Edme Gustave Frédéric Brun, né le 23 novembre 1817 à Dole et mort dans cette même ville le 12 février 1881 a été un artiste libre-penseur, de nombreuses toiles accréditent l'idée d'un peintre doté d'un esprit libertaire, irrévérencieux et anticlérical.
Le musée de Dole conserve un bel ensemble de tableaux de Gustave Brun, qui, dans son testament, avait légué à sa ville natale ses deux maisons pour que les revenus en soient affectés aux pauvres, ainsi que les tableaux présents dans son atelier et sa demeure. Formé dans l'école municipale de dessin dirigée par Séraphin Désiré Besson, peintre et sculpteur, fondateur et premier conservateur du musée, puis à l'école des beaux-arts de Paris par le peintre et illustrateur comtois Jean François Gigoux, Brun effectua la quasi-totalité de sa carrière dans sa cité natale dont il peint avec bonheur les alentours (bords du Doubs, forêt de Chaux). Sa production de paysagiste n'est qu'un versant de son œuvre, car il excelle dans la peinture sociale, reflet de son réalisme humanitaire et engagé, à travers des scènes de genres qui figurent avec émotion les plus démunis, ou qui sont conçues comme une féroce satire de la société bourgeoise de la seconde moitié du xixe siècle (Le porteur de contraintes, La vente de la maison, Dieu prodigue ses biens à ceux qui ont fait vœu d'être siens.
Le tableau Echange de bons procédés, peint trois ans avant la mort de Brun, illustre les rapports étroits entre l'armée et le clergé après la révolution de 1848. Il brocarde avec virulence l'alliance du « sabre et du goupillon » dans une œuvre au réalisme vibrant renforcé par la tonalité sombre de la palette. Les deux protagonistes de la scène seraient deux jurassiens, le militaire Joseph Weber et l'abbé Charmier, curé de Lavans-les-Dole, échangeant le shako (coiffure militaire), la bouffarde (pipe), et le bréviaire du prêtre. La toile est significative de l'anticléricalisme du peintre qui, républicain et libre penseur, avait adhéré dans les années 1850 au club des carmélites installé dans l'ancien carmel de la ville, dont la finalité était « l'instruction du peuple, le maintien de la République et l'avènement des saintes doctrines socialistes ». Lors de l'enterrement civil de l'artiste, le conservateur du musée de Dole, Stéphane Charpy, prononça un discours qui résume en quelques lignes la carrière et l'œuvre de ce « Zola de la peinture » : « Son pinceau facile et plein de finesse rend avec une expression rare et attachante le côté drolatique de la vie rustique ; d'autres fois, son humeur s'attaque, au travers du cléricalisme ou aux appétits insatiables d'un créancier. Tous ses tableaux sont d'une exécution consciencieuse et le côté moral s'y montre toujours dans une manière bruyante et capricieuse qui lui est propre ».
Bénédicte Gaulard,
in : Guide - musée des beaux-arts de Dole, 2009.
Comme Dieu prodigue ses biens à ceux qui ont fait vœu d'être siens, Échange de bons procédés marque l'anticléricalisme du peintre, son engagement républicain. Ici le trait est plus direct, acéré. Point de jeu sur le titre, le figuré suffit. Le républicain qu'est le peintre souligne la collusion de ces figures du clergé et de l'armée. L'alliance du sabre et du goupillon se dénote dans l'échange du shako, de la bouffarde et du bréviaire. Les trognes, l'affaissement du curé, gras et satisfait de lui-même, sur le militaire, maigre et droit, mais hilare, montre bien qui soutient qui dans cette première décennie de la République. Un parfum d'Empire flotte encore dans les campagnes doloises, et ces deux piliers du régime défunt s'entendent encore comme larrons en foire. On soutiendra pourtant que la composition de la toile, sa truculence implicite qui tranche avec l'ordinaire de la production de Gustave Brun, plus directement politique, souligne en creux les progrès de la cause républicaine. L'engagement du peintre s'affirme là plus nettement, la charge, plus incisive, se renforce de la frontalité de la toile. Une réalité sociale se donne à voir, l'ironie du trait la dévoile. C'est sans doute là la fonction du voile noir, flottant à droite de la calèche, comme un rideau brutalement tiré. Voici les coulisses de l'ordre social.
Vincent Chambarlac,
in : Éclectique XIXe, les beaux-arts à Dole, 1820-1880, 2014.
• "Il s'exprime avec une grande force dans les scènes de genre où il dénonce la condition précaire du paysan face au bourgeois-propriétaire, ou le ridicule du clergé. On décèle des parentés avec l'école de Barbizon dans ses paysages"
C. Joly
• "Se réclame d'un socialisme terrien, anticlérical et pacifiste"
M. Vernus
• Élève de F. Besson à Dole, atelier de J. Gigoux à Paris. Revient à Dole en 1856. Emprisonné lors du coup d'état de Louis Bonaparte le 2 décembre 1851. Lègue à la ville de Dole l'ensemble de son œuvre.
Expositions :
— Salon des Artistes Français 1840-49, 1840 Gilbert dans sa mansarde, 1845.
— Le propriétaire et son fermier (Brun en fait plusieurs copies et autorise sa reproduction sous forme de lithographie ; Degas s'en est peut-être inspiré pour son Portrait de la famille Belleli), 1847.
— L'ivrogne et sa femme (musée de Dole).
Quelques peintures et dessins dans les musées d'Amiens, Dijon, Paris (Louvre), Strasbourg ; au musée de Dole : esquisses humoristiques, Autoportrait, Maison au bord de l'eau, Le retour du fils prodigue (1878).
In : Encyclopédie des arts en Franche-Comté
Jacques Rittaud-Hutinet & Chantal Leclerc, 2004
Tous nos remerciements à Samuel Monier, coordinateur des expositions temporaires et chargé des collections au musée des beaux-arts de Dole pour son aide et sa générosité.