art, artiste, sculpture, sculpteur, Franche-Comté

Théodore Rousseau

Paris, 1812 - Barbizon, 1867


Étienne Pierre Théodore Rousseau, dit Théodore Rousseau, né le 15 avril 1812 à Paris, mort le 22 décembre 1867 à Barbizon, est un artiste-peintre paysagiste français, cofondateur de l'école de Barbizon. Il se revéla comme un observateur attentif de la nature à toutes les époques de l'année. Il ne doit pas être confondu avec Henri Rousseau qui a vécu à la même époque.


Dès 1821, Théodore Rousseau se forme auprès de son cousin Pierre Alexandre Pau de Saint Martin, puis de Jean-Charles-Joseph Rémond. Il devient ensuite élève de Guillaume Guillon Lethière qui fut professeur de l’École des beaux-arts de Paris à compter de 1819.
Admis au Salon de Paris de 1831 à 1835, il essuie un refus au salon de 1836, ce qui le conduit à partir s'installer à la lisière de la forêt de Fontainebleau. Rejoint par Jean-Baptiste Camille Corot, Jean-François Millet, Honoré Daumier, Jules Dupré, Charles Le Roux, ils y fondent l'école de Barbizon. Il s'installe à l'Auberge Ganne, puis en 1847, il loue une maisonnette de deux chambres et installe son atelier dans la grange attenante, au n° 55 Grande Rue. Aujourd'hui annexe du musée départemental de l'École de Barbizon (plaque), la grange transformée en chapelle dont le clocher fut dessiné par Charles Millet, le fils du célèbre peintre, et le jardin transformé en place publique avec le monument aux morts Gaulois du sculpteur Ernest Révillon (1854-1937).
Théodore Rousseau est un artiste à la fois admiré et méprisé en son temps. Son art est complexe. Il possède à la fois un caractère réaliste par sa volonté de peindre la nature telle qu'elle est, et romantique parce qu'il tend à faire corps avec la nature.
Le but de Rousseau est de « fouiller le visible ». Pour ce faire il s'enfonce dans les profondeurs de la nature, choisit un motif et l'observe durant de longues heures de manière à l'imprimer durablement dans sa mémoire. Puis il exécute des esquisses et réalise l'œuvre définitive, de mémoire, en atelier. Théodore Rousseau s'attache à représenter « tout ce que la nature contient de germinations étranges ». Dans son œuvre, l'arbre occupe une large place. Tout au long de sa carrière, il multiplie les esquisses d'arbres notamment en forêt de Fontainebleau. Il est considéré comme un « anatomiste » de l'arbre. Mais bien plus qu'un exercice académique, l'arbre revêt chez lui une symbolique particulière. Il est l'incarnation de la continuité de la vie. La représentation de la lumière fut son ambition. Mais elle est à l'origine de tous ses tourments. Elle devient rapidement une obsession à tel point que Rousseau multiplie les expériences picturales pour tenter de la traduire. Théodore Rousseau est ainsi l'un des premiers paysagistes à représenter la lumière tombant à la verticale dans son chef-d'œuvre "Une avenue Forêt de l'Isle-Adam" présenté au Salon de Paris en 1849.
Perpétuel insatisfait, il retouche ses œuvres au risque de les détériorer. L'utilisation du bitume, qui apparaît dès 1839 dans son tableau Descente de vache, est l'une des causes à l'origine de la détérioration de nombreuses toiles de Rousseau. Selon son biographe Alfred Sensier, ce serait sur les conseils d'Ary Scheffer qu'il employa ce mélange d'huiles grasses et de bitume de Judée, en vogue à l'époque, qui eurent des conséquences désastreuses pour la conservation de sa peinture.
La place de l'homme dans l'œuvre de Rousseau a suscité beaucoup d'interrogations. S'il n'est pas totalement absent dans ses peintures, il y occupe une place infime. Selon Sensier, en réduisant la présence de l'homme à une tache de couleur, Théodore Rousseau veut souligner la « pathétique impuissance de l'homme face à l'immensité de la nature qui l'entoure ».
La reconnaissance officielle de Rousseau vient le 1er avril 1848, lorsque Jean Ron et Charles Blanc se rendent, en un geste symbolique, dans l'atelier de Jules Dupré et de Rousseau pour leur commander deux œuvres. Théodore Rousseau exécute Lisière en forêt de Fontainebleau, soleil couchant (visible au musée du Louvre), une œuvre à la composition plutôt classique. Dès 1849, il renoue avec le Salon. Le Salon de 1852 est celui de la consécration du peintre : il y expose Groupe de chênes à Apremont et reçoit la médaille de la Légion d'honneur. Enfin il s'investit dans la lutte contre l'abattage des arbres qu'il qualifie de « carnage » ou de « condamnation à mort ». Rousseau avait déjà dénoncé ce phénomène dans le Massacre des innocents en 1847 (Musée Mesdag, La Haye).
Très imprégné par une vie simple dans laquelle il côtoie des paysans et travailleurs de la forêt, son œuvre est caractéristique d'un courant réaliste qui sera la marque principale de l'école de Barbizon. Il est parfois considéré comme un précurseur de l'impressionnisme.




Théodore Rousseau et la critique


Dès le 19ème siècle la critique d’art fait et défait la réputation d’un artiste. Théodore Rousseau (1812-1867) n’échappe pas à cette règle. Tout au long de sa carrière, il entretient avec la critique des relations complexes.




Ses premières expériences artistiques

La découverte de la nature


Pierre Étienne Théodore Rousseau est né à Paris le 15 avril 1812, il est le fils unique de Pierre Claude Catherine Rousseau, tailleur d’habits et d’Adélaïde Louise Colombet, son épouse.
C’est au bois de Boulogne que le jeune Théodore Rousseau fait ses premiers croquis d’arbres alors qu’il est collégien à Auteuil.
En 1825, il accompagne un ami de son père dans le Jura. Il est originaire de cette région par son père, natif de Salins.
Il étudie le paysage avec le peintre Pierre Alexandre Pau de Saint Martin (1782-1850), cousin germain de sa mère puis sur ses conseils, Rousseau fréquente l’atelier de Jean Charles Joseph Rémond (1795-1875), peintre de paysage historique.
Il devient l’élève de Guillaume Guillon-Lethière (1760-1832), professeur à l’École des Beaux-Arts de Paris.





Jeunesse et maturité d’un grand peintre paysagiste


Rousseau voyage en Auvergne, en Normandie, fréquente l’auberge de Chailly-en-Bière (1833). Il commence à sillonner la forêt de Fontainebleau.
Théodore Rousseau perd sa mère en 1837, son chagrin influence son œuvre pendant plusieurs années. Il fréquente régulièrement Barbizon et étudie la nature d’une manière approfondie.
Ses voyages en Vendée, en Auvergne, dans le Berry, les Alpes, les Landes, les Pyrénées et ses séjours dans le Jura lui permettent d’étudier des paysages variés, des lumières caractéristiques.
La forêt de Fontainebleau reste sa principale source d’inspiration. Il est proche de nombreux artistes dont Jules Dupré, Narcisse Diaz de la Peña, Eugène Delacroix, Ary Scheffer, Théophile Thoré, George Sand…
Rousseau se retire à Barbizon après la rupture de ses fiançailles avec Augustine Brault, la « fille adoptive » de George Sand. À partir de 1847, il s’isole de ses amis, loue une maison, installe son atelier dans la grange.
Il transforme cette grange en atelier au 1er étage, qu’on peut visiter aujourd’hui. Rousseau vit dans ce village situé à l’orée de la forêt de Fontainebleau avec sa compagne Elisa Gros jusqu’à son décès le 22 décembre 1867.


Ses œuvres et la critique

Les œuvres présentées au Salon ou dans les expositions référencées sont identifiées grâce au catalogue raisonné de Michel Schulman.
Ses relations avec la critique commencent réellement à se forger à partir de sa première participation au Salon de 1831 et elles continueront à évoluer juqu’à sa mort.


Des succès, des échecs, le repli


La première participation de Théodore Rousseau au Salon date de 1831, où les critiques remarquent les œuvres de ce jeune artiste. Il obtient une médaille de troisième classe au Salon de 1834.
De 1836 à 1841, ses tableaux sont régulièrement refusés par le Jury du Salon.
Il décide de ne plus soumettre ses œuvres à l’appréciation du Jury et est volontairement absent du Salon de 1842 à 1848, les critiques regrettent alors l’absence de celui qu’ils considèrent déjà comme un maître du paysage.
Pour la première fois en 1831, Rousseau affronte le jury du Salon de peinture, il expose Paysage d’Auvergne et est remarqué par les critiques dont Victor Schoelcher dans L’Artiste qui souligne : « … le pinceau fort et hardi qui se révèle dans le paysage de M. Rousseau ».
Jules Janin dans L’Artiste, « Salon 1833 » : « Ce jeune artiste doit encore trouver pour ses paysages une ordonnance plus grandiose et plus pittoresque. »
Théophile Gautier dans La Presse , « Salon de 1839 », regrette l’absence de Rousseau : « L’on parle aussi d’autres exclusions non moins inconcevables, l’on n’a pas voulu admettre un paysage de Rousseau, que l’on repousse systématiquement… ».
Baudelaire dans Salon de 1845, V, Paysages : « A la tête de l’école moderne de paysage, se place M. Corot. – Si M. Théodore Rousseau voulait exposer, la suprématie serait douteuse. …».


Théodore Rousseau,Groupe de grands arbres surplombant la plaine du Clair-Bois au bord du Bas-Bréau.
Théodore Rousseau, Groupe de grands arbres surplombant la plaine du Clair-Bois au bord du Bas-Bréau, © The J. Paul Getty Museum.



Théodore Rousseau,Vue des Alpes depuis le col de La Faucille.
Théodore Rousseau, Vue des Alpes depuis le col de La Faucille,
© Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen, photographer: Ole Haupt.



Les éloges de la critique


Théodore Rousseau présente trois tableaux au Salon de 1849, il obtient la troisième première médaille. Les critiques louent le retour du paysagiste.
Il est élu membre du jury du Salon qui commence en décembre 1850. Médaillé de première classe, il est dispensé du jugement de ses collègues. Les critiques sont très élogieuses à partir de 1851.
Son acharnement pendant les années difficiles est salué par tous. Les particularités de son art du paysage sont précisément remarquées : étude de la lumière, des couleurs…
Le succès est là. L’année 1852 est pour cet artiste l’année de la consécration, il reçoit la croix de la Légion d’honneur en juillet 1852. Les critiques saluent son acharnement pendant les années difficiles, qui lui vaut enfin le succès.
En 1854, Théodore Rousseau est nommé par l’Empereur membre du jury de la section de peinture qui prépare l’exposition universelle de 1855.
Il participe à l’exposition des ouvrages des artistes vivants étrangers et français pour l’Exposition Universelle de 1855 avec treize tableaux. Il obtient une médaille de première classe.
Théophile Gautier dans le Feuilleton de La Presse du 11 août 1849, 12ème article relate : « L’évènement du Salon est l’entrée de M. Théodore Rousseau, un des jeunes paysagistes repoussé impitoyablement par le jury,… »
Gustave Planche écrit dans la Revue des deux mondes, « Le Salon de 1852 » : « … Il a traité tous les détails de ses deux compositions avec un soin exquis, et, si j’avais un reproche à lui adresser, ce serait d’avoir dépassé le but. »
J. de La Rochenoire dans Le Salon de 1855 l’encense : « M. Théodore Rousseau, le peintre le plus flamboyant de ce temps-ci, l’Eug. Delacroix de son genre, a prodigué ses chefs-d’œuvre. – Treize paysages plus lumineux que le soleil, rien que cela ! »


Le maître du paysage

La consécration


Vers la fin des années 1850, les critiques restent positives même si certaines considèrent que Théodore Rousseau a atteint la maturité et que son art évolue peu.
Puis vient la période où les œuvres de jeunesse de l’artiste sont réévaluées. Les critiques reconnaissent alors son talent de précurseur dans l’art de traiter le paysage.
Cependant, son œuvre tardive est parfois analysée avec rudesse. Théodore Rousseau, par l’intercession du duc de Morny, reçoit une lettre d’invitation de l’Empereur à Compiègne, où il séjourné en 1865.
Il participe au jury du Salon de 1866 et à celui qui prépare l’Exposition universelle de 1867.
En décembre, il est élu président du jury de peinture. Il est promu Officier de la Légion d’honneur le 7 août 1867.
Malgré cette reconnaissance officielle, la critique dans son ensemble reste très réservée sur l’œuvre des dernières années de sa carrière. Rousseau envoie deux tableaux au Salon de 1867 et en présente plusieurs à l’Exposition Universelle.
Il meurt le 22 décembre de cette même année à Barbizon entouré de ses plus proches amis. Il est enterré au cimetière de Chailly-en-Bière.


Des critiques nuancées


Quelques critiques demandent l’indulgence et suggèrent de ne pas juger ce maître par ses dernières créations mais plutôt par celles qui ont révélé la personnalité d’un grand peintre paysagiste.
Si Castagnary dans Salon (1857-1870), « Année 1857, La Nature, le paysage » le place comme: « Un de ceux qui ont le plus contribué à l’élévation soudaine du paysage parmi nous, est Théodore Rousseau. Théodore Rousseau est véritablement un maître de l’art, dans le sens antique du mot : il a eu en partage le génie et toutes les misères qui s’y attachent. … »
Théophile Gautier dans « Abécédaire du Salon de 1861 » : « L’unique tableau exposé par M. Théodore Rousseau a un aspect étrange. Il ressemble par la tonalité bizarre de ses verts à un bloc de minerai de cuivre. – Le Chêne de roche (forêt de Fontainebleau), tel est son titre. … »
ou Paul de Saint-Victor dans L’Artiste, 1861, « Les Paysagistes contemporains » : « M. Théodore Rousseau n’est pas en progrès ; il peint avec monotonie des sites monotones. Sa touche papillote et pointille ; sa manière tourne au procédé. … ».
Emile Zola dans « Œuvres critiques, Mon Salon, Les Chutes », 15 mai 1866 écrit : « Il y encore deux autres artistes au Salon sur lesquels j’ai pleuré MM. Millet et Théodore Rousseau. /… / Et je les retrouve ayant perdu la fermeté de leurs mains et l’excellence de leurs yeux. … ».
Quelques écrits salueront ce grand artiste dont l’article de Théophile Silvestre paru dans Le Figaro, celui de Théophile Gautier dans Le Moniteur Universel, de Philippe Burty dans La Gazette des Beaux-Arts.
Alfred Sensier, présenté à Rousseau en 1846 par Dupré et devenu un ami de l’artiste écrira sa biographie. Elle est publiée en 1869 et 1870 sous forme d’articles dans la Revue Internationale de l’art et de la curiosité puis en 1872 avec un livre sous le titre Souvenirs sur Théodore Rousseau.

In : Musée des peintres de Barbizon, Théodore Rousseau et la critique