Max Claudet, né le 18 août 1840 à Fécamp (Seine-Maritime) et mort le 28 mai 1893 à Salins-les-Bains (Jura), est un sculpteur et céramiste français, actif à Salins-les-Bains.
Max Claudet, statuaire et céramiste salinois
Daniel Clot, Gilles Saint Sever, Salins-les-Bains, 2010.
Max Claudet est né à Fécamp le 18 août 1840, où son père Félix-Narcisse Claudet (1793-1879) avait été nommé inspecteur des douanes.
La famille Claudet était d'origine franc-comtoise. Le grand-père paternel de Max Claudet, Antide Claudet, né à Pontarlier le 20 janvier 1753, était avocat au Parlement et conseiller au baillage de Salins-les-Bains. En 1783, il fut reçu bourgeois de cette ville « pour sa postérité née et à naître ». Il devint maire de Salins en 1793 et commissaire près du tribunal civil de Lons-le-Saunier où il occupa le fauteuil du ministère public jusqu'en 1800. Il fut nommé ensuite membre de la cour d'appel de Besançon et président de la cour de justice criminelle du Jura à Lons-le-Saunier, siège qu'il occupa pendant quatre années.
En l'an XII, il fut promu chevalier de la Légion d'honneur et Napoléon lui octroya par lettre patente du 28 janvier 1809, le titre de chevalier, transmissible par ordre de progéniture de mâle en mâle en justifiant 2000 francs de rente, avec les armoiries : d'azur au badelaire, la pointe haute en pal d'or sur laquelle broche une balance d'argent, champagne de gueules au signe de chevalier.
Le 21 juin 1809, Antide Claudet était membre du corps législatif pour l'arrondissement de Poligny. À l'expiration de son mandat, il vint siéger à la cour impériale de Besançon. Émile Fourquet dans son Dictionnaire des Hommes célèbres et personnalités marquantes de Franche-Comté nous relate les circonstances de la mort de ce magistrat : On arrêta en 1812 Pancrace Mallet qui était un malfaiteur très redouté dans le Jura. Antide Claudet qui avait présidé la session d'assises précédentes, fut encore choisi pour diriger les débats de cette importante affaire qui passionnait l'opinion publique. À cette époque, les prisons de Lons-le-Saunier étaient encombrées de prisonniers de guerre et le typhus s'y était déclaré. Antide Claudet, atteint des premiers symptômes de la maladie, ne voulut pas interrompre le cours de la justice et il fit siéger sans désemparer. Pancrace Mallet fut condamné à mort. Quand le président Claudet lut la sentence prononcée contre lui, Mallet lui dit : « vous serez mort avant moi ».
La prédiction du misérable devait s'accomplir ; Antide Claudet étant retourné à Besançon, mourut quelques jours après, le 29 juillet 1812, à l'âge de 59 ans. À la mort d’Antide Claudet, son fils Félix Narcisse avait 19 ans. Le baron d'Empire, Laurent-Marie Janet de Lons-le-Saunier, ami de la famille Claudet et ancien collègue d'Antide Claudet au corps législatif du Jura, était alors intendant général du trésor public à Rome. Il appela près de lui le jeune Félix-Narcisse qui entra comme surnuméraire dans les douanes et passa trois années en Italie sous les auspices de son puissant protecteur.
Félix-Narcisse Claudet fut un des premiers témoins qui assistèrent au débarquement de Napoléon de l'île d'Elbe. Max Claudet raconta ainsi cet épisode de la vie de son père : Il fut obligé de quitter la ville éternelle quand Murat, roi de Naples, se tournant contre l'Empereur, entra en campagne. Narcisse Claudet partit à pied avec un groupe d'officiers français qui quittaient le traître. Arrivé à Eriabi, il s'embarqua sur un petit navire qui longeait la côte pour éviter les croiseurs anglais. Puis par suite d'une tempête, il fut forcé de prendre terre à Porto-Veneri et de continuer son voyage à pied jusqu'à Gênes. C'était en 1814, l'ennemi occupait la Franche-Comté. Ne sachant pas où aller, il se décida à se rendre à Paris où il avait des amis de son père ; il dut donc traverser une partie de la France et arriva juste pour voir entrer les alliés dans Paris. Il assista sur la place Vendôme aux efforts infructueux des ennemis pour renverser la statue de Napoléon placée sur la colonne. L'Empereur tombé, Louis XVIII sur le trône, Narcisse Claudet fut envoyé, toujours dans les douanes, au Golf Juan. Comme il n'y avait sur la plage que quelques maisons de pêcheurs, il dut habiter à Vallauris. Un beau jour, un douanier de service sur la plage arriva en courant prévenir son chef que l'Empereur quittant l'île d'Elbe venait de débarquer avec 15 000 hommes et deux pièces de canon. Narcisse Claudet y courut et assista donc seul avec son douanier à cet événement qui allait remettre l'Europe en feu. L'Empereur se promenait les mains derrière le dos avec le maréchal Bertrand pendant que les soldats préparaient leur manger. À la nuit, ils partirent sur la route de Grasse. Le lendemain, toute la Provence arriva sur la plage.
Félix-Narcisse Claudet poursuivit sa carrière dans les douanes. Il fut affecté successivement à Cannes, Les Rousses, Le Pertuis, Saint-Claude, Wissembourg, Fécamp et Grenoble où il termina sa carrière en 1846. Le 10 novembre 1839, il épousait à Saint-Amour dans le Jura, mademoiselle Marie-Alexandrine Vuillemenot de Nanc et était nommé inspecteur des douanes à Fécamp ; c'est là que naquit Max Claudet le 18 août 1840.
La jeunesse de Max Claudet
En 1842, Marie Claudet décédait prématurément. Max Buchon rapporte ainsi dans La Revue littéraire de Franche-Comté de 1864, le retour de la famille Claudet dans le Jura et l'enfance de Max Claudet.
Trois ans après son mariage, Félix Claudet se trouva veuf avec un bambin de deux ans d'une constitution si chétive, qu'il prit aussitôt sa retraite pour revenir à Salins se consacrer tout entier aux soins et à l'éducation de son fils, dans une résidence héréditaire tout à fait champêtre qu'il possédait sur la route de Champagnole, à une portée de fusil de la ville. C'est là que Max Claudet a vécu, comme un jeune sauvageon, sans autres leçons scolaires que celles de son père, lequel s'appliquait surtout à fortifier la constitution de cet enfant. Des livres, des crayons, une forte nourriture et la clef des champs, ont suffi pour faire de lui aujourd'hui un assez plantureux gaillard, réfractaire à tout enseignement traditionnel, mais bon observateur et assimilant facilement la substance des éléments d'instruction que le hasard lui fournit pêle-mêle.
Les premières dispositions accusées par lui avaient été pour la mécanique ; toutefois ses goûts pour la sculpture ne tardèrent pas à se déclarer. À quinze ans, il fit un premier séjour de deux mois à Paris chez un sculpteur d'église. Huguenin voyant un buste de sa façon lui dit d’un ton de vive sympathie: « travaillez et vous réussirez ! ».
L'isolement relatif de la maison Claudet au faubourg Champtave de Salins explique que le jeune Max n'eut guère d'amis pour partager les jeux de son enfance. Il occupa ses loisirs à se promener dans la campagne, à jouer sur les berges de La Furieuse et sur le chantier de la scierie voisine de la demeure familiale. Il garda de son enfance un certain goût pour la solitude, l'indépendance et un grand amour pour la nature.
Les leçons d'instruction que Max Claudet a reçu de son père eurent quelques lacunes. Plus tard, il s'instruisit seul, puis il fut dirigé par Max Buchon dans ses études.
Max Claudet montra très tôt d'excellentes prédispositions pour le dessin et la sculpture. Son père eut la sagesse d'encourager cette vocation artistique.
En 1858, 1859, Max Claudet fréquenta l'École des Beaux-Arts de Dijon où il eut pour maître le sculpteur Darbois . En 1860, il entra comme élève à Paris dans l'atelier de Jouffroy. Le séjour de Max Claudet dans la capitale sera rapidement abrégé : deux mois après son arrivée dans l'atelier de Jouffroy, Claudet contracta une fièvre typhoïde. Il fut alors obligé d'interrompre ses études et il regagna le domicile familial de Salins pour se soigner. La maladie l'ayant affaibli aussi, après quelques semaines de convalescence, il décida de rester à Salins, de reprendre ses études solitaires et de travailler sur son fond propre. Les raisons qui motivèrent Claudet n'étaient pas en réalité que d'ordre médicales ; élevé à la campagne, amoureux de la nature, Claudet isolé dans la capitale n'avait pas pu s'intégrer à la vie parisienne.
Les premières expositions régionales
Les recherches de Max Claudet l'amenèrent à étudier les œuvres de ses prédécesseurs. Ses premières créations furent influencées par les courants artistiques qui marquèrent le début de son siècle. Il traita des sujets d'inspiration antique : Caton, Dante, Philoctète ; romantique : Méphisto, Chactas... ; biblique : le Christ, Ezéchiel ressuscitant les morts (statue en plâtre qu'il offrit à l'église des Carmes à Salins). Son talent s'affirmant, ses proches l'incitèrent à présenter ses œuvres.
En 1860, Max Claudet adressa à la Grande Exposition de Besançon le portrait de son père et le buste du général Cler. Le 23 septembre 1861, il obtint la médaille de première classe au concours de la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts de Poligny pour « ses portraits, bustes, statuettes et médaillons et notamment pour le buste du général Cler »
Le 22 septembre 1862, il reçut le prix d'honneur au concours annuel de la même société pour le buste de Napoléon III. La même année, Max Claudet présenta à la deuxième Exposition des Amis des Beaux-Arts de Besançon : Le colonel Cler de Salins, arrive le premier sur le plateau de l'Alma, il saisit l'aigle de son régiment et l'arbore aux cris de « Vive l'Empereur » ; Portrait de Madame de B* ; Portrait de Mademoiselle D* ; Portrait de Monsieur A.C* ; Portrait de Monsieur M.C*.
Il obtint pour l'ensemble de ses sculptures une mention honorable.
En 1863, Max Claudet participa une nouvelle fois au concours de la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts de Poligny. Il se vit attribuer un rappel de médaille d'honneur section sculpture pour Le buste du général Cler qu'il offrit au musée de la société organisatrice du concours.
Le soutien de Max Buchon, première exposition parisienne
Durant cette période, Max Buchon et Max Claudet nouèrent une amitié dont les liens s'avérèrent inaltérables. Max Buchon était de vingt-deux ans l'aîné de Claudet. Il l'a vu grandir et dès 1862, il s'intéressa au talent de son jeune compatriote.
Max Buchon jouissait alors d'une grande popularité à Salins et en Franche-Comté. Il avait déjà publié la plus importante partie de son œuvre littéraire : Le matachin (1853), Le gouffre gourmand (1854) et Le fils de l'ex-maire (1855). Il était également correspondant de divers journaux et revues littéraires.
Dès 1863, Max Buchon consacrera plusieurs articles à Claudet dans La Sentinelle du Jura (journal lédonien), dans Le Salinois (hebdomadaire du canton de Salins et de Poligny) et dans La Revue littéraire de Franche-Comté. Tous ces articles ayant pour but de faire connaître son jeune ami franc-comtois.
La pensée politique et artistique de Max Buchon influencera rapidement Max Claudet. Buchon était alors en littérature le « champion local » du réalisme. Max Claudet délaissera peu à peu les sujets de sculpture classique et épousera les idées de la nouvelle doctrine.
En 1862, en 1863, Max Claudet effectuera plusieurs essais de sculpture réaliste : un Baigneur, un Vigneron du Jura aiguisant son échalas, un Saltimbanque, un Ménétrier, un Marchand de vrilles, un Faucheur, un Bûcheron (offert au musée de Dole), une Vendangeuse rapportant le biou...
À partir de 1864, Max Claudet tentera de faire en sculpture l'équivalent de ce que faisaient ses amis dans d'autres domaines de la pensée : Buchon dans la poésie et Courbet dans la peinture. Il voulut faire de l'art vivant et traduire les mœurs, les idées, les aspects de son époque.
Il adressa au printemps 1864 deux sculptures au Salon des Artistes Français de Paris : le Buste du poète Bonvalot (terre cuite) et le Vigneron du Jura portant une bouille. Il était alors un des plus jeunes exposants du salon.
Le Buste du poète Bonvalot fut admis au Salon d'honneur des Champs-Élysées, le jury n'eut pas la même considération pour sa sculpture réaliste, d'inspiration populaire ; cependant le Vigneron à la bouille put être exposé dans la galerie des refusés (avantage accordé aux jeunes sculpteurs pour leurs œuvres qui n'avaient pas été retenues par le jury pour figurer au Salon d'honneur). Buchon et Champfleury pensèrent et déclarèrent que Claudet avait été victime d'une injustice. D'autres critiques, comme Charles Beauquier furent plus mesurés dans leurs appréciations : « ... dans la salle des refusés, un vendangeur portant sa bouille, essai de sculpture réaliste n'est pas sans mérite, la vulgarité seule du sujet l'aura fait sans doute exclure par le jury encore imbu des préjugés de la sculpture noble. » Revue littéraire de Franche-Comté, « Les artistes francs-comtois au Salon de 1864 ».
La fontaine du vigneron
Après avoir pris contact avec diverses personnalités locales, Max Buchon fit paraître dans l'hebdomadaire Le Salinois du 17 juillet 1864 un long article démontrant que cette affaire était un affront aux Salinois et il lança une souscription pour que Le vigneron à la bouille orna la fontaine de Salins.
SOUSCRIPTION SALINOISE
Le vendangeur,
Statue grandeur naturelle par M. Max Claudet
Notre population a fait ces jours-ci dans la cour de monsieur Champion, ample connaissance avec Le vendangeur à la bouille de notre jeune compatriote M. Max Claudet.
Cet énergique essai de sculpture populaire a trouvé à Salins l'accueil le plus cordial, en dépit des appréciations bizarres dont il a été l'objet à l'exposition de Paris. (« M. Max Claudet, dit le journal L'Artiste, expose une sorte de chiffonnier ou de porteur de vendange qui a véritablement du mérite. L'auteur devrait bien employer son talent à d'autres sujets. Il a bien rendu ce qu'il voulait rendre ; mais ces choses choquent toujours, et on ne saurait trop retenir de pareilles tendances. Le grand art de la sculpture est trop antique et trop noble, pour qu'on lui fasse faire de pareilles mésalliances. »)
Voilà bien la critique de Parisiens. Ils savent si peu comment le vin se récolte, qu'ils prennent un vendangeur pour un chiffonnier, puis en vertu de leur habitude de vivre parmi des freluquets en gants jaunes et tirés à quatre épingles, ils ne voudraient que des statues à la pommade et au patchouli. Un vrai vigneron de Salins, en 1864, c'est à dire pas noble et pas antique du tout... Fi donc ! N'encannaillez-pas votre talent à de pareils sujets qui choquent toujours quoique votre statue ait réellement du mérite... et allez donc !!
Heureusement, s'il y a à Paris beaucoup de parisiens absurdes, il y en a aussi qui savent juger sainement les choses, témoin l'appréciation suivante de monsieur Champfleury : « Le vigneron de monsieur Max Claudet m'a produit un très bon effet. Je suppose que je tombe un jour à Salins, et que j'y trouve ce vigneron établi sur une fontaine publique... l'impression que j'en recevrai sera excellente. C'est de la sculpture décorative locale, et certainement très originale dans son milieu. Combien cela est plus intéressant que ce peuple de statues qui nous encombre à Paris !! Ce sont des fainéants de marbre et de bronze qui ont l'air aussi ennuyé qu'ennuyeux. »
Des fainéants de marbre et de bronze ! Voilà en effet le résumé de la sculpture antique et moderne. Pour avoir droit aux honneurs de la sculpture, il fallait jusqu'ici… être un fainéant. Cela se comprenait du temps des Grecs et des Romains, qui regardaient le travail comme une honte et s'en dispensaient au moyen de leurs esclaves. Cela se comprenait encore, avant la Révolution française, quand les artistes vivaient à la solde des grands de la terre à titre de premiers laquais mais cela devient un non sens à notre époque, qui proclame sur tous les tons l'ennoblissement de l'homme par le travail.
Et quel travail en France, plus noble et plus national que celui de vigneron ? Nos vins de France ne sont-ils pas le plus glorieux, le plus recherché de nos produits ? Et ceux qui les boivent en chantant leurs louanges, n'ont-ils pas bonne grâce à crier : racca ! contre le vigneron qui fait jaillir ces vins de notre sol, au prix de tant de peines ? On rougit vraiment d'avoir encore à rougir de pareilles sottises.
La France est le pays par excellence des vrais vignerons aussi bien que des vrais soldats, et, Dieu merci, sous ce double rapport, notre ville de Salins fournit largement son contingent aux cadres de la mère Patrie. L'an prochain nous allons inaugurer, dit-on, la statue militaire de notre compatriote le général Cler, mort en brave à Magenta. À cette occasion, notre ville va se mettre en fête, afin de recevoir dignement les hôtes illustres qui viendront s'associer à cette solennité triomphale. Comme accessoire d'ornementation pour ce grand jour, où trouver mieux que la statue du « Vigneron », en la faisant couler en fonte, et en l'installant sur une de nos fontaines, comme il est dit plus haut ? La vie salinoise inaugurerait ainsi du même coup sa personnification dans la paix et dans la guerre. La brillante statue de bronze serait là pour apprendre à nos visiteurs, comment les Salinois savent, quand il le faut, mourir sur le champ de bataille, et, en même temps, l'humble statue de fonte montrerait aux prix de quelles fatigues journalières nos vignerons récoltent ce vin joyeux dont nous sommes fiers à si juste titre.
À nos citoyens, donc à nos vignerons en général et particulièrement, à la société de Saint-Vernier, de patronner ce modeste projet qui nous fournira l'occasion de faire, à si peu de frais, acte d'intelligence, de concorde et de patriotisme salinois.
Mode de souscription
Avec l'autorisation de Monsieur le Maire, une liste générale sera présentée par quelques personnes de bonne volonté, à leurs connaissances dans chaque quartier de la ville.
Les souscriptions seront anonymes ou nominatives, au gré des souscripteurs. Le montant de la souscription payable en souscrivant sera centralisé dans les mains de Max Buchon, ou au bureau du Salinois qui en rendra compte.
Pour peu que le total définitif dépasse la somme indiquée ci-dessus pour le coulage du Vigneron, Monsieur Max Claudet enjolivera le piédestal de quatre bas-reliefs relatifs à la profession vigneronne, qui feront de la fontaine choisie pour cette installation, un véritable monument comme il n'en existe nulle part. Sur le socle, on pourrait peut-être graver l'inscription suivante : « Belle eau, j'aime à t'entendre à mes pieds clapoter, mais jusqu'à mon gosier garde-toi de monter. »
Dès la parution de l'avis de souscription, signé par Max Buchon, l'intelligentsia jurassienne apporta immédiatement son soutien à son leader.
Le professeur Henri Clerc, de la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts de Poligny reprit les idées de Max Buchon qu'il exprima dans un style beaucoup plus emphatique dans le bulletin de cette société (pages 250-251, année 1864): « Assez et trop longtemps, oublieux de leur dignité, le pinceau, le burin, le ciseau, à la dévotion des heureux, des oisifs, des viveurs et des fainéants, se sont égarés dans les antichambres à reproduire des images interlopes et des réputations avariées. En voyant ce vigneron, les étrangers ne manqueraient pas de se dire : « Au moins, voilà des gens qui ont l'intelligence de leur valeur et de leur richesse. »
Or une modeste somme de 600 à 700 francs suffirait aux frais de coulage de cette statue dont l'auteur fait hommage à la ville de Salins. La solution de ce problème est donc facile, sans mettre à contribution le budget municipal et à l'aide seulement d'une petite souscription. Quand la statue sera fondue, l'administration municipale, toute sympathique à cette combinaison, décidera quel emplacement sera le plus convenable.
Si l'on soumettait une telle proposition à nos voisins d'Arbois, ils l'acclameraient avec enthousiasme. Chez nous, il en sera certainement de même. Quand on s'adresse à des Salinois, on n'a pas à insister longtemps, sur une affaire aussi simple, pour trouver de l'écho dans tous les cœurs. Que chacun apporte donc son obole, si légère soit-elle car la réalisation de ce projet ne revêtira son véritable caractère, qu'en devenant l'œuvre spontanée de tout le monde.
Et à nous ainsi reviendra l'honneur d'avoir inauguré en public ce morceau de vigoureuse sculpture salinoise, à une époque où plusieurs villes environnantes en sont encore réduites à orner leurs fontaines d'insipides nudités mythologiques, qui ne s'harmonisent pas mieux avec notre vie moderne qu'avec notre climat.
Le peuple d'Athènes était habitué à juger pertinemment des œvres d'art, parce que ses artistes ne travaillaient que pour lui, en ne s'inspirant que de ses mœurs nationales ; notre peuple moderne devient un juge tout aussi habile, quand on soumet à son jugement des œuvres conçues dans des conditions analogues. Ce qui le prouve, c'est l'empressement de notre population à décerner l'immortalité du fer à ce « Vigneron » qu'illuminent de si importants reflets de notre vie locale. De quel intérêt ne serait pas pour nous ce « Vigneron » de 1464 traité à la manière d'aujourd'hui ?
Voilà ce que nous disons instinctivement, et ce que n'ont pas fait pour nous nos devanciers, nous le ferons pour nos successeurs.
Compréhensible et jusqu'à certain point excusable en des temps d'ignorance, alors que le préjugé regardant toute occupation manuelle comme indigne de l'homme libre, on abandonnait successivement l'exercice à l'esclave, au serf, au prolétaire, cette erreur ne serait plus aujourd'hui qu'une choquante anomalie et une flagrante contradiction à une époque où l'avènement de la démocratie a proclamé ipso facto la sainteté et la noblesse du travail.
C'est de ces considérations morales et philosophiques que s'inspire Monsieur Max Claudet dans le choix de ses modèles. Actif et laborieux, il ne les veut que conformes à ses goûts et ses prédilections.
Déjà , on s'en souvient, il a été donné à notre Société de couronner son buste du prince Napoléon, c'est-à dire, d'un de ces élus, qui, s'il ne fut né sur les marches d'un trône, aurait trouvé dans sa riche organisation toutes les ressources d'un puissant orateur.
Cette année la grande exposition parisienne des Champs-Élysées a admis de lui le buste de notre éminent collègue Bonvalot, cet infatigable athlète de la pensée progressive, ce champion intrépide et depuis soixante ans, toujours sur la brèche de la littérature militante.
Indépendamment de l'habileté d'exécution, ne se révèle t-il pas du cœur et du génie dans la seule conception de sa création nouvelle ? Du génie, à savoir ainsi stimuler, par le fécond et généreux aiguillon des Beaux-Arts, la culture d'un des principaux éléments de la prospérité du pays ; du cœur, à la pensée que si l'intempérie des saisons, et plus encore, les exigences de la cupidité privaient si souvent le vigneron de la majeure partie des fruits de sa récolte, ainsi que L'abeille des trésors de son miel. « Sic vos non vobis mellificatis apes ».
Il était de toute justice de les en dédommager par un témoignage éclatant d'estime publique, et dans l’impossibilité de les récompenser chacun en particulier, de les honorer tous ensemble par la personnification idéale et poétique de leur rude et chanceuse profession. Et puis quel à propos saisissant que cette coïncidence du coulage en fonte de la statue du « Vendangeur à la bouille » et de son érection projetée sur une des fontaines de la ville aux Salins et aux bains que ce rapprochement triomphal de l'ouvrier avec les fêtes près de se célébrer en mémoire d'un illustre et regrettable général frappé prématurément par une balle ennemie, comme pour prouver que sur n'importe quel champ, champ de labour ou champ de bataille, les sueurs et le sang des enfants du Jura sont toujours prêts à l'ensemencer pour le salut et la gloire de la patrie.
Il n'en faut donc point douter, les cités voisines, les citées sœurs du département se feront un devoir de concourir à l'achèvement d'une œuvre dont le relief rejaillira sur elles, œuvre d'une portée quasi nationale. »
De telles louanges faisant appel au bon sens des habitants de Salins et glorifiant les vignerons de cette ville, ne pouvaient laisser la population indifférente. Salins comptait alors 7500 habitants et les vignerons étaient nombreux.
Quinze jours après l'ouverture de la souscription, le montant des sommes recueillies, publié dans Le Salinois accompagné du nom des souscripteurs, s'élevait déjà à 808 francs le 31 juillet 1864, il fut de 869 francs le 11 septembre.
Le 3 août 1864, la statue fut rendue à la fonderie Degoumois à la Butte à Besançon pour y être coulée en fonte puis elle fut exposée en octobre dans le jardin Grandvelle de Besançon où elle sera encore soumise à la critique :
« Un jeune sculpteur salinois, monsieur Max Claudet, en exposant à Besançon, dans le jardin Grandvelle, sa statue du « Vendangeur » jurassien nous a mis à même de juger entre les champions et les détracteurs de son œuvre ou de son talent.
Comme reproduction frappante et fidèle du modèle, l'œuvre de Monsieur Claudet ne laisse rien à désirer. Mais il faut l'avouer, elle manque de poésie, non pas cette poésie académique ou théâtrale qui a atteint dans les bergeries de Florian et de Watteau le sublime du ridicule, mais cette poésie vraie et naturelle, de ce charme intime des choses que l'artiste de génie sait nous faire admirer jusque sous la grossière capote du troupier, les rides du vieillard ou les haillons du mendiant. À quoi pense ce robuste vigneron, en appuyant contre un arbre de la route le lourd et joyeux fardeau qui le récompense de tant de peines ?
Vraiment, il serait difficile de le deviner ; il paraît plutôt ne penser à rien. Sans doute c'eût été trop s'éloigner du type général que l'artiste avait en vue, que d'en faire un extatique élevant vers Dieu des yeux reconnaissants, un mélancolique rêvant d'amour, ou un Spartacus moderne méditant une révolution sociale. Mais on voudrait au moins pouvoir lire à travers les traits vulgaires du travailleur ce rayonnement de satisfaction dans la fatigue, qui est à la fois la philosophie et la poésie du sujet.
Heureusement, Monsieur Claudet est très jeune et il a trop de talent pour se borner comme d'autres, à photographier en plâtre. » (Annales Franc Comtoises)
Max Buchon répondra à cet article en quelques lignes dans Le Salinois du 22 octobre 1864 : « Cette statue est en butte à bien des critiques, mais elle est de tempérament à les supporter. N'est pas critiqué qui veut. Une guirlande de pampres feuillus sera ajoutée au couronnement de la bouille. Des bas-reliefs vigneronnesques orneront le piédestal, et Salins en dépit des critiques aura là , à peu de frais, une belle fontaine de plus qui sera certainement fort remarquée. »
À la fin de l'année 1864, il ne persiste plus d'obstacle à l'installation de la statue sur une fontaine de la ville. Le choix de la fontaine de la place Nationale qui avait été prévu est confirmé et Max Buchon peut écrire dans Le Salinois du 18 décembre 1864 : « En autorisant la souscription salinoise pour l'érection de la statue du « Vigneron », monsieur le Maire, Vicomte de Reculot, me disait le 14 juillet dernier : "Nous referons bientôt à neuf la fontaine de la place Nationale, vis à vis de la grande porte de la Saline, en ramenant cette fontaine à l'alignement des maisons sur la grand’rue et nous combinerons cette reconstruction avec l'érection de la dite statue".
Dans sa dernière séance du mois de novembre, le conseil municipal, sollicité par moi de se prononcer de nouveau sur ce point, a provisoirement confirmé et adopté ce choix d’emplacement indiqué par monsieur le Maire en laissant à la charge de la souscription, qui est parfaitement à même d'y suffire, tous les frais de cette installation.
Tout est donc pour le mieux. L'expérience confirmera certainement cette combinaison qui de provisoire deviendra définitive ?
Ces sortes de monuments populaires ont leur place la plus naturelle, au point de la ville où circule le plus abondamment la foule. Au centre de la ville, la circulation des jours ordinaires doit se chiffrer par plusieurs milliers de passants et les jours de foire, cette circulation peut arriver facilement à douze mille, si ce n'est plus. »
Finalement, c'est environ trois cents souscripteurs qui répondirent à l'appel de Max Buchon et permirent par leurs dons l'érection de la statue. L'utilisation des fonds recueillis fut publiée le 7 mai 1865 :
Montant de la souscription 910
Frais d'impression Le Salinois 10
Frais de coulage (Degoumois Besançon) 588
Frais de coulage bas-relief 70
Frais de transport (Trouttet) 32
Frais de peinture 32
Frais d'installation (Ets Daclin) 138
Travaux d'aménagement de la place Nationale 40
La rencontre et l'amitié de Claudet et de Perraud
Le 2 septembre 1865, on inaugurait à Salins la statue du général Cler, érigée sur la place d'Armes de la ville (actuellement place des Alliés).
Né à Salins le 10 décembre 1814, Gustave Cler avait fait ses études au collège de Salins. Il entra à Saint-Cyr en 1832 pour en sortir en 1835. Il fit toute sa carrière en Algérie chez les Zouaves, nommé colonel en 1853, il se distingua en Crimée où il planta le drapeau du deuxième Zouave sur la tour du télégraphe à la bataille de l’Alma ; promu général, il commandait en 1859 une brigade de la garde à la bataille de Magenta quand il fut mortellement blessé par une balle autrichienne. Le général Cler était le beau-frère de Léopold Girod de Miserey, ancien maire de Salins en 1852. Sa bravoure l'avait rendu populaire à Salins, sa mort fit de lui dans sa ville natale un héros. Les salinois décidèrent pour lui rendre hommage de lui élever une statue ; comme c'était le cas bien souvent, les finances municipales ne permettaient pas d'accomplir une telle œuvre, ils eurent recours à une souscription.
Le sculpteur jurassien Jean-Joseph Perraud offrit gratuitement son concours pour la réalisation de cette statue. Perraud était natif de Monay, petit village du canton de Sellières. Il avait commencé sa carrière de sculpteur en passant cinq années d'apprentissage chez un sculpteur salinois « le père » Auvernois et il était resté toujours attaché à la ville de ses premiers débuts. Perraud était devenu un sculpteur « officiel ». Prix de Rome en 1847, médaille de première classe aux Salons des Artistes Français de 1855 et 1857, médaille d'honneur aux Expositions Universelles de 1863, 1867, 1869. En 1865, Perraud est en pleine possession de son art, il vient d'être élu membre de l'Institut à la place de Nanteuil. Invité à l'inauguration de sa statue à Salins, Max Claudet lui est présenté et Perraud visitant l'atelier de Claudet se déclare vivement intéressé par ce que fait son jeune compatriote. Perraud proposera à Claudet de se rendre quand il le voudra dans son atelier parisien, situé boulevard Montparnasse. Max Claudet se rendra presque chaque année au printemps, de 1866 à 1876 dans l'atelier de Perraud. Les deux hommes avaient des idées divergentes sur la sculpture. Perraud était un adepte du classicisme et Claudet s'était enflammé pour le réalisme. Cette conception différente de leur art ne les empêcha pas de s'apprécier mutuellement.
Les journées passées par Claudet dans l'atelier de Perraud s'écoulent rapidement: « Il voulait bien me donner des conseils en véritable ami et nous passions une partie de la journée à causer du pays et des anciens amis ».
Claudet fera la connaissance d'autres sculpteurs qui fréquentent l'atelier de Perraud et il se liera principalement avec Gustave Lefranc, Jean Cambos, Calixte Gérard, Pierre Granet et Reylard. Durant ses séjours à Paris, Claudet fera connaissance avec d'autres artistes et des hommes de lettres comme About, Champfleury et Castagnary.
Malgré la différence d'âge importante qui séparait Perraud de Claudet, une affection indéfectible va se créer insensiblement entre les deux hommes. Quand il est à Paris, Claudet habite rue Saint Benoît, il sera reçu régulièrement au domicile de J.J. Perraud et de son épouse Esther, rue Vavin. Peu à peu, Claudet prendra la place dans le foyer Perraud de l'enfant qu'ils n'avaient jamais pu avoir.
Quand Perraud et Claudet ne se voient pas, ils s'écrivent ; ils entretiennent une correspondance suivie et tout amicale.
Perraud informe Claudet des courants artistiques qui traversent la capitale ; il lui fait part de ses travaux, de ses doutes et de ses enthousiasmes. Il lui renouvelle également ses conseils et le met en garde contre les excès de l'école réaliste. « Que l'on soit descendu des hauteurs du Pinde où l'on s'obstinait quand même à rester, pour entrer un peu plus dans la vie réelle, on a très bien fait, mais comme toutes les oscillations humaines, une fois l’élan donné, on arrive à l'excès contraire. Chaque chose dans la nature a un rôle à remplir qui lui est plus ou moins circonscrit. Vous ne ferez pas que les diamants et les pierres précieuses ne deviennent jamais des boutons de culottes de ramoneurs... Il y a des arts qui sont essentiellement d'essence divine ; héroïques, leur but est d'élever. La sculpture tient surtout de l'architecture, parce qu'elles se prêtent un mutuel appui et qu'elles se complètent l'une par l'autre et parce qu'aussi la sculpture forme par elle-même, au besoin, un monument complet. La peinture, au contraire, peut rendre les impressions les plus diverses, elle peut faire une vieille femme décrépite, ramassant des brindilles encore plus misérables qu'elle, mais cette scène se passe dans la nature, dans une belle forêt, au lever ou au coucher du soleil, ou en plein midi, pendant un orage ; l'atmosphère ennoblit tout et complète la pensée. La sculpture est praticienne ; elle ne peut devenir démocratique que comme monuments nationaux et presque toujours sous forme allégorique. C'est une inscription cosmopolite qui a ses lois sa tradition, fondées sur le sens commun. Je sais bien qu'outre les lois du grand art, il y a la fantaisie, le caprice qui sont quelques fois curieux, amusants et même intéressants. Mais en sculpture, l'idée est tellement circonscrite qu'elle n'est pour ainsi dire rien par elle-même, c'est sa forme, sa façon qui la rendent quelque chose : sans forme, ce n'est rien...
... « Ce n'est qu'en vous attachant à être rigidement scrupuleux à être précis en tout que votre art vous amusera. Efforcez-vous de plaire aux difficiles, et vous découvrirez dans la nature des choses qui vous sont encore inconnues jusqu'à ce jour. Vous verrez quelle source de jouissance vous vous procurerez ; mais pour cela rappelez-vous qu'il faut se mettre à genoux devant la nature ; il faut aimer sa passion jusqu'à devenir mélancolique pour se plaire dans la solitude. Ce qui est nécessaire (à mon avis toujours) pour retirer un bon fruit, c'est de vous mettre aux prises avec un travail quelconque, mais très sérieusement, et de vous acharner à découvrir un but pour arriver à voir. C'est lorsqu'on tient le taureau par les cornes que l'on devine à qui on a affaire ; c'est à mesure que l'on a des œuvres sur le métier que l'esprit s'ingénie pour faire et chercher les comparaisons les plus élevées, pour se rapporter à ce qui nous occupe pour le moment. Cela reste une chose véritablement acquise ; après celle-là , une autre, et ainsi de suite. Voilà comment on augmente son capital ».
Dans les moments difficiles que traversa Perraud et principalement après la mort de son épouse survenue le 4 juin 1871, Claudet apporta beaucoup de réconfort à ce dernier. Perraud lui témoignera sa reconnaissance dans plusieurs lettres : « Merci de vos bontés, de la peine que vous prenez pour moi ; votre vieux Perraud vous embrasse affectueusement ». Novembre 1871
« Je suis bien sensible à tout ce que vous me dites d'affectueux et à vos bons souvenirs, que j'apprécie infiniment, parce que je vous aime bien et qu'il y a vraiment que ce qui nous vient de ceux que nous aimons qui nous touche sérieusement. Telle est la place que vous occupez dans mes pensées ; car hélas indépendamment de l'intérêt que vous nous inspiriez déjà , vous êtes lié à un si gros événement de ma vie, que vous vivrez au milieu de ce souvenir, tant que mon cœur n'aura cessé de battre, votre présence ici a été la lueur de mes derniers beaux jours. »
Perraud fera un buste en bronze de son ami Claudet qu'il adressera au Salon des Artistes Français de Paris de 1876, en même temps que le buste en marbre de Pasteur (conservé actuellement à la maison natale de Pasteur à Dole). Perraud a présenté une réplique, en plâtre, de ce buste de Claudet, avec sa statue en marbre Galathée à l'exposition des Beaux-Arts de Lons-le-Saunier en 1876. Ces deux œuvres ont été léguées au musée de Lons-le-Saunier.
Max Claudet exécuta à plusieurs reprises le buste de Perraud. Il avait fait un buste de petites dimensions d'après une photographie ; ce buste fut coulé en bronze et Max Claudet l'avait offert à Madame Esther Perraud « pour qu'elle le plaçât sur la cheminée de sa chambre à coucher. » Max Claudet réalisa en 1876 un buste de Perraud. Ce buste en marbre d'une hauteur de 50 cm fut exposé au Salon des Artistes Français en 1877. Il est actuellement conservé à la bibliothèque municipale de Besançon.
À la mort de Perraud survenue à Paris le 2 novembre 1876, les jurassiens voulurent perpétuer son souvenir. La municipalité de Lons-le-Saunier décida par un arrêté de son maire, Camille Prost, le 30 novembre 1876 de donner à la place d'Armes de la ville le nom du célèbre sculpteur : « Nous, Maire de Lons-le-Saunier, vu les lois des 16-24 août 1790, 18 juillet 1837, considérant que le Jura a toujours tenu à honorer la mémoire de ceux de ses enfants qui se sont distingués dans les armes, le sciences, les arts et les diverses branches de l'activité humaine et ont ajouté un nom de plus dans les annales de la nation française ; que la ville de Lons-le-Saunier, qui possède la plupart des œuvres de Perraud a surtout l'obligation de perpétuer la mémoire du grand sculpteur. Que donner le nom de cet artiste à une place publique, sera poursuivre la pensée qui a inspiré l'ouverture d'un musée de ses œuvres ; que la place d'armes, où est situé ce musée, ne rappelle aucun souvenir qui nécessite de lui conserver cette dénomination ; arrêtons : Art.1er : la place d'Armes prendra le nom de place Perraud. Art. 2 : le présent arrêté sera mis à exécution, dès qu'il aura reçu l'approbation de l'autorité supérieure.
En mairie, à Lons-le-Saunier, le 30 novembre 1876. Signé : Camille Prost»,
Max Claudet contribua à la réalisation des deux monuments jurassiens, l'un à Lons-le-Saunier, l'autre à Monay, commémorant le souvenir de Perraud. Quand il fut décidé de faire un monument dans le square devant le musée de Lons, Claudet et Achille Billot se chargèrent de ce travail. Ils soumirent le projet à l'architecte de l'Opéra de Paris, Charles Garnier, qui comptait parmi les amis de Perraud.
Les lettres et les conseils de Charles Garnier à Max Claudet ont été publiés dans Franche-Comté et Monts du Jura, année 1925, page 36. Le buste de bronze de Perraud placé sur le monument était la réplique du buste de marbre fait par Claudet en 1876. Il fut déposé en décembre 1941 (récupération des métaux non-ferreux et refonte pour la fabrication de nouvelles armes pour l'occupant allemand).
Le 10 mai 1884, on inaugurait solennellement à Monay, en présence des autorités civiles et militaires, le monument de Perraud. Le buste de bronze représentant Perraud a été la dernière œuvre du sculpteur, il l'avait faite en 1876, en collaboration avec ses élèves et avec Claudet. Quelques épreuves en plâtre de ce buste ont été moulées ; l'une d'elles a été déposée à la maison natale de Pasteur à Dole. Max Claudet voulut non seulement le souvenir de Perraud par l'art statuaire mais encore en écrivant la biographie et les souvenirs se rattachant à son « maître ».
Quelques jours après la mort de Perraud, Claudet fit paraître dans les éditions du 12 et 17 novembre 1876 de La Sentinelle du Jura, deux articles biographiques sur son ami. Il écrivit par la suite trois ouvrages sur Perraud. Le premier, Perraud, membre de l'Institut édité en 1876 chez Victor Damelet à Lons, est une biographie de 46 pages, composée à partir de lettres et de manuscrits rédigés par Perraud. Le second ouvrage consacré à Perraud Perraud statuaire et son œuvre, souvenirs intimes édité en 1877 chez Sandoz et Fischbacher à Paris est un ouvrage plus complet et plus original que le précédent. Il est parsemé de nombreuses anecdotes rendant sa lecture divertissante. Le dernier livre La jeunesse de J.J. Perraud, statuaire d'après ses manuscrits daté de 1886, chez Davis Mauvas à Salins est dédié à Louis Pasteur. Claudet reprend dans ce livre les passages les plus importants des textes qu'il avait fait paraître précédemment.
Les écrits de Claudet sur Perraud furent bien accueillis par les personnes qui avaient fréquenté le sculpteur. Citons une lettre de Champfleury à Claudet : « La fenêtre que vous avez ouverte sur la vie de Perraud, les luttes de l'homme avec la nécessité, ses lettres, me le montrent tout à coup sous le jour qui n'est pas celui de l'Institut ; l'homme est bien de vos montagnes et son récit de la conversation qu'il eut avec Courbet témoigne un esprit correct, mais à qui la vitalité ne fait pas peur. Votre brochure, cher Monsieur, nous apprend plus sur l'artiste que dix éloges académiques et elle m'intéressait tellement, que je tournais les feuilles à regret sachant que j'arriverais trop tôt à la fin. »
La succession de Perraud
Perraud avait deux sœurs, mesdames Lambert et Devigne. À sa mort, les héritières, personnes simples et âgées, redoutèrent de se rendre à Paris. Elles signèrent une procuration à Charles Langue (1830-1891) lui donnant plein pouvoir pour recueillir la succession de leur frère. Langue était le maire de Passenans, village voisin de Monay ; c'était un personnage peu scrupuleux, intrigant, partageant son temps entre son village et Paris où il s'était immiscé dans les milieux littéraires et artistiques. Il écrivait sous le pseudonyme de Dantès. Il fréquenta en tant que Jurassien l'atelier de Perraud et avait assisté à son agonie. Les héritières s'aperçurent bien vite qu'elles avaient été grugées par cet homme et lui retirèrent la procuration. Claudet explique dans la préface de son livre La jeunesse de J.J. Perraud comment il fut amené, à la demande des sœurs du sculpteur, à s'occuper de la succession de son maître et du rôle qu'il joua pour que les deux sœurs reprennent possession de leur bien. Après sept années de procédure judiciaire, grâce à l'action conjuguée de l'avoué Charles Gauthier, de l'avocat Marc Humbert et des témoignages de Pasteur et de Claudet, la justice condamna le 30 juin 1883 Charles Langue. Il dut restituer aux héritières la somme de 113 000 francs, diverses pièces de mobilier et objets, dont la montre que Pasteur avait fait graver et offrir à Perraud. Cette montre fut donnée à Max Claudet par Madame Lambert pour le remercier de s'être occupé de ce difficile héritage (« La succession de Perraud » fut l'objet d'un article de Pierre Revigny, paru le 5 avril 1936 dans le numéro 85 du Pays Comtois, pages 309 à 312).
La guerre de 1870 et les élections municipales
Après la défaite de Sedan, les armées prussiennes envahirent les provinces de l'Est pendant l'hiver 1870. L'éphémère victoire du général Bourbaki de Villersexel fut suivie par sa défaite à la bataille Lisaine à Héricourt le 17 janvier 1871. L'armée de l'Est fit alors retraite vers Lyon et la Suisse en traversant la Franche-Comté et en entrainant derrière elle l'armée prussienne du général Manteuffel.
Le 21 janvier 1871 les troupes prussiennes occupèrent Dole puis Mouchard et se dirigerent vers Salins. La ville était défendue par 700 hommes environ : 300 gardes nationaux et 400 hommes de troupes provenant de mobilisés de Saint-Claude, d'une compagnie de mobiles du Jura et 84e régiment de marche. Elle ne capitula que dans l'après-midi du 26 janvier, après deux jours de combat contre un ennemi bien supérieur en nombre.
Les forts de Saint-André et de Belin qui dominent Salins résistèrent aux sommations adressées par les officiers prussiens.
Le fort Saint-André était défendu par le commandant Fouleux, le fort Belin par le capitaine Brichard. Ils disposaient d'une centaine d'artilleurs, d'une compagnie de Zouaves ainsi que de deux cents hommes issus d'éléments divers de l'armée Bourbaki. L'armement des forts se composait de quatre pièces rayées de 12, de 17 canons de 12 et de 16 de 7 mortiers soit au total de 28 pièces d'artillerie. La situation géographique des forts donnait à ses défenseurs un certain avantage stratégique. Pour ne pas subir de pertes et de retard inutiles le commandant prussien renonça à la conquête de Saint-André et de Belin. Les armées prussiennes se dirigèrent vers la Suisse par Arbois et Champagnole en évitant alors Salins et la menace de ses forts.
Si la défense de Salins ne fut marquée ni par de sanglants combats, ni par des faits d'armes héroïques, elle contribua cependant à ralentir les troupes ennemies et à donner la possibilité à une partie de l'armée de l'Est de passer en Suisse.
Max Claudet engagé volontaire en octobre 1870, participa à la défense de Salins comme artilleur au fort Belin avec le grade de maréchal des logis. Sa conduite honorable et son patriotisme lui valurent de recevoir en mai 1871, la médaille militaire.
En avril 1871, un mois avant les élections municipales, les Salinois achetaient à la librairie Billet Salins et ses forts, souvenirs et épisodes de la guerre 1870-1871 par Max Claudet. Cet ouvrage marque le premier engagement officiel de son auteur dans la vie politique de Salins. En une trentaine de pages, Max Claudet relate les journées du 24 au 28 janvier 1871 à Salins ; il se livre également dans ce livre à une sévère analyse du rôle joué par « la municipalité provisoire » durant ces évènements.
Avant les combats, les dissensions au sein de la municipalité avaient conduit monsieur de Laclos, commandant de la Garde Nationale, à céder son poste au capitaine de réserve Charrière et à servir comme simple soldat. Durant les journées du 25 au 28 janvier 1871, la municipalité voulut s'immiscer dans la direction de la défense de la ville. Après avoir capitulé devant les armées prussiennes, elle demanda et fit même signer une pétition aux Salinois pour obtenir la reddition des forts afin d'éviter d'éventuelles représailles ennemies. L'attitude ambiguë de certains élus municipaux durant cette période offrait pendant la campagne électorale un sujet idéal de polémique. Dans un opuscule d'une quinzaine de pages (« Le libelle de monsieur Claudet ») qu'il avait signé de ses initiales et fait distribuer quelques jours avant le scrutin, Hermannn Ligier tenta de justifier la conduite de ses amis, Babey (pharmacien et ancien maire de la ville), Laroue et Bérard (les adjoints municipaux). Le courant d'insatisfaction était trop fort et les conseillers municipaux sortants furent battus.
La liste d'opposition conduite par Alfred Bouvet, maire de Salins de 1868 à septembre 1870, remporta la majorité des suffrages. Max Claudet avait soutenu cette liste. La campagne électorale avait été âpre, les passions et les rancœurs politiques mirent du temps à s'apaiser. Max Claudet répondit aux reproches d’Hermann Ligier par une brochure datée du 9 mai 1871, Les dégommés. Le titre évoquait bien sûr l'échec politique de ses adversaires, le contenu résume les griefs qu'il avait déjà formulé contre l'ancienne municipalité dans Salins et ses forts.
Quinze jours plus tard, Hermann Ligier publiait Les décorés (allusion à la médaille militaire reçue par Claudet), pamphlet de trente pages dirigé contre Claudet, Brichard et leurs amis. La ville de Salins conserve comme souvenir des douloureux évènements de l'hiver 1870-1871 plusieurs œuvres de Max Claudet :
— le monument aux morts de la guerre de 1870, orné d'un bas-relief en bronze, élevé au cimetière de la ville.
— le monument commémoratif de la défense de Salins, situé chemin des Côteaux, au pied de la tour d’Andelot ; il fut érigé en octobre 1872 grâce à une souscription publique dont le montant s'éleva à 1377 francs.
— un médaillon en bronze représentant les portraits des commandants des deux forts, conservés au musée de Salins.
Claudet polémiste et caricaturiste
La défaite de 1870, la Commune, les élections de Thiers, de Mac-Mahon, du jurassien Jules Grévy, les élections municipales et législatives furent à l'origine de nombreuses controverses à Salins. Les querelles idéologiques entre républicains conservateurs et radicaux, entre bonapartistes et légitimistes, devinrent rapidement des querelles de personnes.
À partir de 1870, Max Claudet usa et abusa sans doute de sa verve et de son esprit de polémiste jusque-là tempérés par l'expérience de Max Buchon qui avait connu bien des déceptions en se mêlant à la vie politique. Certaines querelles qui opposèrent Claudet et son parti au maire Alfred Bouvet, au poète Etienne Petit et à Victor Billet rédacteur et imprimeur du Salinois, marquèrent pendant de nombreuses années la ville de Salins.
Max Claudet avait soutenu la candidature d’Alfred Bouvet aux élections municipales de 1871 : « Puisqu'on ne trouve plus de salinois de Salins pour en faire un maire, étranger pour étranger, j'aime autant celui-là qu'un autre... ».
Alfred Bouvet (1820-1900) était le notable le plus en vue à Salins. Il avait établi sa fortune grâce aux transports et aux messageries ; il fut à un moment à la tête de 32 services de diligences dans le Jura et dans les départements voisins. Voyant tout ce que les richesses forestières du pays offraient comme ressources, il fonda à Salins, en 1857, son premier établissement pour le commerce des bois ; puis il s'occupa de leur transformation en poteaux télégraphiques, en traverses de chemin de fer, bois de construction et de leur vente. Il contribua à la relative prospérité de la ville au xixe siècle.
Après quelques désaccords, Claudet avait refusé de se porter sur la liste d’Alfred Bouvet, maire sortant, aux élections municipales de Salins en 1874. La discorde devint totale entre les deux hommes lors des élections législatives du 26 février 1876.
Claudet reprochait à Bouvet d'avoir été assez prétentieux pour se mettre en parallèle et oser lutter contre le Polinois Wladimir Gagneur, député radical du Jura depuis 1869, disciple de Fourier, banni en Belgique pour avoir pris une part prépondérante à l'organisation de la résistance au coup d'état dans le Jura en 1851.
Alfred Bouvet avait quelques intérêts dans le journal Le Salinois, il était le gendre d'Étienne Billet, fondateur du journal et le beau-frère du directeur, Victor Billet ; il intervint pour que les colonnes du journal soient interdites à Claudet. Claudet dut, pour se défendre et répondre à ses détracteurs, faire appel au concours d'autres revues.
La notice biographique de Perraud, rédigée par Claudet à la mort du sculpteur dans La Sentinelle du Jura du 12 et 17 septembre 1876 révéla d'autres dissensions entre Claudet et Bouvet. Claudet accusait Bouvet d'avoir « par une inqualifiable négligence » privé le musée de Salins de plusieurs statues et du buste de Charles Magnin offerts gracieusement par Perraud. Ce différend fut soumis à diverses reprises au conseil municipal de Salins, le pharmacien Arthur Ligier se faisant l'avocat de Claudet devant cette assemblée. Les deux protagonistes, comme il était d'usage à l'époque, publièrent à tour de rôle leurs arguments en janvier et février 1877.
Claudet jugeait la grotesque brochure justificative de Bouvet, lourde et pâteuse et constatait que le maire de Salins savait mieux scier un plot que manier la plume, il regrettait ses voyages et son absence de la ville lors des émeutes survenues à Salins, aux anniversaires de la chute de l'Empire les 4 septembre 1873 et 1875, et lui conseillait de faire de la tapisserie, loisir moins trompeur et moins perfide que les honneurs municipaux.
Durant les années 1880, les adversaires de Claudet incitèrent le poète salinois Étienne Petit à critiquer systématiquement Claudet. Petit était l'auteur de diverses poésies. Il avait publié en 1877 Les Échos du cœur. Les quelques éloges qui lui valurent ce recueil et l'obtention d'une médaille de bronze à un concours académique de province, suffirent à le griser. Il prit un pseudonyme, Jean Mocris et publia L'Éloge de la vie champêtre, La Journée d'un vigneron, Le Chant des vignerons d’Arbois et de Salins, etc.
Petit était surtout un personnage original, distrait, rêveur et alcoolique dans ses dernières années. Il servit de modèle à Louis Pergaud dans son livre Les Rustiques où il apparaît sous le nom du poète Étienne Lacourt.
Max Claudet répondit au vaniteux rimailleur salinois, au ridicule auteur des Échos du Cœur, atteint depuis son enfance de diarrhées poétiques dans La Sentinelle du Jura du 18 juillet 1880. Claudet terminait son article en parodiant l'épigramme de Piron contre Poinsinet : « Pégase constipé s'efforçait un matin, Jean Étienne Mocris fut son premier crottin ! ».
Les critiques contre Claudet ne cessèrent pas pour autant et certaines attaques plus véhémentes faisant allusions à sa vie privée l'irritèrent au plus au point. Parodiant La Bruyère, Claudet dressa dans Le Moniteur de Lyon le portrait d'«un poète de petite ville ». Dans cet article paru en 1881, Claudet décrit ainsi Petit : « Sa tête a la forme d'un œuf. Le petit côté tout en haut ; ses yeux sont énormes, effarés et d'un bleu mourant. Il est myope et porte de grandes lunettes, son nez relève légèrement ; il a une moustache énorme, d'un blond mélangé de tabac, car il prise pour se conserver la vue, sa lèvre inférieure, très grosse et pendante, laisse passer quelques poils de barbe ; le menton est fuyant, se rattachant au cou par des fanons comme chez les bœufs ; quelques rares cheveux d'un jaune sale végètent sur sa nuque et tombent en boucle sur son habit graisseux ; un jour de froid il se les coupa, il eut peur d’un rhume et il se frotta la nuque avec du beurre ; depuis il sent le rance...
Son habitation est un bouge des plus pittoresques ; une chambre au plafond très bas, aux murs sales et noirs, une grande cheminée où l'on ne fait jamais de feu : sous l'âtre du bois, du sucre dans du papier bleu, de la chandelle, un vieux pantalon crotté...
Il vit seul dans ce bouge, fait sa cuisine qui consiste en bœuf le matin et bœuf le soir, agrémenté de gras-double les jours de fête. Jamais de légumes, toujours de la viande, aussi cela contribue à donner à sa peau aspect graisseux...
Un jour, las d’être si mal chez lui, il se mit en pension. Quinze jours après, je le rencontrai et lui dis : "Comment vous trouvez-vous de votre nouvelle vie ? Ne m'en parlez pas, Monsieur, j'ai quitté, je mangeais avec des professeurs qui se moquaient de moi : imaginez-vous qu'ils trouvaient mauvais que je garde mon chapeau à table et que je délace mes souliers qui me font mal quand je suis assis. Ah ! Monsieur, les professeurs, vous ne savez pas ce que c'est. Si j'avais des enfants, je les mettrais aux jésuites !" ».
Claudet ne se contenta pas d'utiliser que sa plume pour répondre par des pamphlets et des écrits satiriques aux invectives dont il faisait l'objet ; il se servit aussi de son ciseau pour façonner des statuettes caricaturales de ses détracteurs. Telle cette terre cuite d'un notable salinois chevauchant une locomotive, ou les deux statuettes de Petit qui amusèrent Salins en 1880.
L'une représente le poète avec ses énormes lunettes, coiffé de son habituel chapeau de paille, assis sur un vase de nuit portant l'inscription : Les Échos de C..., poésies. L'autre, où Petit dans la même attitude lit une ode à l'impératrice ; allusion au poème La visite de l'impératrice Eugénie aux cholériques d'Amiens que Petit avait composé et adressé quelques années auparavant à l'impératrice.
Le tribunal d’Arbois est la céramique la plus connue et certainement la plus recherchée par les collectionneurs. Ce succès provient plus du caractère satirique du sujet, se moquant de la justice, que du caractère artistique. Le tribunal d’Arbois existe soit en plat rond de 36 cm de diamètre, soit en plaque de 34 cm de côté. Outre les nuances de couleurs dues à la cuisson, on retrouve des céramiques avec différents coloris. Ainsi, la veste du prévenu peut-être de couleur bleue, verte ou sépia ; le pantalon, bleu, noir ou bordeaux. Les céramiques sont signées Max Claudet, Max ou non signées. Elles sont datées 81 ou non datées.
Le tribunal d'Arbois est reproduit dans la revue Le Pays Comtois numéro 72 du 20/09/1935 et illustre l'article du Salinois Léon Germain consacré au poète Petit. Léon Germain donne l'interprétation suivante : dans une faïence artistique, Le tribunal d'Arbois fait figurer, aux pieds de l'avocat sénateur Oudet, le poète, voleur de deux bouteilles de vin.
En 1939, André Pidoux de la Maduère publie Le vieil Arbois. Il donne à la page 188 de son livre des explications et des détails sur ce sujet. Après la redécouverte du Tribunal d'Arbois, D. Greusard écrit un article dans le journal Le Progrès : Arbois tribunal : les terres cuites du scandale - 110 ans après, un point d'histoire locale est éclairci.
L'auteur reprend l'article de Pidoux de la Maduère et apporte de nouvelles précisions. « Sous le second Empire, après les incidents de 1851, les républicains salinois avaient gardé une dent contre le tribunal d’Arbois. Aussi, fit-on une grande fête à la sculpture en ronde bosse, que fit sortir un beau jour l'artiste salinois Max Claudet, sous un émail qui rappelle déjà les grés flammés. Derrière le bureau, le président Maire dominé à sa droite par la haute taille du juge Coulon, à sa gauche par le juge Gresset sont accostés d'un bout par le parquet M. Sermage à la moustache épaisse, M. Baron au profil d'oiseau et de l'autre bout par le pacifique greffier Griffond qui dort couché sur la table.
J'ai entendu dire que le substitut s'était montré fort choqué, qu'il y avait eu intervention policière chez l'artiste. En tout cas, le groupe reste une pièce très rare et Max Claudet le répéta en bas-relief, de ressemblance moins saisissante sans le substitut, mais avec un prévenu, Jamboz, que défend en gesticulant Maître Guyetand ».
Après notre découverte de deux plats ronds de Max Claudet, représentant deux versions différentes du tribunal d'Arbois, nous avons demandé à monsieur Feger, un vieil Arboisien, de nous apporter quelques éclaircissements sur le sujet. Il nous a montré la photo d'un groupe de figurines réalisées par Max Claudet vers 1867-1868. Les noms des personnages sont précisés au dos de la photo de la main même du commandant Grand, historien local. Les personnages sont presque identiques à ceux représentés sur le plat rond signé "Max 81", avec de gauche à droite : le procureur Sermage, le juge Coulon, le président Maire, le juge Chauvin, le greffier Griffond. Le prévenu accompagné de quelques bouteilles se nomme Papillard...
Quant au second plat, qui nous renseigne sur l'outrage, il est signé Max Claudet, n'est pas daté et représente un tribunal composé d'animaux ; les magistrats sont des singes ! L'un suce son pouce, un autre dort appuyé contre son voisin, un autre épuce son pelage tandis que celui qui parle en vain à cet auditoire pour le moins distrait et qui semble être l'avocat, montre le prévenu : un lapin à la tête enrubanné d'un large pansement accompagné de son petit et d'un chou ! Il ne fait pas de doute que ce plat fut l'un des premiers réalisés par l'artiste salinois et celui qui provoqua le courroux du procureur...
M. Feger nous fait remarquer dans la partie supérieure (des plats) la présence du bas d'un cadre. Il s'agit du bas d'un tableau représentant le Christ et qui au tribunal d'Arbois était suspendu derrière les magistrats. Jusqu'en 1905, date de la séparation de l'église et de l'état, les témoins devaient prêter serment devant le Christ.
Le 14 mai 2006, Maître Sadde mettait en vente aux enchères publiques de l'hôtel des ventes de Dijon une sculpture en ronde bosse en grés émaillé, accidentée et recollée de 28 cm de large et de 18 cm de haut en tout point semblable à celle décrite précédemment par Pidoux de la Maduère : à la table de face le président et les deux juges, sur le côté gauche de la table deux membres du parquet, sur le côté droit, le greffier.
Max Claudet a également caricaturé ses dénigreurs en les prenant comme modèles pour orner certaines de ses faïences. Bien sûr, celles-ci n'étaient pas vendues, Claudet les montrait ou les donnait à ses amis et ils riaient ensembles aux dépens de leurs adversaires communs.
Ceux-ci sont représentés en groupe, formant un Jeu de massacre ou À tous les coups on gagne un des lots figurant sur le marli du plat : un exemplaire des Échos du Cœur du poète Petit, un abonnement au Salinois du rédacteur Billet, quelques pièces de monnaie d'Alfred Bouvet, une fiole d'eau de Lourdes du pharmacien Babey...
D'autres faïences sont plus explicites dans le motif de leurs décorations. Elles font référence à des événements de la vie salinoise. Le pharmacien Babey, ancien maire de la ville, se tient « En face » de l'ennemi prussien armé d'une seringue à clystère montée sur un affût. Alfred Bouvet quitte Salins précipitamment par La Route de Suisse tandis qu'une grenade éclate derrière sa voiture marquée de ses initiales et tirée par deux ânes.
Alfred Bouvet possédait une résidence secondaire à Frontenay (39) et il avait financé en partie la construction d'une grotte sur le modèle de celle de Lourdes. Le curé Ammann, prêtre de la paroisse organisait un pèlerinage chaque année, le premier mardi de septembre. Claudet, a représenté sur une de ses faïences Alfred Bouvet à genou devant la vierge de Frontenay, un cierge à la main et priant pour sa prochaine réélection. Le poète Petit est jugé par Le Tribunal d'Arbois, l'avocat sénateur Oudet assure sa défense et plaide devant quatre magistrats pendant que Petit assis, le chapeau de paille à la main se repend d'avoir dérobé les deux bouteilles de vin qui sont exposées à ses côtés.
Max Claudet a su caricaturer ses décrieurs mais aussi ses amis ; l'originale en terre cuite Une partie de Jacquet où sont représentés ses amis du Cercle Salinois en est un singulier exemple.
L'attachement de l'artiste à la Franche-Comté
Claudet aimait à répéter « Je crois que je suis le seul sculpteur vivant au fond de la Province ». Contrairement aux autres artistes de son époque attirés par la capitale, Claudet comme Buchon préféra la vie simple de la campagne à l'agitation citadine.
L'étude de la vie de Claudet et de son œuvre artistique montre combien il était attaché à Salins et combien il adorait sa région. Il la représenta par de nombreuses céramiques : vues de Salins, de Dole, de Besançon, etc. Aquarelles et paysages de la Franche-Comté exposés aux Salons des Artistes Français de 1884, 1885. Dans l'art statuaire et céramique, Claudet a mis en valeur les traditions et les coutumes de sa province : Le Jour de la fête de Saint Jean Baptiste, La Saint Nicolas, Les Sabots de Noël, La Fête des Rois, Un Roi-Mage... ; ses habitudes culinaires : La Soupe au fromage, Les Gaudes... et quelques fois ses légendes : La Vouivre.
Claudet fit en buste ou en médaillon les portraits d'illustres Francs-Comtois : Pasteur, Rouget de Lisle, Courbet, Perraud, Marcou... et de Jurassiens moins célèbres mais qui brillèrent cependant chacun dans leur domaine ; des artistes : Pointelin, Vernier, Billot... ; des hommes de lettres : Buchon, Thuriet, Bonvalot, Magnin, Cabaud...
Les libéralités que Max Claudet fit à différentes villes du Jura témoignent de son attachement à son département. Il offrit plusieurs de ses œuvres aux musées de Lons-le-Saunier, de Dole, de Salins, de Poligny. Il donna durant l'année 1873, 98 volumes à la bibliothèque de Salins dont certains livres rares de Dunod et de Maupertuis.
Durand la seconde moitié du xixe siècle, les municipalités développèrent leurs réseaux d'adduction d'eau dans leurs communes. Elles en profiterent pour installer des fontaines sur les places publiques. Ces fontaines furent ornées de statue animalières (lions, dauphins...), de reproductions de statues antiques (Diane chasseresse, Vénus...) ou néo-classiques (baigneuses...). On agrémenta de même les avenues, les squares et les jardins publics de statues représentant les bustes d'illustres personnages des communes. Ces travaux d'embellissement créèrent un débouché pour les artistes locaux qui purent ainsi exprimer et faire connaître leur talent.
Le 24 novembre 1867, Le Salinois reprend dans ses colonnes un article qui était paru quelques jours auparavant dans le journal arboisien L’Abeille Jurassienne : Monsieur Max Claudet, bien connu des lecteurs de L'Abeille offre gratuitement son concours artistique pour l'exécution d'un médaillon du capitaine Morel, à placer dans une excavation réservée à cet effet dans la fontaine qui porte son nom. Espérons que l'administration municipale s'empressera d'accepter cette offre si gracieuse et que la dépense à faire (celle de la matière première) sera un obstacle facile à lever.
Finalement Max Claudet fera exécuter le médaillon en bronze par un de ses élèves, Jules Viennet qui était natif d’Arbois (il exposa au Salon de 1873 à 1880).
Le capitaine Joseph Morel était un arboisien qui, le 4 août 1595, dirigea héroïquement la défense de sa ville contre les troupes d'Henri IV commandées par Biron. Après la capitulation de la ville et malgré les promesses données de respect des biens et des hommes, Morel fut pendu le 27 août 1595. Le tilleul qui servit de potence fut coupé en 1837 et une fontaine fut installée à sa place.
François-Félix Chevalier
En 1872, la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts de Poligny ouvrit une souscription pour élever un buste à François-Félix Chevalier historien de Poligny (1705-1808) auteur de Mémoires historiques sur la ville et la seigneurie de Poligny édité en 1767 et 1769. L'instigateur de cette entreprise était Henri Clerc, ami de Wladimir Gagneur et qui fut maire de Poligny pendant dix ans mais à trois reprises entre 1882 et 1899. Max Claudet se chargea de la réalisation du buste de Chevalier. La souscription fut publiée dans le bulletin édité par la Société (année 1872, pages 136-137) :
Il y a quelques temps, un de nos confrères nous rappelait ce qu'avait été Chevalier, l'historien de Poligny, mort au commencement de ce siècle et déjà presque oublié de notre génération. Chevalier a consacré aux annales de Poligny un livre de bénédictin, qui en a fixé définitivement l'histoire, et par lequel il s'est placé au premier rang des historiens de la province. En outre de son livre, il nous a laissé des mémoires manuscrits qui révèlent, à chaque page, l'esprit le plus ferme et l'âme la plus profondément dévouée au pays.
Depuis soixante-dix ans nous avons été trop préoccupés du fracas de notre gloire pour avoir pensé à rendre justice à une modeste mais aussi méritante illustration que celle de Chevalier. Poligny s'était sans doute réservé de faire davantage dans l'avenir, à titre d'acompte : on a fait de Chevalier le parrain d'une rue, et quelle rue !
Notre société a considéré comme une bonne fortune pour elle de pouvoir accorder à la mémoire de notre historien la réparation qui lui est due ; elle a entrepris, en conséquence, de placer son buste sur l'une des places de notre ville. Nous nous sommes mis à l'œuvre l'année dernière, et, on le reconnaîtra, c'était dans des conditions bien difficiles. Mais la foi qui transporte les montagnes ne doit pas s'embarrasser d'élever un buste, et nous avions la foi.
Nous nous sommes adressés d'abord à Max Claudet, le sculpteur salinois, qui, avec l'empressement généreux qu'il apporte à toutes les œuvres qui intéressent le pays, nous promis, à titre de souscription, le concours de son beau talent. Le buste est achevé : c'est une œuvre remarquable et qui, exposée aujourd'hui dans les ateliers du célèbre galvanoplaste Oudry, a obtenu le suffrage des maîtres.
Dans l'état où le Prussien a laissé la caisse de la ville, nous ne pouvions guère espérer une subvention de la municipalité ; elle a voulu toutefois concourir à notre œuvre en nous offrant avec empressement, pour servir de piédestal à notre buste, la petite fontaine de pierre qui se trouve à l'angle de la Place Nationale.
Restait le quart d'heure de Rabelais, c'est-à -dire le règlement avec le fondeur Monsieur Oudry, un comtois de la bonne souche et qui, à ce titre, nous a fait, sur le prix, une réduction que nous n'aurions pas osé espérer. Mais il s'agissait encore de quelque chose comme de cinquante à soixante Louis : nous avons résolument tendu notre sébile aux familles historiques de Poligny qui, en raison de ce qu'elles doivent à Chevalier, ne nous ont pas marchandé leur concours.
Le ministre des Beaux-Arts, grâce à l’infatigable intervention de notre jeune député Monsieur Lamy, nous a accordé une subvention de 400 francs. Nous sommes en instance auprès de l'académie de Besançon, du Conseil Général et de la Société d'Émulation du Jura ; nous espérons, de ces différents côtés, un appoint sérieux.
Mais notre préoccupation est de donner à notre œuvre le caractère national qui eut semblé à Chevalier la plus glorieuse récompense de ses travaux. Dans ce but nous voudrions parfaire la somme qui nous est nécessaire à l'aide du plus grand nombre de souscriptions, si minimes qu'elles fussent.
Nous faisons appel en conséquence à tous ceux qui ont à cour les idées d'honneur chrétien, de désintéressement et d'amour du pays que personnifie la mémoire de Chevalier.
La souscription ouverte à l'initiative de la Société d’Agriculture, des Sciences et des Arts de Poligny reçu l'audience attendue et fut recouvrée en quelques semaines. Coulé dans les ateliers du fondeur franc-comtois Oudry, le buste de bronze de Chevalier d'une hauteur de 70 cm fut placé sur une stèle blasonnée de 1m40 portant l'inscription : « Patriam pauperes que dilexit ». Le monument fut inauguré le 20 juillet 1873.
Quelques Polinois prétendirent que Max Claudet n'ayant pu se procurer un portrait de Chevalier, pris comme modèle un de ses compatriotes : le ferblantier Maillard de Salins.
Le buste de Chevalier fut enlevé le 9 mars 1942 par l'établissement Foulupt de Bourg-en-Bresse à la demande de l'occupant pour être fondu. Il ne reste à la promenade Croichet de Poligny qu’une partie du socle sur lequel il reposait.
L'abbé d'Olivet
En 1878, la municipalité de Salins décida d'honorer la mémoire de l'abbé d'Olivet en lui élevant une statue sur la fontaine de la rue où naquit le célèbre académicien. Max Claudet réalisa bénévolement le buste de l'académicien que lui commanda la municipalité. Il s'inspira d'un portrait de l'abbé d’Olivet conservé à l'Hôtel de ville de Salins.
Il fit une ébauche en plâtre, qui fut déposée à la bibliothèque de Salins et qu'il présenta aux édiles de la ville. Le projet accepté, il sculpta dans la pierre le buste définitif ; celui-ci fut installé en 1878 sur la fontaine mais il ne fut pas inauguré solennellement. Le buste de pierre ne diffère que par quelques détails de l'ébauche.
Il y a quelques années, le quartier de la Visitation de Salins fut rénové. La fontaine d'Olivet délabrée fut supprimée. Le buste d’Olivet repose maintenant sur une stèle dans un square aménagé sur l'emplacement de l'ancienne fontaine.
Pour rappeler aux Salinois la vie de l'abbé d’Olivet, Max Claudet lui consacra en 1878 une biographie de 14 pages : Souvenirs sur l'abbé d’Olivet. Cet opuscule retrace les événements les plus importants qui ont marqué la vie de l'académicien.
Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet est né à Salins le 1er avril 1682, il était le fils de Nicolas d’Olivet, conseiller au parlement de Dole et d'Henriette Thoulier. Il fit ses études chez les jésuites à Salins, en 1700 il entra dans l'ordre des Jésuites et se voua à la prédication de Reims, à Dijon où il connut le savant Bouhier, puis à Paris où il fut professeur au collège Louis le Grand. En 1710, il publia une traduction des « Philippiques » de Démosthène et des « Catilinaires » de Cicéron. En 1721, parut sa traduction des Entretiens sur la nature des dieux de Cicéron.
En 1723, il fut admis à l'Académie française sans qu'il eût sollicité d'en faire partie, en remplacement de Chapelle.
Chargé de préparer le code grammatical, Olivet publia des Essais de grammaire et une Prosodie française qui lui valurent de chaleureux éloges de Voltaire et de Rousseau : l'abbé d'Olivet ne fut pas seulement un grammairien, il fut un homme de lettres, il écrivit de nombreux ouvrages, Remarques sur le théâtre de Racine, Pensées sur Cicéron, etc.
L'abbé d'Olivet prit une part prépondérante à la rédaction de la quatrième édition du dictionnaire de l'Académie française et il se chargea d’écrire à la suite de Pellisson une Histoire de l'Académie. L'abbé d'Olivet qui avait dirigé les études de Voltaire, le reçut le 9 mai 1746 à l'Académie. Il mourut le 8 octobre 1768.
Max Claudet termine sa biographie d'Olivet par une analyse d'une idylle que composa l'académicien sur l'Origine de Salins.
L'attachement de Max Claudet pour sa région se voit dans ses œuvres mais aussi dans ses actes.
Engagé volontaire en automne 1870, il participa à la défense de Salins. La guerre terminée, Claudet avec quelques membres du Cercle Salinois, le maire Alfred Bouvet, le docteur Toubin, le pharmacien Arthur Ligier, demandèrent en janvier 1872 à M. Billet d'ouvrir dans son journal une « Souscription d'un sou par jour » ; chaque souscripteur s'engageant à verser quotidiennement cette somme afin d'anticiper le règlement de l'indemnité de guerre imposée par l'Allemagne. Une initiative semblable avait été prise par les « Femmes de France » invitant les lecteurs du journal Le Moniteur à répondre à une « souscription patriotique pour libérer les départements occupés ».
Pour rendre hommage aux combattants qui prirent part en janvier 1871 à la défense de Salins, Max Claudet coopéra bénévolement à l'exécution du monument aux morts de la guerre 1870-1871, et au monument coopératif de la défense de Salins.
En automne 1865, sous l'impulsion du milieu intellectuel et avec l'appui de la municipalité, se créé à Salins une classe pour adultes. Le comité de patronage de cette classe demanda à Max Claudet d'assurer l'initiation artistique des élèves et d'enseigner la peinture et la sculpture. Claudet accepta, rempli bénévolement cette mission qui lui avait été confiée. Il fit partie en novembre 1865 du comité de patronage. Ses conférences artistiques lui valurent une suite d'article élogieux parus dans Le Salinois de décembre 1865 à mars 1866 et signés par Max Buchon. Notre brave sculpteur vient de payer bravement de sa personne en faveur des cours populaires du collège.
La première fois, bien qu'il n'eut jamais parlé en public, il a exposé, la craie à la main et avec une prestesse de parole fort inattendue, les vrais principes du dessin en honneur, chez tous les grands maîtres et dans les écoles qui ont su se débarrasser des entraves de la routine, pour marcher par le plus court chemin, aux résultats sérieux et positifs...
Quand on soutient, comme Max Claudet, son dire par des œuvres, on peut hardiment aller de l'avant, sans s'inquiéter de la contradiction.
Avec un courage héroïque dans son genre, il a improvisé sur un buste grandeur naturelle, en une heure, devant plus de deux cents spectateurs... Voir modeler, voir faire de la sculpture, n'est pas un plaisir de tous les jours, aussi quand l'artiste a donné son dernier coup de pouce à son ébauche frappante de ressemblance, les applaudissements et les bravos de l'assistance lui ont fait comprendre qu'il n'avait pas travaillé pour les ingrats.
Max Claudet a pour lui l'ardeur et la rapidité du travail. À force de produire, son talent s'affermit, se condense, se précise. Tous ceux qui le voient à l'œuvre sentent si bien en lui une puissance en voie de développement, que lors de son séjour ici, un homme d'un tempérament fort différent du sien, le sculpteur Perraud s'ébahissait lui-même de trouver tant de choses de son goût dans ces produits spontanés de notre sol salinois. (Le Salinois du 10 décembre 1865)
Max Claudet a réuni une partie des conférences qu'il donna dans un recueil Du modelage et du moulage sans maître publié à Salins en 1867. Dans une lettre datée du 11 janvier 1867, Victor Duruy, ministre sous le second Empire lui adressa ses remerciements et ses félicitations pour le travail qu'il avait accompli pour les classes d'adultes de Salins. En 1878, Max Claudet publia chez Duvernois à Salins une monographie, Salins et ses environs destinée aux touristes et aux curistes fréquentant la ville. La première partie est une description complète de Salins de l'époque se terminant par des notes géologiques dues à Marcou. L'historique de Salins forme la seconde partie, enfin la dernière partie donne une description détaillée des diverses courses : à pied, en voiture et en chemin de fer qui s'offrent aux touristes. Cette monographie a connu beaucoup de succès et elle fut rééditée en 1884 par Léon Bouvier.
La vie à la loge Claudet
Max Claudet passa l'essentiel de sa vie à Salins, dans la propriété familiale du faubourg Champtave, située à la sortie de la ville. Sur la gauche de la route de Champagnole, un sentier bordé de cytises, d'aubépines et de lilas permettait d'accéder à la demeure de l'artiste, La loge Claudet. Il s'agissait d'une villa tout à fait champêtre. Sur les murs de la maison à un étage, s'agrippait une vigne vierge. Une pergola couverte de glycines prenait appui sur la façade principale orientée à l'ouest, face à la Furieuse. Au-dessus de la porte d'entrée, un bas-relief était fixé, il représentait une scène allégorique l'Hospitalité. À côté de la maison d'habitation, deux bâtiments, l'un servait d'atelier, l'autre de musée. Dans le parc et dans la cour plantés de sapins et d'arbres fruitiers, de nombreuses statues de bronze et de terre cuite se dressaient le long des allées et entre les massifs de fleurs. Poules, pigeons et pintades allaient et venaient, en toute liberté dans la propriété ; Claudet s'était entouré d’animaux, il avait aussi un terre-neuve, Pataud et même quelques singes macaques. C'est dans cet îlot de verdure que Claudet a vécu avec son père, un domestique et une servante chargée de faire la cuisine et d'accomplir les tâches ménagères. En 1879, Félix Claudet décédait à l'âge de 86 ans. La même année, Max Claudet épousait le 4 septembre Julie Besson (1847-1932), fille de Joseph Besson (1817-1888) et de Sophie Besson (1825-1885), tous deux d'origine salinoise. Julie, femme de distinction par sa personne, par son intelligence et par son cœur (Henri Chapois) fut l'épouse attentionnée et l'élève de Max Claudet. Il l'initia à la sculpture et à la céramique. Julie a adressé aux Salons des Artistes Français de 1885 et 1889 des petits médaillons représentant son fils. Elle composa des vases et des cache-pots de céramique, ornés de fleurs artistiquement modelées. Julie collabora avec son époux à la réalisation de plats et d'assiettes décoratives surchargés de ces mêmes motifs floraux, qu'ils signèrent ensemble. D'autres œuvres sont d'attribution plus délicate ; Aristée (Salon de 1884), Arion (Salon de 1886) furent présentés sous le nom de Julie ; les moules de ces grands plats portent cependant la signature de Max Claudet. Julie assista son époux lorsqu'ils décidèrent de produire leurs céramiques en plus grandes séries. Julie était plus spécialement chargée d'appliquer les différentes teintes sur les compositions.
Max et Julie formèrent un « ménage d'artistes » à qui Jean Tinevare dédia ce sonnet paru dans le numéro 127 de la revue Les Gaudes du 28 septembre 1890 :
Dans le calme riant de l'agreste villa
Qu'entourent les sapins, les bouleaux et les frênes,
En face des grands monts aux allures hautaines
Quel joli paradis vous vous êtes fait là .
Les déesses d'antan que le ciel exila,
Les héros frémissants des victoires prochaines,
Les rudes paysans aussi forts que des chênes,
Errent autour de vous dont l'art les modela.
Quand l'automne qui fuit fait pâlir primevère,
Mélilot, campanule, à son souffle sévère,
Elles renaissent dans vos magiciens doigts ;
Quand vous avez fini fleurs, ou buste, ou statue,
Souriants et fiers vous apercevez parfois
Très grave, à vos portraits Georges qui s'évertue.
Ils n'eurent qu'un enfant, Georges, né à Salins le 8 décembre 1882. Georges fut gâté et adoré par ses parents, choyé par la servante, madame Paponnet. Max et Julie nous ont laissé le portrait de Georges à toutes les étapes de son enfance. Son buste fut représenté en plâtre, en terre cuite, en bronze, sur céramique. Il servit de modèle pour certaines statues ; il figure sur de nombreuses céramiques comme Le roi boit, Un Roi-Mage, La Saint Nicolas, etc.
La vie des Claudet, ménage d'artistes, frappe par a régularité et par la fidélité au pays, aux parents et aux amis.
L'hospitalité était de règle à la maison ; les poètes, les sculpteurs, les peintres francs-comtois fréquentaient régulièrement la loge Claudet.
On s'entretenait de littérature, d'art et bien sûr de politique. Si Claudet afficha, après avoir connu Buchon, des idées républicaines, voire même radicales, il vécut cependant comme un conservateur, bourgeoisement, en famille à Salins, avec des employés de maison, « sa fortune personnelle ne l'obligeait pas à travailler ».
Contrairement à ses amis Buchon et Courbet, il ne passa pas du réalisme social et personnel au réalisme socialiste et politique.
Max Claudet avait installé dans sa propriété « un petit musée » ; sur les murs étaient accrochés des portraits photographiques dédicacés de Pasteur et de Marcou, des toiles d'amis, et des paysages de la Franche-Comté : des peintures de Pointelin, de Gigoux, de Vernier, de Billot, de Louis Perret.
Il y avait aussi des gravures à l'eau forte de Mathey-Doret, plusieurs lithographies de Vernier : Les Casseurs de pierres et Les Paysans de Flagey revenant de la foire d'après Courbet ; L'Angélus d'après Millet, des lithographies de Gigoux dont Les derniers moments de Léonard de Vinci.
De nombreuses statues étaient également exposées aux regards des visiteurs : Le faune en bronze de Perraud, une vierge en bois de Perraud fait à l'époque où il était apprenti chez le père Auvernois de Salins, le buste de Claudet par son maître et le buste de Perraud par son élève, et bien sûr une multitude d'œuvres de Claudet : Le Vendangeur faisant ses échalas, Hoche enfant, Jeanne d'Arc au bûcher, le buste de Julie Claudet, L'Enfant et le singe, Vieille femme grondant son chat, des quantités de portraits en médaillons de plâtre et de terre cuite de personnalités francs-comtoises et une foule de statues « de type comtois d'une rare originalité, fâneurs de petite ville, sacristain et bedeau campagnards, charges de juges et d'avocats ».
La mort de l'artiste
À la mi-mai 1893, Claudet contractait une bronchite. Il était par ailleurs physiquement diminué par un diabète qui s'était installé quelques années auparavant.
À cette époque où les moyens thérapeutiques étaient fort réduits pour ce genre d'affection, les complications infectieuses chez ces sujets diabétiques revêtaient une gravité toute particulière. Max Claudet devait décéder dans la matinée du 28 mai 1893 de complications pulmonaires. Ses obsèques eurent lieu le 30 mai 1893, à l'église Saint Jean-Baptiste de Salins où de nombreux artistes et amis s'étaient rassemblés à 14 heures pour témoigner de leur estime pour le défunt et de leur sympathie pour la famille. L'hommage posthume que lui rendit la presse fut unanime : C'est un talent mûr et affirmé que le souffle de la mort a éteint ; L'art des émaux oublié depuis longtemps avait tenté Max Claudet, ses recherches aboutirent, il parvint à trouver des couleurs vitrifiables ; alors ses terres cuites se recouvrirent de peintures. C'était la résurrection de l'œuvre de Palissy, une place conquise par Claudet dans l'histoire de l'art... (Les Gaudes du 1er juin 1893).
Seul le rédacteur du journal Le Salinois exprima une certaine rancœur dans son article nécrologique du 4 juin. Le décès de l'artiste n'avait pas totalement effacé le souvenir des polémiques qu'il eut dans le passé avec la presse locale : Dimanche, a prématurément succombé au mal qui le minait depuis longtemps compliqué récemment d'une attaque d'influenzae, monsieur Max Claudet, l'artiste salinois bien connu. Élève de Perraud, encore un jurassien et de Jouffroy, Max Claudet après s'être élevé à une certaine hauteur dans le domaine de la statuaire l'abandonna brusquement en partie du moins, pour s'adonner à l'art de Bernard Palissy. Dans cette nouvelle voie plus que dans la première, la fortune semblait lui sourire. Ayant depuis longtemps abjuré l'erreur qui le fit un instant courir après une vaine popularité, qu'il crut trouver en troquant momentanément le ciseau de Praxitèle contre la plume de P. L. Courier, fermement résolu à ne demander désormais qu'à l'art et à l'art seul, les satisfactions pures qu'il avait en vain cherchées ailleurs, l'auteur des faïences originales ou plutôt des terres cuites émaillées, comme il les appelait, avait devant lui tout un horizon de succès et de prospérité, lorsque la mort vint brutalement le ravir à son art, qu'il aimait, à une épouse, à un fils qu'il chérissait et qui vont si douloureusement ressentir le coup qui les frappe.
La municipalité rendit hommage à Max Claudet en donnant son nom à une place du faubourg Champtave. En décembre 1913, la revue Le Jura français tenta d'organiser une souscription pour ériger un buste de Max Claudet sur la fontaine qui se trouve au milieu de cette place. Le buste devait être sculpté par Eugène Bourgoin, en collaboration pour la stèle avec Auguste Drouot. La première guerre mondiale arriva, le projet échoua. Il ne fut pas repris ensuite.
MAX CLAUDET, statuaire salinois
Emmanuel Vingtrinier, Besançon, 1880.
Au bout de la longue rue onduleuse qui traverse Salins, resserré entre ses hautes cîmes couronnées de forêts, à l'extrémité sud du faubourg Champtave, quatre routes rayonnent sur Blégny, Levier, Censeau et Champagnole.
Près de là et à gauche de la route de Champagnole, au long de laquelle s'étendent d'énormes sapins amenés de Villeneuve, une simple maison, à demi-cachée dans un bouquet d'arbres, s'élève sur un tertre. C'est la loge Sornay, qu'on n'appelle plus aujourd'hui que la loge Claudet, du nom de l'artiste qui l'habite.
Un sentier vert, bordé de cytises, d'aubépines, de grands peupliers, sous lesquels court un ruisselet, monte à flanc de coteau, à travers prés et vignes. Nulle barrière n'entrave le passage. Le jardin, plein de grands arbres, commence tout à coup ; sous un fouillis de verdure, où des pommiers s'enchevêtrent, les allées glissent entre des tapis de pervenches et de renoncules ; çà et là , dans les pelouses, dans les plates-bandes, aux tournants des massifs, des statuettes de terre cuite se dressent sur des pieux ; à chaque pas, de délicieux petits coins avec des bancs de chêne.
Plus haut, la maison est construite en pierres nues, à un étage, avec quatre ou cinq fenêtres de façade au couchant, du côté de la route. Au-dessus de la porte, un bas-relief représente une scène allégorique : l'Hospitalité. Deux petits bâtiments isolés servent d'atelier et de musée. Et, dans la petite cour, ornée aussi de bronzes et de terres cuites, poules, pigeons, pintades gloussent et picorent, autour de Pataud, magnifique terre-neuve blanc, laineux et doux comme un mouton.
Je venais, adressé à Max Claudet par un artiste de ses amis. Le maître était dans son atelier : j'y grimpai par un petit escalier couvert d'un avant-toit et, devant une tenture soulevée qui sert de complément à la porte, je me trouvai en face d'un homme de haute taille, blond, portant l'impériale, le nez indépendant, ni droit ni retroussé, avec des narines moqueuses et des yeux gris-bleus, limpides et souriants, qui semblent réfléter toute son âme.
Il me fit un charmant accueil. Dès qu'il m'eût offert un siége, Pataud, qui m'avait suivi, vint me lécher les mains ; en même temps, un petit singe, gros comme un écureuil, sautait des épaules du modèle, — une vieille femme assise, — sur ma propre tête et me faisait faire une grimace que je trouvai reproduite, l'instant d'après, dans l'Enfant au singe, Max Claudet me délivra et fourra l'animal dans son gilet, en riant de bon cÅ“ur, d'un rire fin qui creusait deux fossettes dans ses joues.
Le petit atelier prend jour au nord, par une large baie d'où la vue s'étend sur les sommets de Belin et de Saint-André, qui, de là , semblent flanquer la ville comme d'énormes citadelles. L'œuvre en train et le modèle faisaient face à la lumière, côte à côte, tous deux de même dimension et de même aspect. C'était frappant : la vieille paysanne, un type superbe, au teint hâlé, avait les tons gris-fer uniformes de la terre modelée ; celle-là paraissait vivante par la vérité de la pose et l'énergie des traits. Alors, le front de l'artiste redevint sérieux.
Il reprit l'ébauchoir et, tout en causant de nos amis communs, il se remit au travail, retouchant un pli du vêtement, accentuant une ride des bras ou du visage, bouchant une fente produite par la dessication. Puis il s'arrêta de nouveau pour me montrer ses œuvres ; sa tâche du jour était achevée; i l fallait laisser sécher encore.
Tandis qu'il me précédait, la vieille femme descendait de son piédestal, après deux heures d'immobilité ; elle s'approcha de son image et, se grattant la tête avec une aiguille à bas, elle murmura d'un air consterné :
— Comme il me fait laide !...
Le musée, protégé contre les envahissements de la basse-cour, par une simple barrière à claire-voie, était imprégné des parfums du dehors. Point de ces froides compositions qui emplissent d'ordinaire les ateliers de jeunes sculpteurs. Dans cette étroite enceinte, tout vivait, tout souriait. C'était le Vendangeur assis, Hoche enfant, Jeanne d'Arc au bûcher, un projet pour le monument de Denfert, des bustes de jeunes Italiennes d'une exquise pureté, celui de Mme Max Claudet, plein de grâce et de distinction, celui du statuaire Perraud, par son élève, et celui de Claudet par son maître, puis des types comtois d'une rare originalité, flâneurs de petite ville, sacristain et bedeau campagnards, charges de juges et d'avocats ; des plats de terre cuite en relief, peints et vernis, imitant la faïence et bravant les ardeurs du feu grâce à un procédé inventé par Claudet, avec des sujets domestiques ou des vues du pays. Dans un coin, une relique : une Vierge en bois faite par Perraud, chez le père Auvernois, son premier maître… Et, au-dessus de ces merveilles, mollement baignées dans le demi-jour venant de la verdure extérieure et dans les reflets roses des terres cuites, on voyait, accrochés aux murs, des toiles d'amis, des paysages de la Franche-Comté avec leurs roches grises et leurs ruisseaux abrités de grands arbres, quelques médaillons, quelques portraits d'intimes et d'hommes célèbres, entre autres celui de M. Marcou, le savant géologue salinois.
Nous nous assîmes là et nous causâmes longuement d'art, de Joseph Perraud, de Courbet, de Max Buchon, parmi lesquels Claudet a vécu et dont il a reçu en quelque sorte l'éducation artistique, enfin, de lui-même, ce qu'il fit avec une modestie charmante. Sa parole, un peu traînante avec un léger grassaiement, était simple, bon enfant, pleine de charme et d'abandon.
Il appartient à une bonne famille bourgeoise de Salins. Son grand-père, député au Corps législatif pour l'arrondissement de Poligny, mourut, en 1812, conseiller à la cour de Besançon. Quant à son père — dit Max Buchon, — inspecteur des douanes, se trouvant veuf en 1842 avec un bambin de deux ans, d'une constitution très chétive, il prit aussitôt sa retraite pour revenir à Salins se consacrer tout entier à l'éducation de son fils, dans sa résidence héréditaire. C'est là que Max Claudet a grandi comme un jeune sauvageon, sans autres leçons scolaires que celles de son père et sans autre initiation professionnelle qu'un an de leçon du sculpteur Darbois, à Dijon, et deux mois passés dans l'atelier de Jouffroy, à Paris. Dès lors, c'est-à -dire depuis l'âge de dix-neuf ans, il travailla sur son propre fonds et à ses risques et périls. Des livres, des crayons, une forte nourriture et la clef des champs suffirent pour faire de lui un plantureux gaillard, réfractaire à tout enseignement traditionnel, mais bon observateur et s'assimilant aisément la substance que le hasard et les voyages lui fournissaient pêle-mêle. En 1864, Max Claudet eut un premier buste reçu à l'Exposition de Paris ; un second, en 1865 et, en 1866, une statue en plâtre, le Pêcheur d'écrevisses1.
Son Vendangeur, la bouille sur le dos, qui fut érigé à Salins, en 1864, sur la fontaine de la place des Joux, est un essai de sculpture populaire dont il ne faudrait pas exagérer l'importance artistique. Le public voulut, en souscrivant pour cette œuvre, encourager un jeune compatriote de vingt-trois ans. Une fois en place, dit Buchon, le Vendangeur devint, par l'effet des circonstances, une sorte de protestation du travail honnête et modeste contre les honteuses débâcles financières qui désolèrent coup sur coup Salins et lui furent moralement plus funestes que l'incendie de 18252
En 1866, Joseph Perraud, qui venait de remplacer Nanteuil à l'Institut, appela Max Claudet auprès de lui. Le jeune sculpteur travailla quelque temps dans l'atelier du maître, qui lui donnait ses conseils en véritable ami. Dieu sait si les deux compatriotes causaient du pays, s'ils se racontaient les histoires du crû, s'ils rappelaient les souvenirs du passé !... « Rien n'est plus doux, disait Perraud, que d'entendre l'écho des bois et des montagnes où l'on a été bercé. »
Ce fut alors que le goût de Claudet se forma : le contact d'un artiste de la valeur de Perraud et la fréquentation de la petite colonie franc-comtoise, à la tête de laquelle se trouvaient le peintre d'Ornans et le poète Max Buchon, qui tous deux sentaient merveilleusement la nature, laissèrent chez le jeune homme des germes qui devaient bientôt se développer.
Mais, les séductions de la grande ville ne le captivèrent pas ; il ne ressentit, de loin, qu’un plus vif amour du sol natal et, comme tant d'autres Jurassiens qui ont pour leurs montagnes une sorte d'idolâtrie, il revint se fixer à Salins, qu'il n'a plus quitté que pour de rares voyages à Paris et en Italie. D'ailleurs, Max Claudet n'avait-il pas son père qui vieillissait là -bas, loin de lui, et que sa tendresse filiale devait entourer ? Puis, sa position de fortune ne devait-elle pas lui ôter le souci de gagner sa vie ? Et même, son art pouvait-il souffrir de cette détermination ? Pour lui, qui cherchait surtout à rendre par le ciseau l'originalité de sa province, n'allait-il pas retrouver sous ses yeux les modèles qu'il lui fallait, mieux vus et mieux compris, grâce aux enseignements reçus ?
Non, l'art n'y a rien perdu. De loin, Perraud continuait à exercer son influence sur son élève préféré, en échangeant avec lui une correspondance suivie et tout amicale. Il cherchait à le mettre en garde contre l'abus qu'il pourrait faire de la fantaisie. Tandis que Courbet, ravalant tous les arts pour exalter le sien, répétait au jeune artiste que la sculpture était morte et lui conseillait de décorer des cheminées, le grand statuaire distinguait entre la peinture où « l'atmosphère ennoblit et complète la pensée » et la sculpture qui, selon lui, ne se prête pas à l'imitation de toutes choses :
« Que l'on soit descendu, — disait-il, — des hauteurs du Pinde où l'on s'obstinait quand même à rester, pour entrer un peu plus dans la vie réelle, on a très bien fait ; mais, comme toutes ces oscillations humaines, une fois l'élan donné, on arrive à l'excès contraire. Chaque chose dans la nature a un rôle à remplir qui lui est plus ou moins circonscrit. Vous ne ferez pas que les diamants et les pierres précieuses deviennent jamais des boutons de culottes de ramoneurs ; attendez l'art architectural adapté aux chaumières ! Il y a des arts qui sont d'essence divine ; héroïques, leur but est d'élever… La sculpture est patricienne ; elle ne peut devenir démocratique que comme monuments nationaux, et presque toujours sous forme allégorique. C'est une inscription cosmopolite qui a ses lois, sa tradition, fondées sur le sens commun. Je sais bien que, outre les lois du grand art, il y a la fantaisie, le caprice, qui sont quelquefois curieux, amusants et même intéressants. Mais, en sculpture, l'idée est tellement circonscrite qu'elle n'est, pour ainsi dire, rien par elle-même ; c'est sa forme, sa façon qui la rendent quelque chose ; sans forme, ce n'est rien… Rappelez-vous qu'il faut se mettre à genoux devant la nature ; il faut aimer sa passion jusqu'à en devenir mélancolique pour se plaire dans la solitude… »
Max Claudet a suivi ces nobles conseils. Sans doute, il pense qu'il n'est pas indispensable de suivre à perpétuité l'ornière classique. Mais son réalisme n'a rien d'outré ni de systématique ; l'amour-propre de faire école est loin de son esprit. Ce qu'il cherche dans l'art, c'est le vrai. Il appartient à cette génération d'hommes nouveaux que les invraisemblances et les folies de l'école romantique ont fini par écœurer et qui sont retournés à la nature, comme à une source toujours jeune et toujours féconde. Il est, en sculpture, ce que sont en peinture Corot, Chintreuil, Bastien Lepage ; dans les lettres, Achille Millien, Gustave Flaubert, André Theuriet… L'air pur des montagnes jurassiennes l’a sauvé du trivial, en lui conservant la fraîcheur de l'inspiration, l'élévation du style. Ses types ont une franche bonhomie qui n'exclut ni la finesse ni la grâce.
Je sais bien que les œuvres de Claudet sont fort discutées, comme toutes celles qui ont leur originalité propre. Quelques-uns de ses envois ont été refusés au salon, parce qu'ils sortaient des genres classés. Mais le courageux artiste espère faire admettre ses sujets francs-comtois, à force de style et de fini.
Au reste, le jury n'est pas le seul élément contre lequel il ait à exercer sa patience. Le chemin de fer ne remet souvent au destinataire que des débris informes, au lieu de l'Å“uvre longuement travaillée. Cette année même, Max Claudet envoyait aux Champs-Elysées un groupe d'enfants qui offrait de remarquables qualités d'exécution : pendant le voyage, ce groupe s'est brisé en un si grand nombre de morceaux qu'il a été impossible de les réunir. Désormais, il ne reste de la Complainte du Juif-Errant — c'est le nom du sujet — d'autre témoin que le sonnet suivant, publié dans le Journal des Arts :
À Max Claudet
Pieds nus, pantalon retroussé,
L'aîné des trois tient la complainte,
Et, comme un artiste exercé,
Dit les vers de l'image peinte.
Depuis longtemps c'est commencé,
Et sa voix n'en est pas éteinte ;
La sœur, l'air fort intéressé,
De la longueur ne s'est pas plainte.
Mais, d'autre part, le plus petit,
Qui sent trotter son appétit,
Et que cet air sans fin lutine,
Fait la moue au chantre ennuyeux
Et semble dire, une ombre aux yeux :
— « J'aimerais bien mieux ma tartine ..... »
Ces accidents répétés seraient de nature à exaspérer, Claudet a si bon caractère, les tracas et les lenteurs des procès lui sont si insupportables, qu'il se résigne et reprend philosophiquement ses ciseaux. La terre et le plâtre du pays ne conviennent point au modelage ; il faut les faire venir du dehors… Mais, l'artiste se console de ces inévitables désagréments, en disant, non sans orgueil :
—Je crois que je suis le seul sculpteur vivant au fond de la province !…
Jusqu'à sa mort, arrivée le 2 novembre 18763, Perraud ne cessa d'écrire à son ami de Salins de longues lettres, souvent originales et touchantes, qui font également honneur au maître et à l'élève. Ces deux âmes d'élite, qui s'étaient rencontrées avec un double amour au cœur, celui de l'art et celui de leur province, vivaient pour ainsi dire d'une vie commune. Ce n'était pas le membre de l'Institut qui écrivait ces lignes :
« Seul avec Esther, au coin du petit poêle, pendant les veillées, nous causons souvent de vous, de votre habitation ; quand je vois la neige tomber à travers les vitres, je dis : Il doit y en avoir à Remeton, et la bise de la Roche-Pourrie doit souffler aigrement sur le seuil de sa porte et contre la fenêtre de son atelier. Ce père Claudet doit étendre ses mains sur le poêle, comme le patriarche Isaac.... »
Un jour vint où le grand statuaire eut une immense douleur qui l'accabla sans retour. Cette Esther, qu'il avait épousée un peu tard, et qui était la consolation de sa vie laborieuse, tomba malade. Claudet, qui avait passé quelque temps auprès d'eux à Paris, l'avait laissée souffrante à son départ pour Salins. Peu de jours après, elle était morte… Cette triste coïncidence fut un lien de plus entre les deux amis. Les lettres navrées que Perraud écrivit alors sont des chefs-d'œuvre de sentiment ; ce sont de ces « documents humains » comme l'école naturaliste n'en produira jamais. Écoutez :
« Si je suis arrivé au terme de ma carrière, je suis prêt et résigné, puisque je n'ai plus rien pour me faire aimer et pour m'attacher à la vie… Je crois toujours qu'elle va entrer, en voyant ses gants qu'elle a posés, en rentrant, sur les livres de cette petite bibliothèque le jour du Jardin d'acclimatation. Cette chambre, toujours fermée, où je n'entre que par nécessité, me navre… Ah ! mon ami, la vie est entièrement dénuée d'intérêt et de charme pour moi. Je suis comme la feuille d'arbre en la saison ou les fruits sont tombés. Je n'abrite plus rien ; je demeure, en attendant que la saison d'automne m'emporte ! »
Et plus loin, le grand artiste ajoutait :
« Je n'ai jamais été qu'un enfant, je pourrais dire une petite fille, tant j'ai toujours été dévoré d'un besoin de tendresse, soit d'en recevoir ou d'en prodiguer ; et j'en ai été privé toute ma vie. Je me rappelle encore, pendant que j'étais enfermé dans une de ces cellules, le dimanche, et que j'entendais les joyeux cris argentins des jeunes personnes qui se rendaient en famille faire un goûter dans quelque coin ombreux de la campagne, combien ces petites choses qui n'étaient rien par elles-mêmes, combien mon imagination les embellissait et leur prétait d'éclat ! Les martinets, qui tourbillonnaient autour de moi dans ces cours noires et profondes, avec leurs cris stridents et tristes, me pénétraient l'âme. »
« J'ai vu ces scènes se renouveler à tout âge, sans y prendre part ; je les revois encore, ces familles, avec leurs jeunes et charmantes personnes auxquelles les illusions de l'âge prêtent tant de charmes, se rendant aux gares, le dimanche, tout habillées en fête et la gaîté, la joie de vingt ans dans le cœur.... À mesure que le temps multiplie les jours, les semaines et les mois de ma triste solitude, il creuse et en élargit le vide.... »
Max Claudet a recueilli d'une main pieuse la correspondance de son illustre maître, qu'il a publiée en partie dans un charmant volume : Perraud statuaire et son œuvre, souvenirs intimes4. Ce petit livre révèle chez son auteur un talent qu'on ne lui connaissait pas, bien qu'il se fût essayé déjà par quelques brochures et quelques articles disséminés dans les journaux du Jura5. Il nous montre la dure enfance de Perraud dans son petit village de Monay, où « il n'y avait rien de vivifiant, pas d'autres livres que les heures paroissiales en latin, que personne n'entendait, ni d'autres préoccupations que celle de trouver le pain du lendemain » ; ses longues rêveries aux champs, pendant que les bêtes étaient dans les blés ; ses vagues aspirations vers l'idéal, son arrivée à Salins, pieds nus, comme apprenti sculpteur, chez le père Auvernois, qui vivait dans un ancien couvent, faisant des ornements et des saints d'église ; puis son séjour à Lyon, où il suivit les cours de l'école des Beaux-Arts, son départ pour Paris, sa vie de travail, ses succès d'artiste, son mariage, ses courts bonheurs et ses grands déboires…
Cette biographie, semée d'anecdotes bien vécues, est écrite comme écrivent les artistes qui ne font point profession de tenir une plume, c'est-à -dire sans prétention, sans souci des transitions savantes, avec un style sobre, alerte, naturel, qui peint d'un seul mot et va droit au but. Toutes les fois qu'il le peut, l'auteur s'efface pour laisser la parole à Perraud. Il a bien compris que c'était le meilleur moyen de faire connaître, dans toute sa sincérité, l'homme intime sous le masque de l'Institut.
Mais, ce témoignage de reconnaissance ne suffisait pas à Claudet. La ville de Lons-le-Saunier, dont le musée possède aujourd'hui les principales œuvres du grand artiste, a fourni à son élève une nouvelle occasion de glorifier sa mémoire et de populariser son nom. Sur l'une des places de cette ville, qui désormais portera le nom de Perraud, s'élève un monument composé d'une colonne en marbre du Jura, exécutée d'après le projet d'un habile artiste, M. Achille Billot, et d'un buste en bronze dû au ciseau de Max Claudet : cette œuvre avait été fort remarquée au salon de 1877.
Le sculpteur salinois a perdu, l'an passé, le père qu'il aimait tant. Alors, il s'est marié dans son pays. Âme libre et fière, méprisant les faiseurs, quels qu'ils soient, notre artiste continue à vivre dans sa chère retraite entre ses travaux et les amis qui le visitent. Libéral, il ne fait pas de politique ; son art lui suffit, comme à Perraud. Mais, il a cru sage de profiter de la dure expérience de son maître, qui lui écrivait, quelque temps avant sa mort : « Je me suis débattu dans le vide, pour m'habituer à en vivre. Je suis bien puni d'avoir rêvé des choses insensées, quand le bonheur était si près de moi… J'avais rêvé la fortune et le bonheur qui s'ensuit, imbécile !… » Du reste, en demeurant à Salins, Claudet suit, en quelque sorte, une tradition : sans remonter aux Lhuillier et aux Landry, Dantan jeune et Huguenin (de Dole) y ont passé quelque temps de leur jeunesse.
Préférant la solitude de la vraie campagne à l'agitation banale de la petite ville, il sort le moins possible. La vie de café, qui fut si funeste à Courbet, comme à tant d'autres artistes, lui est odieuse, ce qui ne l'empêche pas de rire de bon cÅ“ur à l'occasion. La veille de ma visite, on avait donné, — ce qui n'est pas fréquent, — une représentation dramatique au théâtre de Salins. Comme intermède, une façon de poète du crû, de ceux dont on rit, devait dire des vers. Claudet, qui a naguère esquissé fort spirituellement son portrait à la plume dans le goût de La Bruyère, était naturellement aux premières loges. À l'heure dite, la toile se lève ; le poète parait, vêtu de noir et couvert de la poussière blanche que soulevait une bise à démonter Corne-à -BÅ“uf, s'élance au bord de la scène et commence, d'une voix lamentable, la lecture d'un poème inintelligible. Le public applaudit à tout rompre et bisse l'auteur qui, de confiance, reprend sa lecture, lorsque, tout à coup, une couronne soutenue par des ficelles, descend du cintre et vient coiffer le nourrisson des Muses, aux trépignements de toute la salle. J'ai rarement vu de gaieté pareille à celle de Max Claudet me contant ce comique apothéose, dans la perpétration duquel je le soupçonne un peu d'avoir trempé !...
À la nuit close, nous nous séparâmes avec une cordiale poignée de main. Je redescendis la côte, en suivant le sentier sous l'ombre des grands arbres. L'air était d'une douceur fondante ; à chaque pas, des vers luisants brillaient dans les berges parfumées. Arrivé au croisement des routes, je me retournai : au-dessus de la gorge de Gouailles, la lune se levait, éclairant déjà les eaux de la Furieuse ; tout se taisait… En jetant un dernier regard à la loge de l'artiste, je pensai: — Voilà un homme heureux !... Je voudrais être Max Claudet.
Notes
1) ↑— Max Buchon, Salins les Bains, 1 vol. in-16. Salins, Billet, éditeur.
2) ↑— Eod.loc.
3) ↑— Il n'avait que 57 ans.
4) ↑— I vol. in-8°, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1877, remarquablement imprimé à Dole par Bluzet-Guinier, avec un portrait d'après un dessin de J. Viennet, un autre jurassien.
5) ↑— Les autres écrits de Max Claudet sont :
Du modelage par soi-même, broch. in-18, 1867, Salins.
Salins et ses forts, Souvenirs et épisodes de la guerre de 1870-1871, broch. in-8, Salins, 1871.
Gustave Courbet, souvenirs, broch. in-18, Dubuisson, Paris, 1878.
L'abbé d'Olivet, broch. in 18, Salins, 1878.
Salins et ses environs, I vol. in-18. Salins, 1878.
Le Monde étrange de Max Claudet, céramiste à Salins à la fin du XIXe siècle
Dossier de presse de l'exposition qui se tint au musée de Pontrlier en 2010.
L'exposition Le Monde étrange de Max Claudet céramiste à Salins à la fin du XIXe siècle, organisée en collaboration avec l'association Les Amis du musée de Pontalier, est une évocation de l'art céramique foisonnant de Max Claudet à travers la présentation d'environ quatre-vingt oeuvres prêtées par des collectionneurs privés et le musée Max Claudet de Salins, actuellement fermé.
Le Salinois Max Claudet (1840 – 1893) exerce la profession de sculpteur lorsqu'il découvre la technique de la faïence à Nans-sous-Sainte-Anne. Cette commune du Doubs était alors peuplée d'une colonie d'artistes, où Courbet lui-même se rendait souvent. Lié à une famille de faïenciers, Claudet est initié à cette technique pendant quelques années, avant de se rapprocher de la faïencerie de Salins-Capucins qui, semble-t-il, se prête davantage à ses expérimentations. Il fait construire dès 1882 des fours dans sa propriété salinoise pour cuire une partie de ses pièces, avec le concours d'ouvriers de la fabrique. Cette activité l'occupa, parallèlement à la sculpture qu'il continue de pratiquer, pendant plus de vingt ans. Ses céramiques sont souvent des plats ou des plaques décoratifs ornés de véritables bas-reliefs et émaillés selon une technique particulière de son invention.
Des plats décoratifs de grande taille aux plaques plus modestes et aux vases, tous les supports sont bons pour développer une iconographie originale et éclectique. Certains de ses sujets, antiquisants et classiques, témoignent de sa formation académique, tandis qu'il adapte en céramique des sculptures plus personnelles, telles que Hoche enfant ou La Tricoteuse. Le Jura lui fournit une quantité de thèmes qu'il traite avec la même inventivité : ses concitoyens sont pour certains honorés (Louis Pasteur), pour d'autres caricaturés (Alfred Bouvet), et les paysages sont autant de motifs qu'il décline à l'infini. Enfin ce sont des coutumes locales aujourd'hui oubliées qu'il met en valeur, par exemple la Fête des Rois, ou bien encore les légendes de la Saint Nicolas et de la Vouivre. Claudet montre également dans son œuvre céramique un intérêt pour le monde de l'enfance qui lui fournit des sujets tendres, cocasses, mais aussi parfois terrifiants comme le Cabinet Noir. Enfin, les paysages d'Algérie
qu'il découvre à l'occasion d'un voyage influencent tout un pan de sa production des dernières années.
Max Claudet
In Wikipedia : Max Claudet
Max Claudet naît le 18 août 1840 à Fécamp (Seine-Maritime) où son père est employé des douanes. Sa mère meurt en 1842 : il a alors deux ans et son père décide leur retour à Salins près de sa famille jurassienne. Max Claudet est élevé dans une grande liberté par son père veuf et choisit de devenir sculpteur.
Il suit d'abord les cours de l'École des beaux-arts de Dijon puis, en 1858, ceux de l'École des beaux-arts de Paris où il étudie la sculpture dans l'atelier de François Jouffroy. Malade, il interrompt ses études et rentre à Salins.
Il y installe son atelier et sculpte ses premières œuvres plutôt académiques avant de se lier avec l'homme de lettres et journaliste Max Buchon, salinois lui aussi, qui le fait connaître et oriente son travail vers une veine plus réaliste comme avec Le Vigneron taillant un échalas ou Le Porteur de vendange commencé en 1862. Max Buchon lui fait aussi rencontrer le célèbres peintre d'Ornans Gustave Courbet (il lui rend visite en 1864 et le reçoit plusieurs semaines quand Courbet vient peindre la source du Lison en 1866) et le sculpteur jurassien Joseph Perraud dont il devient l'ami et auprès duquel il complète sa formation.
Il expose régulièrement au Salon de Paris à partir de 1864 (par exemple Robespierre mourant en 1872, exemplaire en plâtre au musée de Poligny) et devient peu à peu une figure artistique de la région. Il se lie avec des personnalités franc-comtoises comme Louis Pasteur, qui sera le parrain de son fils Georges et dont Max Claudet réalisera plusieurs représentations (médaillon de terre cuite, plat céramique dit Plat Louis Pasteur).
Durant la Guerre de 1870, Max Claudet s'engage dans la garde mobile pour défendre sa ville et participe aux combats de Salins en janvier 1871. Affecté au fort Belin, il reçut le grade de maréchal des logis d'artillerie et son comportement valeureux lui valut la médaille militaire.
Après la guerre, il est chargé par la municipalité de la conception du Monument aux morts de la ville : il réalise une stèle agrémentée d'une statue de putt en fonte de fer tournée vers l'inscription « Patrie » et soutenant la tête monumentale d'une femme couronnée portant le blason de la ville.
Sa femme, Julie Besson qu'il épouse en 1879, l'initie à la céramique par ses contacts avec les ateliers de faïence installés à Salins depuis 1857. Il met au point ses propres techniques en travaillant avec la faïencerie de Nans-sous-Sainte-Anne et crée alors de nombreuses pièces émaillées (plats, plaques émaillées, objets décoratifs, vases) qui lui valent le qualificatif de « Palissy comtois ».
Max Claudet poursuit parallèlement son activité de sculpteur classique (Robespierre mourant, David, L'enfant et l'oiseau) ou d'inspiration plus réaliste et populaire (Le Vigneron, La Tricoteuse) et sculpte les bustes de personnalités locales. Il crée aussi de nombreux médaillons de terre cuite avec les portraits de Gustave Courbet ou de Louis Pasteur ou de petites statuettes en bronze, en pierre ou en terre cuite.
Artiste aux talents multiples, il peint aussi des aquarelles et publie de petits ouvrages comme Souvenirs - Gustave Courbet en 1878, une brochure dans laquelle il évoque Gustave Courbet peignant la source du Lison, ou l'hommage à son ami le sculpteur lédonien Joseph Perraud en 1877, ou encore Salins et ses environs en 1884.
Max Claudet meurt à Salins des suites d'une bronchite le 28 mai 1893.
On retrouve ses œuvres dans les collections publiques jurassiennes (Lons-le-Saunier, Poligny, Dole, Arbois) mais surtout à Salins-les-Bains où un petit musée porte son nom.
Lons-le-Saunier :
— Monument à Jean-Joseph Perraud, 1880, envoyé à la fonte par les Allemands en 1941 et remplacé par le buste actuel en pierre.Musée des beaux-arts :
— Jean-Joseph Perraud, 1872, buste en bronze ;Ornans, musée Courbet :
— Gustave Courbet, 1863, médaillon de terre cuite.