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Paul Krôn

(1869-1936)


Paul Krôn (ou Paul Kron), né le 18 mars 1869 à Besançon et mort le 17 janvier 1936 à Paris, est un artiste-peintre français.



Paul Krôn

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Peintre de l’École française, rattaché par René Huyghe au courant qui joint le fauvisme à l’impressionnisme, mais qui resta toujours très indépendant, Paul Krôn est l’auteur d’une œuvre riche et dense qui comportait à sa mort quelques centaines de paysages, de marines et de natures mortes et de très nombreux dessins. Plusieurs critiques d’art du XXe siècle, et non des moindres, l’ont placé parmi les très grands artistes de l’époque en exaltant chez lui le « peintre de la lumière ».
Né le 18 mars 1869 à Besançon, dans le Doubs, de père alsacien et de mère champenoise, il avait huit ans quand sa famille vint habiter Lyon. Âgé de douze ans à la mort de son père, il dut quitter l’école et commencer à travailler. À treize ans, il se fractura la jambe en sautant dans un train en marche. Il mit à profit une longue période de convalescence pour reprendre ses études ; mais surtout, la souffrance physique et l’impossibilité de se mêler aux jeux de son âge exercèrent sur lui, même après sa guérison, une profonde influence. Très vite, le goût du dessin lui était venu et on ne devait plus jamais le voir sans un petit bout de crayon dont il se servait sans relâche. Il avait seize ans quand sa mère quitta Lyon pour Marseille avec ses enfants. Vendeur dans un magasin de confection pour hommes, il faisait des dessins pour décorer les étiquettes et fut remarqué par Adolphe Monticelli. C’est de lui qu’il reçut le conseil de n’avoir pour maître que la nature et de beaucoup travailler, conseil qu’il suivit scrupuleusement.
Il rêvait d’aller à Paris et de devenir peintre. C’est seulement après être resté cinq ou six années à Marseille qu’il put décider sa famille à se rendre dans la capitale. Ayant débuté dans l’industrie, il consacrait tous ses instants de liberté à la peinture et à sa famille. Il ne fréquentait pas les autres peintres et jamais il n’appartint à un quelconque groupe. Sans avoir le goût de la solitude, il se sentait porté à travailler en isolé. À 32 ans, il épousa une jeune fille de Reims.
Il épousa l'héritière de Grand Magasin et fut d'après le baron Empain (son contemporain) l'un des meilleurs vendeurs de produits métallurgiques jamais rencontrés. Il fut un temps le meilleur marchand de faïence sur Paris, tout en continuant ses activités industrielles.
L’art occupa progressivement une place prépondérante dans sa vie avant de prendre sa vie tout entière. Il se mit à collectionner les faïences, où son goût très sûr en fit bientôt l’un des connaisseurs incontestés de Paris et lui permit d’ouvrir un magasin ; mais tous ses jours de liberté et de très longues périodes de vacances furent consacrés entièrement à la peinture. De chaque sortie, il revenait avec une toile achevée en plein air, que jamais il ne retouchait en atelier. Le travail d’intérieur était réservé aux natures mortes, aux portraits et à des études qui ont surtout la valeur de recherches.

Plusieurs expositions commençaient à le mettre en renom (deux chez Bernheim-Jeune en 1933 et une chez Eugène Blot en 1935) lorsque, le 17 janvier 1936 à Paris, il succomba à une maladie dont il avait souffert pendant plusieurs années, mais qui ne l’avait pas empêché de peindre jusqu’à la veille de sa mort avec plus d’exaltation que jamais.
Son œuvre comprend principalement des paysages, des natures mortes, des marines, des églises, des sujets religieux, des portraits et de nombreux dessins. Il faut signaler tout particulièrement une suite de quatre très grandes toiles sur les places et les monuments de Paris : « l’Opéra », « la Concorde », « l’Étoile » et « Notre-Dame de Paris ». Plusieurs de ses tableaux figurent au musée d’Art Moderne (Bateau au Pyla), au Petit-Palais (Chrysanthèmes) et au musée de l’Île-de-France à Sceaux (L’Île de la Jatte). Il laissait également une collection composée d’un millier de pièces de Delft, d’Italiens et d’autres faïences, céramiques ou porcelaines. Certaines appartiennent maintenant à des institutions publiques.


COMMENTAIRES SUR SON ŒUVRE


Sur l’art et l’œuvre de Paul Krôn, de nombreuses appréciations ont été données, qui permettent d’en présenter une idée aussi approchante que possible.


Germain Bazin déclarait ainsi en 1933 : « Si l’on veut chercher à Paul Krôn une paternité spirituelle, c’est à Claude Monet qu’on songe, au Monet des séries de Londres ou de Venise. Comme les tableaux du peintre de Giverny, les œuvres de Paul Kron sont un poème exalté de lumière ; coloriste fougueux, Paul Kron le reste cependant à la manière impressionniste en ce sens que sa couleur est une propriété de la lumière, une couleur de reflet ; c’est la lumière qu’il exalte comme le maître des Nymphéas et non la couleur, et ses gammes de tons restent celles de l’impressionnisme. Mais la fougue avec laquelle il l’exalte montre, par contre, en lui le tempérament d’un fauve. Alors qu’un tableau de Monet est un scintillement, un tableau de Paul Kron est un tourbillon lumineux [...] Le spasme, la torsion, le tourbillon sont les caractères de l’écriture plastique de ce peintre qui doit peindre dans une sorte d’état de transe où son âme sent s’entrechoquer en elle le flux et le reflux du dynamisme universel. »

René Huyghe (1934) : « Comme les Impressionnistes, Paul Krôn sait voir dans le monde livré à la lumière les fêtes subtiles de l’impalpable, mais il demande à cette flamme plus que ses reflets. »

Louis Vauxcelles (1934) : « Devant un Krôn, vous ne percevez dès l’abord qu’un flamboiement qui éblouit, un enchevêtrement de tons purs et diaprés, de touches furieuses [...]. Mais, à la distance optique, insistez, c’est-à-dire regardez longuement : les plans vont s’étager, les objets - masse de frondaisons, groupes de figures, nuages qui se poursuivent - prendre chacun sa place, son plan, son volume ; l’harmonie s’établit, l’équilibre s’assure ; du chaos apparent l’ordre surgit et le miracle s’opère [...] Paul Krôn est un narrateur étonnant de la fluidité [...] [Certains de ses] ouvrages sont assurés de durer ; leur spontanéité, leur jaillissement, c’est la vie même captée à sa source. En cet art, où rien n’est détaillé, mais où tout est suggéré et allusif, la vérité est profonde [...] Paul Krôn, admiré d’une élite, mal connu de la foule et des critiques, sera une des révélations de demain [...] » Et le même, l’année suivante : « Paul Krôn est un étonnant analyste de la fluidité et de l’espace [...] Si sa méthode offre quelque rapport avec celle des impressionnistes, sa technique est personnelle et son style authentique. »

René Barotte (1947) : « Ses paysages sont d’une limpidité, d’une sensibilité exquises. »

Pierre Descargues (1947) : « Paul Krôn fut un peintre partagé entre le goût des délicatesses de l’impressionnisme, des raffinements colorés [...] et le désir d’une peinture expressive, d’une peinture d’atmosphère où un grand souffle puissant et joyeux soulève les éléments du paysage. »

René Domergue (1947) : « Cet artiste prend place aujourd’hui parmi les meilleurs. »

Bernard Dorival (1947) : « [C’] est une peinture robuste [...], dense et d’un caractère décoratif somptueux. »

Charles Dornier (1947) : « L’œuvre de notre compatriote est digne [...] de prendre sa place, particulièrement éminente, dans l’histoire de l’art contemporain. »

René Jean (1947) : « [C’] un peintre amoureux de la lumière et de ses féeries. »

Jean Saucet (1953) : « Paul Krôn, injustement méconnu, aurait dû être placé parmi les impressionnistes ; la richesse de ses coloris, l’épaisseur, disons mieux, la volupté de cette pâte doit permettre à l’œuvre de Krôn de trouver sa consécration. »

Marcel Astruc (1971) : « À mon avis, [c’]est un pur impressionniste se rattachant directement à Monet et non loin de son glorieux modèle [...] Plusieurs [de ses] toiles sont même nettement supérieures. Pour me résumer, après examen, Paul Krôn est selon moi le dernier, en date, des impressionnistes purs et simples, et, je le répète, non des moindres. »

Gérald Schurr (1971) : « Paul Krôn ne se classe dans aucune école [...] Néo-Impressionniste ? Il l’est certainement par la rapidité du coup d’œil, par le raffinement des teintes et le refus d’utiliser le noir dans sa palette, par l’art de saisir et de piéger la lumière fugitive, “ l’impression ” du moment. Réaliste ? Sans doute puisque c’est toujours la nature qui déclenche chez lui l’inspiration [...] Expressionniste ? Oui, si l’on examine la puissance de la couleur envisagée pour la volupté du regard, le dynamisme du trait qui définit. Fauve, il l’est aussi dans ce tourbillon fougueux qui entraîne la fusion des tons purs, dans ce flamboiement des rouges profonds et des jaunes ensoleillés [...] Voilà pourquoi ses toiles ont admirablement vieilli : comme Renoir, Krôn connaissait les secrets de la patine qu’apporte le temps – et de la lisibilité [...] Mais qu’on ne s’y trompe pas. En dépit de sa séduction, il ne s’agit pas d’une œuvre “ facile ” : elle exige du spectateur attention et participation [...] Paul Krôn nous laisse aujourd’hui sa meilleure part : des toiles fulgurantes qui n’ont pas fini de livrer leur secret. »

Jeanine Warnod (1981) : « Chez Krôn, le bonheur de peindre va de pair avec le tumulte intérieur. »

René Huyghe, de l’Académie française (1986) : « Quel plaisir de retrouver Krôn, une fois encore, et de constater quel rôle majeur il joue dans la lignée qui va de Monticelli au fauvisme et à l’impressionnisme. »






PREFACE DE LA VENTE PAUL KRON
Vente Ader-Norman à Drouot le 23 janvier 2013


Lorsque, très modeste amateur, pourvu pour seul bagage artistique d’une tendresse de petit-fils, aidée, il est vrai, de cette fréquentation quotidienne obligée, quoique toujours lointaine et mystérieuse, avec l’œuvre de son grand-père décorant la maison où l’on vécut enfant, on se met, un peu plus tard, à contempler sa peinture, on ne peut guère faire mieux que d’en admirer la force et la luxuriance, avant d’en apercevoir, étonné, la légèreté. Et quand on la redécouvre, quelques années ayant passé, par les yeux de ceux qui savent et qui savent décrire ce qu’ils voient, c’est un étrange univers, aussi familier qu’inconnu, qui s’offre soudain en surabondance.
Certes, le style puissant de ces hommes d’art et de lettres, de plume et de pinceau, qui leur sert à faire comprendre leur passion, par sa précision et sa richesse, joue un rôle didactique de tout premier plan, mais ce qui frappe avant tout dans la profusion de leurs admirations, c’est la perspicacité avec laquelle chacun d’entre eux, avec sa sensibilité propre, semble avoir saisi le fond de l’âme du peintre, telle qu’il a voulu la traduire en féerie plastique pour le bonheur de celles des autres.
En leur ouvrant son atelier, en les faisant pénétrer dans son intimité d’artiste, en leur confiant ses toiles, c’est en pensant à cela et à ceux qui en seront dignes que le petit pincement ressenti à les voir s’éloigner à jamais sera converti en ce que souhaitait l’homme et le peintre : l’expression de sa générosité.

Christophe Levantal