est amant de la couleur. Il s'en enivre. Elle est sa volupté. Il la pétrit ou la tisse avec la passion possessive d'un sorcier. Du coup, il ne sait créer qu'en chantant ou ronronnant ou sifflotant. Il peut arracher du fond d'un volcan invisible des couleurs et des tons d'une brutalité insoupçonnée. De tout son être et de tout son paganisme, il est manifestement venu sur terre pour fabriquer des faisans de rêve, des coqs de songe, des paons, des paradisiers, des aras encore plus somptueux que ceux des dieux. Il est directement branché sur les forces mythiques et les puissances cosmiques. Son œuvre peut être vision d'inimaginable, avec les nuances et les fraîcheurs les plus divines d'un livre d'heures. Mais il travaille avec la précision d'un mathématicien. Durant des journées entières, il devient géomètre pour tracer la trame de l'œuvre à venir, tout un entrelacs compliqué de cercles, de rectangles et de triangles. Il s'oblige lui-même à une exigence d'exécutant irréprochable. Pour lui, il n'y a pas de peintre inspiré, ni de tapissier génial, qui ne soit d'abord un dessinateur rigoureux. Il l'est. Même, une fois terminée la trame, vous croyez découvrir au travail un simple ouvrier. Vêtu d'une chemise de cow-boy à larges carreaux, il besogne avec le calme traditionnel de l'artisan le plus artisan.
Un artisan, vous dites-vous. Réellement, aucun autre mot n'est pensable. Il a autour de son bras, un long cordage de laine, fait de trente couleurs juxtaposées, son chapelet dit-il. Patiemment, méticuleusement, il choisit ses couleurs après les avoir recherchées sur l'écheveau-témoin et c'est alors seulement qu'il peut répondre de leurs tonalités. Vous avez oublié le magicien ; vous ne regardez que le tisserand. Dès lors vus ne pourrez plus vous étonner en découvrant que ce fabricant d'oiseaux de paradis nourrit aussi un culte pour les animaux les plus gris, la loutre, le blaireau, le lièvre...
Durant des années, à Paris, il travaille au cinquième étage, d'une maison ancienne, place Pigalle ; pour y accéder, il faut prendre un escalier sombre d'au-delà de la « Belle Epoque » ; on le grimpe comme un cauchemar. Mais, à peine la porte ouverte, vous plongez dans un bain de lumière. Vous n'avez pas peiné pour rien : vous entrez dans un atelier de paradis, qui respire toutes les poésies et tous les bonheurs. De même, les dernières années, il les passe au dix-septième étage (étage réservé aux ateliers de peintres) d'un immeuble de la rue du Javelot dans le treizième arrondissement. De là encore, dès que parvenus au havre, vous découvrez un jardin inondé de clarté, puis toute une volière aux ailes de toutes les couleurs. Vous changez de planète. Des plans et des cartons s'accumulent sur la longue table de travail. Ici et là , des aquarelles et des gouaches, aux couleurs vives, voisinent avec des dessins ou des tapisseries terminées. Celles-ci du bleu le plus royal, celles-là du brun le plus profond. Une main douce a prévu de vraies fleurs dans un vase. Au-dessus d'une armoire en solide bois de chêne, s'alignent des vitrines enfantines, peuplées de personnages en bois découpé, nés eux aussi des mains de l'artiste et qui interprètent, ici un mystère franc-comtois, merveille de piété et d'humour, où vous pouvez reconnaître les inévitables héros des farces séculaires, le roublard, l'avare, la commère, la coquette, le bossu, là l'arche de Noé, avec tous ses habitants, puis un ardent cortège de soldats de Napoléon, fort impromptus chez notre grand pacifiste, puis les Contes de Perrault, avec toute la ronde familière de Cendrillons, de Chats Bottés, de Peaux d'Âne et de Riquets à la Houppe. Vous ne manquez pas de remarquer la canne d'un mandarin chinois, offerte par l'Abbé Breuil, ni les photos de famille, où les sourires sont autant de nouvelles fleurs. La volière, sur deux étages, est encore plus stupéfiante : elle attire votre regard encore plus que le spectacle des toits de Paris, aperçus à travers une large baie ; il s agit d'une collection de chouettes ; elles occupent deux larges murs du duplex ; elles sont fabriquées dans toutes sortes de matières, bois, cuivre, bronze, argent, étoffe, cristal ; elles peuvent être coupe-papier, serre-livres, porte-couteaux, dessous-de-plats, verres, bols, montres. Le plus vif plaisir qui puisse se faire à René Perrot est de lui offrir une chouette. Les unes s'amusent jusque sur les marches de l'escalier intérieur. Les autres tentent d'envahir jusqu'à la cuisine : de toute manière il y en a au moins une pour le sel et une pour le poivre. Celle-ci, cadeau du hasard ou trouvaille dans un cimetière, provient de la secte des Lucifériens, qui tiennent le hibou pour animal tutélaire. Celle-là , toute pudique, fut composée avec des dessous de carmélites : offrande d'un couvent. Cette autre était grattoir pour la pipe à opium de Jean Cocteau. Les chouettes auront suivi leur ami dans tous ses ateliers, rue du Saint-Gothard comme place Pigalle, comme dans cet immeuble actuel, baptisé « les Olympiades ». Oui, vous avez même ce défi à la condamnation millénaire : des chouettes heureuses et triomphantes, hors de l'ombre et de la nuit.
Véritable chêne, du bois le plus dur, le plus résistant, il passe toute sa vie dans une magnifique santé. Mais il n'en est que plus condamné à mourir brutalement. C'est ce qui advint le 19 mai 1979, à Paris. Il tombe tout étonné, sous les coups de hache du mal qui ne pardonne pas...
Au total, tel est le personnage. René Perrot : citoyen Contraste.
Il peut jouer de toutes les facettes.
Il peut être sous de multiples formes les quatre éléments, eau de la sérénité, feu de la ferveur, air de l'imagination, terre de la stabilité.
Tout en étant sans cesse lui-même, il peut toujours être autre.
Mais plus encore il est génie.
Tout ce qu'il touche, il l'enchante.
Il n'émerveille point que les ouvriers et les clients de la manufacture des Borderies à Felletin, reprise par la manufacture Pinton, où il a ses lisses préférées. Il fait tisser également chez Bascoulergue, petit artisan d'Aubusson. Il aurait pu être l'un de nos plus grands affichistes, et l'un de nos caricaturistes les plus redoutés, et l'un de nos céramistes les plus fins. Son pinceau de peintre a la touche magique. Son âme est d'un créateur en liaison directe avec les sources les plus profondes. Il boit aux plus purs fleuves de Dieu, eaux invisibles, dans le creux de sa main.
Il est fier d'être un travailleur modèle. Il l'est d'autant plus qu'il voue à l'artisan un culte infini. Il sait trop aussi que, hors de la rigueur, l'artiste n'existe pas. L'art s'appelle exigence. Il peut être ainsi heureux d'avoir le poignet le plus sûr, les doigts les plus habiles. Mais, davantage encore, il est l'Inspiré. Il est béni du hasard. Il reçoit tous les cadeaux de l'arbitraire de l'Inconnu. Il participe du mystère de la divination...
Là -haut, au paradis des Artistes qui l'a accueilli dans un atelier de lumière, il doit même avoir trouvé le secret de dialoguer totalement, en phrases de légende, avec ses chouettes, ses lièvres et ses lis martagons... Il n'a fait que retrouver les quelques magies qu'il nepossédait pas encore. Ici-bas, il n'en reste que mieux, pour la postérité, un fils des plus belles sources magiques.
Arthur Conte
La tapisserie
Déterminer les origines de la tapisserie est pratiquement impossible. Dès que l'homme a su entrecroiser des brins de matières et de couleurs différentes, il a réalisé un tissage ornementé. Qui peut nous dire qu'il n'en a pas orné les murs de son habitation alors qu'il a su décorer les grottes de la préhistoire ? Ce que nous savons, c'est que l'étoffe est le luxe naturel des civilisations primitives. Du vêtement à la tente, la décoration passe à la demeure. Nombre de textes (Euripide décrit les tapisseries qui ornaient le Parthénon) nous le prouvent. Ces tentures n'étaient pas un balbutiement mais un aboutissement. Elles représentaient les combats, les amours, les croyances de l'époque. Ce n'étaient pas des apprentis qui tissaient ces tentures. Nous savons que les Grecs avaient appris cet art des Orientaux. Des peintures égyptiennes nous montrent des femmes tissant en haute lice avec les mêmes outils qu'emploient actuellement les liciers des Gobelins, chaîne, trame, fusettes, peigne, bâtons de croisure, etc.
Tout comme le métier à la marche nous vient des Flandres. Alors, disons tout simplement que la tapisserie n'a pas commencé en France, mais plutôt que la France a été la gardienne des traditions de ce métier. Il nous faudrait écrire un livre gros comme un bottin pour essayer de connaître les origines de ce métier. Notre propos aujourd'hui est de vous dire qu'il y a deux manières de tisser, en haute et en basse lice. Le terme de basse lice n'a rien de péjoratif. Cela veut simplement dire qu'en haute lice, la chaîne est tendue verticalement et qu'en basse lice elle est tendue horizontalement. Voilà la seule différence qui existe entre les métiers des Gobelins et ceux d'Aubusson. Les fils de chaîne étant séparés à la main en haute lice à l'aide d'un bâton de croisure et au moyen d'un système de pédales en basse lice. C'est tout.
Il faut tout de même dire ce qu'est une lice. C'est un morceau de fil d'une longueur indéterminée qui est fixé sur les fils de chaîne pour séparer alternativement les fils pairs des fils impairs afin de permettre au licier de jeter sa fusette de laine entre ces fils séparés en effectuant une passée.
Maintenant un mot pour dire que la tapisserie française nous est arrivée des Flandres, au hasard des invasions qui faisaient fuir les populations devant l'envahisseur.
C'est de là que sont venus les ateliers itinérants du Moyen Age, à qui nous devons un chef-d'œuvre conservé dans sa majeure partie à Angers — l'Apocalypse. Tenture qui mesurait cinq cents mètres de long sur cinq mètres cinquante de haut (environ). Mais là encore c'est un aboutissement. L'essentiel, c'est d'avoir pu, envers et contre tout, conserver chez nous la pratique de cet art. Ce n'est pas le mérite d'un seul, mais celui d'une poignée d'hommes qui ont lutté depuis cinquante ans pour le faire et arriver au point majeur que nous avons atteint. Leurs noms ne sont hélas jamais cités. Ils s'appelaient Marius Martin, Elie Maingonnat. En principe, la chaîne est de coton et la trame de laine dans la tapisserie traditionnelle. À notre époque, des essais plus ou moins probants ont été faits d'entremêler des matériaux modernes. L'avenir nous dira ce qu'il faut en penser.
René Perrot
René Perrot, célèbre et inconnu. Célèbre grâce à ses tapisseries monumentales qui participent à la rénovation de ce mode de décoration. Inconnu parce que peintre singulier volontairement clandestin.
Ses grandes tentures de laine, par leur sujet et aussi par leur composition et leur écriture, n'ont pas d'équivalent dans l'immense production de la tapisserie contemporaine.
…L'exposition actuelle, Galerie Boissière, permet de découvrir un aspect complémentaire des dons et de la sensibilité de l'artiste. Seuls, ses familiers connaissaient cet ensemble de gouaches — la grandeur en de petits formats — qui font du tapissier un paysagiste hors série, et ce n'est pas assez de dire, parce que totalement dépourvue de toute propension à cette frénésie d'expériences chromatiques et de recherches « gestuelles » qui troublent la jugeote des innombrables maîtres et contremaîtres d'aujourd'hui.
Deux séries principales en cette exposition : Collioure au soleil et sous la neige, la Franche-Comté.
…D'où, surtout dans les paysages de neige, une sorte de surréalité magique qui défie toute tentative de plagiat.
George Besson, Les Lettres Françaises, 28 novembre 1963
Tous les soldats se ressemblent sous la capote, les gens de l'arrière ont une fâcheuse tendance à les confondre et supposent que les cagnas des premières lignes comme les granges des cantonnements sont uniquement peuplées de jeunes gaillards héroïques, blagueurs et mal embouchés, qui ne pensent qu'à la ration de pinard et au tour de permission.
Il n'y a rien de plus injuste, de plus insultant, de plus faux. Les hommes n'abdiquent rien de leur personnalité parce qu'ils endossent l'uniforme. Cette transformation apparente leur révèle parfois à eux-mêmes des qualités profondes qu'ils ne soupçonnaient pas — l'abnégation, le courage — comme elle fait surgir chez d'autres, certaines tares qu'ils refoulaient, mais en aucun cas elle n'efface chez l'individu la supériorité spirituelle qui lui étoilait le front. Même dans la boue, même sous la fatigue, même devant le danger, l'artiste demeure l'artiste, et plus préoccupé de son œuvre que de son sort présent. On peut les soumettre à toutes les épreuves, le poète continuera d'écrire, le dessinateur ne lâchera pas son crayon.
Un grand nombre de peintres mobilisés ont ramené de la dernière guerre les plus émouvants témoignages. C'est aujourd'hui le tour des cadets qui surmontent toutes les difficultés pour exprimer quand même ce qui est leur raison de vivre. Et si, ennemi des préfaces, j'ai pourtant présenté ce saisissant album de guerre, c'est que le Montmartrois Perrot, peintre et graveur devenu canonnier, en a tiré les premières planches sur une presse fabriquée de ses mains avec deux caisses de rebut et quelques carrés de linoléum qu'il transportait dans son barda.
Roland Dorgelès
de l'Académie Goncourt.
De lui — de mon vieil et fidèle ami René — ce que j'aime peut-être le plus, ce sont ses notes, ce sont ses gouaches, ce sont ses dessins. Partie la plus « réservée » de son œuvre, simples feuilles d'album accumulées au cours de ses longues promenades agrestes dans son Jura natal, en Sologne ou ailleurs — (souvent éléments ou tremplins pour des travaux de plus grande importance) — c'est cependant du fond de ses cartons que ressort à présent, avec une vie et une vérité surprenante, la confidence la plus secrète de ce regard ému en contact direct avec tout ce qui court, nage et vole, avec tout ce qui peuple les airs, la terre et l'eau, avec tout ce qui vit dans les bois, les marais, les rivières et les plaines.
Oui, il fallait — dans une époque aussi dure et agressive — avoir su préserver en soi une âme d'enfant et de contemplatif, un cœur ouvert et généreux, pour pouvoir aller regarder, aimer et fouiller pareillement cet univers dans ses moindres détails, et, au fur et à mesure, se dilater, se faire poète, élargir son souffle, enfin ! atteindre à la grandeur, au contraire de l'analyste qui rétrécit son émotion à proportion qu'il en pénètre le détail. Bien peu d'artistes dits « figuratifs », sauf les primitifs et les naïfs, ont eu le privilège de cette investigation particulière. Cependant il n'était ni peintre naïf ni peintre primitif.
C'est peut-être par le chuchotement du vent dans une plume de grive ou de linotte, dans la plénitude lumineuse de l'irisation d'une écaille de carpe ou de brochet, par le tremblotement d'un duvet d'écureuil ou de lièvre que je retrouve, baigné dans la douce lumière auréolée qui s'en dégage, le beau regard souriant et émerveillé de l'ami que nous aimions.
Emancé, Pâques 1981
Alfred Manessier
Dans le souvenir
Je sais que le bonhomme est absent et que nous voyageons, les uns et les autres, dans une présence discontinue où nos œuvres nous accompagnent à la découverte de l'essentiel.
Qu'au dernier passage, nous nous soyons manqués, cela n'empêche que la vision de l'œuvre de René Perrot m'est acquise. D'autres vont venir découvrir ici la transformation allégorique de l'univers.
Il me plaît de songer que ce Franc-Comtois de Cuse-et-Adrisans dans la vallée du Doubs, sur la mouvance de Clerval, ne soit annexé par aucune des quatre encyclopédies de l'impressionnisme, du symbolisme, de l'expressionnisme et du surréalisme dans la synthèse où se retrouvent les peintres et les poètes, dans leur vivante contradiction.
Les milliers de chouettes que Perrot assembla gardent la Sagesse en gésine et le souvenir du bonhomme, au sommet de la tour Grenoble, est empreint d'humour qui lui donne cet envol joyeux dont le grand peintre aima la compagnie des vivantes créatures imaginaires.
Mais oui, mon vieux Perrot, ton monde existe dans l'amitié des hauteurs.
Edmond Humeau, 3 juin 1981
Quelle joie de rencontrer un peintre, un vrai, qui ne cherche pas comme tant d'autres à déformer la nature mais qui la représente fidèlement du bout de son pinceau. Je viens d'avoir ce plaisir avec Perrot.
Tout le monde connaît ses merveilleuses tapisseries mais comme peintre on l'ignore : c'est injuste. La quarantaine de gouaches et les aquarelles, les dessins qu'il expose aujourd'hui consacrent son talent après une abstention de vingt ans qu'on ne s'explique pas. Ses paysages de Catalogne, d'Auvergne, de Franche-Comté sont un enchantement. Il a aimé toutes les saisons, printemps, été, automne, hiver, et les fait revivre avec un égal bonheur. Toutefois il se plaît surtout dans la neige, celle de Collioure comme celle des Puys et cette blancheur éblouit.
Des nuages heureux paraissent dans le ciel et les bois au pelage épais broutent les pentes immaculées comme un troupeau. Ce peintre fait aimer d'un regard les lieux où il s'est arrêté. Or peindre ce n'est pas poser un rébus comme certains semblent le croire, c'est donner à un paysage ou à un visage sa chance d'éternité.
Roland Dorgelès, 1963
Tous les textes de cette entrée sont tirés du livre :
Tapisseries, dessins, peintures, gravures de René Perrot,
Dessain et Tolra, 1982.