J'ouvre les écluses des ténèbres
fraîches pareilles aux dents du trèfle
que ce corps se repose
comme n'étant pas le mien
La grande moisson des orages est proche
Coupe les pieds du cheval pour qu'il se ressemble
Coupe les ponts pour mieux sauter
Cherche les larmes boiteuses dans une botte de foin
Corps cassé qui a joué au jeu du volant
Alice Rahon, Sablier couché
Rahon / Braun / Schuffenecker
Chon / Lombardot, exposition au Manoir
Chenecey-Buillon (Doubs), 1904 - Mexico, 1987
J'aimerais beaucoup connaître le chemin, que j'imagine volontiers tortueux et improbable, qui conduisit une modeste jeune fille des communs d'un hôtel parisien à la fréquentation de Pablo Picasso, d’André Breton ou encore de Man Ray. Son mariage avec le peintre Wolfgang Paalen et le tour du monde en compagnie d’une amie… et puis le Mexique, Frida Kahlo, Diego Rivera, Anaïs Nin, Octavio Paz… des expositions personnelles aux États-Unis, au Mexique, au Canada, à Paris… et finir dans une maison de retraite à Mexico, (presque) parfaitement oubliée du pays qui l’a vue naître.
DAS
À l'origine, dans la nuit des temps, la peinture était magique ; elle détenait la clé de l'invisible. À cette époque-là, la valeur d'une œuvre dépendait de son pouvoir d'évocation, pouvoir inaccessible au seul talent.
Tel le shaman, la sibylle ou le sorcier, le peintre devait se faire humble, afin de pouvoir assister à l'apparition des esprits et des formes.
Aujourd'hui, nous vivons à un rythme qui nie le principe primordial de la peinture ; conçu dans la contemplation, le contenu émotif d'un tableau ne peut être perçu en dehors de la contemplation.
L'invisible nous parle et l'univers qu'il décrit prend la forme d'apparitions ; il éveille en chacun de nous la nostalgie du merveilleux et nous en montre le chemin, celui de la grande conquête de l'enfance et qui se perd lorsqu'on nous impose un système d'éducation rationnelle.
Peut-être aurons-nous déjà vu la Cité d'Émeraude dans quelque rêve lointain provenant de la réserve émotionnelle commune à tous les êtres humains. En entrant par la porte des Sept Couleurs, nous voyageons le long de l'Arc-en-Ciel..
Alice Rahon, Mexico, 1951.
Adolphe Braun, l'évasion photographique
Besançon, 1812 - Dornach, 1877
Adolphe Braun, bien que né à Besançon, est considéré comme un photographe alsacien, l'implantation de son entreprise se situant à Dornach, ville aujourd'hui rattachée à Mulhouse.
Moins connu que Gustave Le Gray ou qu'Eugène Adget il fut néanmoins l'un des photographes les plus influents du xixe siècle, ses ateliers, employant alors plus de cent personnes, jouissaient d'une réputation mondiale.
Ce Nadar des fleurs, comme l'appelera Pierre Bonnard, obtient son premier succès à l'exposition universelle de 1855 avec sa série "Les Fleurs photographiées". Ces troublantes natures mortes qui ressortent à la fois du travail de l'artiste et de celui du naturaliste sont une sorte de synthèse photographique entre les aquarelles de Pierre-Joseph Redouté et la tradition de la peinture florale néerlandaise (Jan van Huysum, Gérard van Spaendonck…). Une autre série, plus tardive, les "panoplies de gibier", ne compte que huit exemplaires. Encore une fois la parenté avec l'école du nord de la nature morte est assez évidente, notamment avec un autre peintre de fleurs (et de gibier), Willem van Aelst.
Adolphe Braun laisse aussi une magnifique série de paysages de montagne, prises de vues effectuées principalement en Suisse où la qualité, tant du tirage que du cadrage, étonne toujours après presque 150 ans.
Une de ses dernières séries, à la fois tragique et touchante, est celle qu'il fit après les combats de la guerre de 1870 et ceux de la Commune et qui rend compte de la "terrible beauté" des destructions…
Deux autres sujets, perpétués après la mort d'Adolphe Braun par son fils Gaston, méritent également notre attention, il s'agit du musée photographique, inventaire que fit celui-ci des collections de certains musées européens, Louvre, Albertina, Offices, Vatican, et de la relation photographique d'un voyage en Égypte qu'il fit avec un autre photographe, Amédée Mouilleron, à l'occasion de l'inauguration du canal de Suez en 1869.
Le musée Unterlinden de Colmar présente, du 17 février au 14 mai 2018, une exposition qui retrace le parcours artistique et industriel d'Adolphe Braun. Un catalogue, très soigné, avec de magnifiques tirages, est édité à cette occasion.
DAS
Émile Schuffenecker, peintre, anar, faussaire
Fresne-Saint-Mamès (Hte-Saône), 1851 - Paris, 1934
La presse et la critique ne sont pas tendres avec l'œuvre d'Émile Schuffenecker, et pourtant…
Sans ce bon Schuffenecker Gauguin n'aurait peut-être pas eu le succès qu'on lui connaît… « Sans l’exemple et le soutien de Claude-Émile Schuffenecker, son ancien collègue chez l’agent de change Bertin, Gauguin ne serait pas devenu artiste. », c'est le constat tout à fait définitif que professe l'historienne de l'art Jill-Elyse Grossvogel, auteure du catalogue raisonné de l'artiste… Mais c'est du point de vue artistique que la critique se fait sentir, que le bât blesse, il serait "un peintre désespérément dépourvu de créativité", ce qui ne saute d'ailleurs pas véritablement aux yeux… Ses vues d'Yport, de Bretagne, sans atteindre des sommets d'originalité, ne sont pas dépourvues d'un certain charme… On lui repproche surtout de peindre "à la manière de", de s'inspirer un peu trop du talent d'autrui… Il fut tout de même l'un des catalyseur et des initiateurs de l'école de Pont-Aven… Il devait d'ailleurs avoir un certain talent pour peindre "à la manière de" puisqu'on le suspecte encore d'avoir peint quelques unes des toiles les plus célèbres de… Van Gogh ! Certains spécialistes de l'art prétendent en effet que les fameux Tournesols, vendus tout de même 39 millions de dollars en 1987, seraient en fait une "œuvre" (entre autres) de ce bon Schuff…
Une chose est sûre, au moins, c'est qu'Émile posséda, avant de devoir les vendre pour renflouer ses avaries pécunières, plusieurs toiles de Van Gogh, Cézanne et Gauguin ce qui ferait de lui, aujourd'hui, un multi-multi millionnaire…
Il mourût pourtant dans une relative misère, matérielle et psychologique, délaissé, oublié, professant et vitupérant des idées plus ou moins anarchistes ce qui lui valut le surnom ironique et pathétique, à la fin de sa vie, de Schuff le rouge.
DAS
Miyeon Chon / Rémi Lombardot
Le Manoir, Mouthier Haute Pierre, 23.04 - 03.06 2018
Le Manoir de Mouthier Haute-Pierre, dans la haute vallée de la Loue est une bâtisse reconstruite au xviiie siècle, sur des caves toujours présentes du xvie siècle. Elle fut, le siècle dernier, successivement un hôtel restaurant réputé, puis un centre d’accueil pour jeunes Allemands en difficulté.
Aujourd’hui le Manoir est un centre d'art et de villégiature. Un concept unique qui associe art, hébergement et promenades culturelles. Il est géré par l'association des Amis du Manoir de Mouthier Haute-Pierre.
Le Manoir présente, à partir du 23 avril et jusqu'au 3 juin, les tableaux de Miyeon Chon et de Rémi Lombardot.
DAS