La sculpture franc-comtoise existe-t-elle ? C'est par cette question rhétorique et quelque peu irrévérencieuse qu'il faut peut-être commencer pour remonter le fil dont le premier brin semble plutôt bourguignon et plus probablement encore, flamand. C'est en effet à la fin du XIVe siècle que Philippe le Hardi, duc de Bourgogne dont les états occupent peu ou prou la Bourgogne et la Franche-Comté actuelles ainsi que la Flandre, fait venir de Haarlem à Dijon Claus Sluter pour venir renforcer l'équipe de plus de deux-cent cinquante ouvriers qui travaillent alors à la chartreuse de Champmol, fondée par le même Philippe le Hardi en 1383. Le profond réalisme de l'art de Sluter va révèler une nouveauté qui s'opposera au "gothique international" et amorcera la Renaissance dans le duché et le comté de Bourgogne.
Claus Sluter n'a semble-t-il pas laissé de sculptures en Franche-Comté mais son continuateur (qui est également son neveu et son élève), Claus de Werve, est l'auteur, entre autre, d'une statue que d'aucuns considèrent comme son chef-d'œuvre, La Vierge à l'enfant, offerte en 1415 par Jean Sans Peur à Sainte Colette, fondatrice du couvent des Clarisses de Poligny, et qui aujourd'hui trône en pièce maîtresse des arts médiévaux au Metropolitan museum de New-York.
C'est donc à partir du XVe siècle que se développe une sculpture originale en Bourgogne que ce soit dans le duché ou le comté. L'exposition qui eut lieu à Dole en 2007 contribua à remettre dans la lumière l'excellence du travail des Claus Sluter, Claus de Werve, Jean de La Huerta et autres Antoine le Moiturier dans notre région :
(extrait de La sculpture du XVe siècle en Franche-Comté, catalogue de l'exposition)
Le patrimoine sculpté conservé dans les églises de l'ancien comté de Bourgogne est effectivement remarquable et pourtant fort méconnu de nos jours du grand public. Aussi, cette publication se propose d'en faire découvrir une des périodes les plus prestigieuses, par la somptuosité de l'art qui se manifesta au XVe siècle et au début du siècle suivant. Ce fut souvent grâce à de grands commanditaires, le duc-comte de Bourgogne Jean sans Peur en premier lieu, mais aussi jean Chousat, gouverneur des finances ducales, Jean Langret (né à Poligny ou à Salins), évêque de Bayeux, Aimé de Chalon, abbé de baume-les-Messieurs, Jean Chevrot, chef du conseil ducal, ou parmi d'autres encore, que purent s'exprimer les artistes de ce temps. Dans la continuité des chefs-d'oeuvre de la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny, des établissements religieux comme ceux de Château-Chalon, Baume-les-Messieurs, Dole et Salins-les-Bains mais également des chapelles privées et de simples chapelles paroissiales furent ornés à leur tour de sculptures de qualité. Les églises du Jura, et plus modestement du Doubs ainsi que de Haute-Sâone, conservent un ensemble statuaire remarquable dont la majeure partie relève de l'influence bourguignonne, et notamment des grands sculpteurs que furent Claus Sluter, Claus de Werve, Jean de La Huerta et Antoine le Moiturier. D'autres courants stylistiques, germaniques ou champenois, ont également marqué ce territoire de leur empreinte artistique.
Après cette amorce aussi prometteuse en qualité qu'en quantité force est de constater que la source tarit un peu sans pourtant s'assécher totalement. On s'intéressera avec avantage à quelques noms qui laisseront en Franche-Comté mais aussi en Bourgogne — deux "entités" vraiment distinctes depuis la fin du duché de Bourgogne ou, du moins, sa division après la mort de Charles le Téméraire au siège de Nancy en 1477, l'ancien duché revenant au royaume de France et le comté aux Habsbourgs d'Autriche et d'Espagne — des Å“uvres dignes du plus vif intérêt : le Salinois François Landry et le Graylois Hugues Sambin et bien évidemment celui que l'on considère comme le sculpteur renaissant franc-comtois : Claude Lullier (un autre Graylois), dont on peut d'ailleurs admirer un buste mutilé au charme très antique à Salins-les-Bains.
Viendront ensuite Pierre-Étienne Monnot (Sépulture du pape Innocent XI, basilique Saint-Pierre de Rome), Claude Dejoux (Très beau Saint Sébastien au musée du Louvre), Claude-François Attiret (plusieurs sculptures au Louvre) ou encore Luc Breton (Saint Jérôme écrivant, terre cuite, musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon).
Le XIXe siècle ici comme ailleurs en France et en Europe est un foisonnement artistique. La liste des peintres et des sculpteurs nés dans notre région à cette époque est éloquente par le nombre et la qualité des œuvres. Deux noms retiennent plus particulièrement notre attention : Auguste Clésinger (Euterpe (1850), muse de la Musique, ornant le Monument funéraire de Frédéric Chopin, Paris, cimetière du Père-Lachaise) et Jean-Joseph Perraud (Le Drame lyrique sur la façade du palais Garnier à Paris), ces deux artistes, peut-être un peu oubliés aujourd'hui, defrayèrent parfois la chronique au moins pour le premier par ses audaces artistiques (Femme piquée par un serpent (1847), marbre, Paris, musée d'Orsay) ainsi que par ses amours tumultueuses avec la belle Solange Dudevant (la fille de George Sand) ou encore l'aventurière Berthe de Courrières, ou connurent, surtout peut-être pour Perrault, les honneurs et les commandes officielles.