« Je mourus très vieux, exempt de toute infirmité. »
« Pour éviter que, dans l'avenir, sept villes ne se disputent l'honneur de m'avoir donné le jour, je déclare que je suis né à Vesoul. Aucun prodige n'eut lieu le jour de ma naissance et c'est bien étonnant... Le siècle avait alors vingt-quatre ans. »
Jean-Léon Gérôme, Notes autobiographiques, 1876.
« Je crois que je mérite d’être un peu tranquille, j’ai eu quarante-cinq visites et sur quarante-cinq, il y en a eu quarante-deux qui ont parlé du tableau de Gérôme ! »
Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleur
« On peut violer l'histoire à condition de lui faire de beaux enfants. »
Alexandre Dumas père
« Il est évident que l’objet du poète est, non de traiter le vrai comme il est arrivé, mais comme il aurait pu arriver. »
Aristote, Poétique, IX, 1
« Il faut marquer de blanc cette année heureuse. Un peintre nous est né, il s'appelle Gérôme. Aujourd'hui, je vous dis son nom, je vous prédis que demain il sera célèbre. »
Théophile Gautier, à propos du Salon de 1847.
Jean-Léon Gérôme, Vesoul, 1824 - Paris, 1904
peintre d'histoires
À l’origine du film Gladiator il y a un tableau de Jean-Léon Gérôme, peintre franc-comtois né à Vesoul en 1824.
Ridley Scott raconte en effet que c’est en regardant le tableau Pollice verso ("Pouce retourné") au musée de Phoenix (Arizona, USA) que lui vint l’idée de cette super-production hollywoodienne qui redonna du lustre à un genre alors abandonné depuis la fin des années soixante, le peplum.
De ce côté de l’atlantique (le nôtre), on considère souvent la peinture pompier sinon avec mépris du moins avec une moue ostensiblement consternée. Il semblerait qu’il n’en soit pas de même outre-atlantique où elle est regardée et appréciée avec une certaine bienveillance. De très nombreuses toiles de Gérôme sont dans les collections américaines, publiques ou privées (notamment celles des acteurs Jack Nicholson et Sean Connery).
Gérôme fut avec Messonnier, Bouguereau, Cabanel (…) parmi les derniers grognards protégeant et exaltant la peinture académique qui jetait, à la fin du XIXe siècle, ses derniers feux si l’on peut dire. Le tsunami de la modernité, inexorable, contre laquelle il ne cessa de vitupérer, engloutit impitoyablement ces derniers tenants et creusa une fosse si profonde pour les ensevelir que c’est à grand peine qu’aujourd’hui ils en émergent.
À contre-courant du roman bourgeois du XIXe siècle, Gérôme, lorsqu’il fit part de son intention de devenir peintre, ne vit pas cet aveu marqué du sceau de la malédiction paternelle mais au contraire fut affermi dans son choix par l’aide substantielle et pécuniaire de ses parents. Il fut envoyé à l’école des Beaux-Arts de Paris où il fut l’élève du très académique Paul Delaroche puis du non moins académique Charles Gleyre.
Sa carrière débute au Salon de 1847 où il se fait remarquer avec Jeunes Grecs faisant combattre des coqs (musée d'Orsay) et, dès lors, le succès ne tarira plus. Il sera l'un des artistes et peut-être le peintre le plus connu du second empire. Doué d'une vitalité et d'une force de travail peu communes il mène de front vie mondaine, activité artistique, voyages et enseignement.
Contrairement à l'image quelque peu austère que l'on pourrait avoir de lui c'est un jovial, un bon vivant, goûtant les bons mots, et aimant bonne chère. Sa classe à l'École des Beaux-Arts de Paris laissera le souvenir d'un joyeux foutoir et d'un professeur adoré par ses nombreux élèves.
Italie, Turquie et surtout Egypte… Gérôme est aussi un grand et inépuisable voyageur. Dans ses tableaux, les scènes de genre orientalistes et des scènes au caractère mythologique, historique ou religieux attestent de son goût pour l’Orient et l'Antiquité. La finesse et la précision de son dessin, le goût du détail ainsi que la précision et la vérité des objets, des vêtements sont caractéristiques de ses toiles, et témoignent de la maîtrise technique du peintre et de ses recherches méticuleuses et savantes. Les scènes de bain aux décors d’arabesques, aux tissus soyeux disposés çà et là, à l’atmosphère intimiste et à la lascivité réelle ou fantasmée sont des topiques de sa peinture. Il n’est d'ailleurs qu'assez rarement un peintre d’Histoire, celle-ci, et on le lui reprochera, est souvent revisitée, théâtralisée. Il aime l’anecdote ou le grandiose, plus rarement la vraie vérité.
Gérôme a su, avant l'invention du cinéma, peindre ce que le public aurait aimé voir et donner du pathos à l'histoire ou à l'ethnologie. Son œuvre, immense et protéiforme, si elle est encore un peu sous le boisseau, retrouve un peu de vigueur grâce au cinéma mais aussi aux expositions qui la remettent à l'honneur, notamment celle qui eut lieu au musée d'Orsay en 2010, Jean-Léon Gérôme (1824-1904) L'Histoire en spectacle.
RL
⇒ La Vie et l’œuvre de Jean-Léon Gérôme, Gerald Ackerman, ACR Édition, collection « Les orientalistes », 2000 (ISBN 9782867701375).
⇒ Jean-Léon Gérôme, 1824-1904 : peintre, sculpteur et graveur, ses œuvres conservées dans les collections françaises publiques et privées, Gilles Cugnier, Gerald Ackerman, catalogue exposition, Musée Georges-Garret, Vesoul, 1981
⇒ Jean-Léon Gérôme (1824-1904), l'histoire en spectacle, Laurence des Cars, Dominique de Font-Réaulx, Edouard Papet, Éditions Musée d'Orsay et Skira-Flammarion , 2010, (ISBN 9782081241862)
⇒ Jean-Léon Gérôme. Désir d'Orient (1824-1904), Olivier Deshayes, Paris, L'Harmattan, 2018, 292 p. (ISBN 9782343152837)
⇒ Gérôme, peintre de 1001 histoires, Le Petit Léonard, n° 153, Éditions Faton, décembre 2010
⇒ Jean-Léon Gérôme, l'histoire en spectacle, Dossier de l'art n° 6, éditions Faton, 2010
⇒ Gérôme, peintre et sculpteur: L'homme et l'artiste d'après sa correspondance, ses notes, les souvenirs de ses élèves et de ses amis, Charles Moreau-Vauthier, Hachette, 1906
⇒J.-L. Gérome (1824-1904): souvenirs et notes, Albert Soubies, Flammarion, 1904
⇒ J.-L. Gérome, Henri Roujon, de l'Académie Française, in : Artistes et amis des arts, Ed. Hachette, 1912.
⇒ De Artibus Sequanis, Jean-Léon Gérôme.