Jules Adler, La grève au Creusot

« Quand je raconte en mon langage d’artiste le chemineau qui chante de toute sa force la joie de la grande route, quand je décris les paysages, les pêcheurs, les ouvriers des faubourgs, les joies du peuple, ce n’est qu’une sorte d’autobiographie. C’est le pays qui chante en moi. Je n’ai qu’à chercher dans mes souvenirs l’écho de ces sympathies. »

Jules Adler

« C'est à chanter le peuple, ses peines, ses joies, ses rudes travaux, que Jules Adler s'est appliqué avec prédilection. Pleine de tendresse pour les humbles, son œuvre dénote un cœur que les souffrances humaines ne laissèrent point insensible. Sans souci des théories politiques ou sociales, parce qu'un impérieux instinct l'y poussa de bonne heure, il s'est tourné vers les malheureux que le sort ne favorisa point, vers ceux qu'épuise un dur labeur ou qui vivent en marge des conventions reçues et des conformismes ordinaires. »

Lucien Barbedette, Le peintre Jules Adler, 1938.

« [Adler] a incarné, avec un esprit de suite et une maîtrise si rare, les meilleures aspirations de l'idéal et du socialisme moderne. »

Roger Marx, lettre à A. Briand du 22 déc. 1906

 


Jules Adler, 1865-1952, le peintre des humbles

Amélie Lavin, conservatrice du musée des beaux-arts de Dole, débute l'introduction, si l'on peut dire, du catalogue de l'exposition Jules Adler, peindre sous la troisième République par une question à la fois rhétorique et gentiment irrévérencieuse :
« Qui connaît aujourd'hui le peintre Jules Adler ? »
Personne… ou presque… même si tout lycéen qui se respecte a tenu au moins une fois entre ses mains une édition de poche du Germinal de Zola avec sur la couverture une reproduction de La Grève au Creusot de Adler…
Personne… et pourtant cet enfant de Luxeuil (1865-1952), fils d'une respectable famille de commerçants juifs qui "jouit d'une fortune honorable", modèle de la méritocratie républicaine, dont de nombreuses œuvres furent achetées par l'État, fut plusieurs fois médaillé et salué par ses pairs (médaille d'honneur du Salon en 1923, médaille d'officier de la légion d'honneur ou encore récipiendaire du prix Bonnat (1938) décerné par la Société des Artistes français) et fit une brillante carrière de professeur à l'école des beaux-arts de Paris.

Zola, Germinal, livre de poche, Jules Adler
Émile Zola, Germinal, ed. du Livre de Poche

Jules Adler a vécu presque cent ans entre la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle mais sa peinture reste (on a presque envie d'ajouter "désespérément") celle d'un artiste du XIXe siècle tributaire, quand ce n'est déjà plus l'heure, du carcan Naturaliste et définitivement rétif aux spéculations formelles et intellectuelles de la modernité naissante. Cette non-adhésion aux "dogmes" du moment ne l'empêche pas d'avoir sur le tard une lucidité mâtinée d'aigreur sur son art, il écrit ainsi au peintre Augustin Hanicotte : « Tu as beau être d'opinion et de tendance très avancée, tu n'es plus, comme moi, qu'un vulgaire pompier. La sculpture devient cubiste […], nous sommes des réactionnaires très en retard. »

Mais, au-delà de la trace parfois fugace que laisse un artiste dans le ciel de l'Art, son parcours et son inscription (ou non) dans l'époque qui voit son acmé, présentent souvent un intérêt qui dépasse la simple anecdote biographique. Ainsi l'œuvre de Jules Adler peut-elle se décomposer en deux périodes assez distinctes. L'une, militante, témoigne des rudesses sociales, des luttes ouvrières, de l'injustice politique et peint sans détours, avec la force et la vérité un peu exaltée du Naturalisme, "la vraie vie des vrais gens". L'autre, à partir des années 20, est celle de la maturité et de la vieillesse. Elle mêle apaisement et désabusement, jette un regard triste sur un monde qui s'en va et dit l'échec à écrire cette "histoire des vaincus […] qui ont été contraints au silence" et l'impossibilité d'être le témoin d'incommensurables changements politiques à l'aube de la plus grande guerre qu'ait connue l'humanité.

Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, exposition Jules Adler
MAHJ, exposition Jules Adler du 17 octobre 2019 au 23 février 2020."

En 1936, alors que Hitler est au pouvoir en Allemagne, que l'Espagne est à feu et à sang, que le Front populaire gagne en France les élections, Adler, qu'on appelait alors le peintre des humbles et qui aurait voulu être le chantre des déshérités, des damnés de la terre, peint Mon vieux Luxeuil

Jules Adler a été récemment, et avec beaucoup d'intelligence, remis dans la lumière grâce à une exposition initiée par le Musée des Beaux-Arts de Dole (en partenariat avec La Piscine de Roubaix et le Palais Lumière d'Évian). À cette occasion un catalogue, richement illustré et dont les différentes et pertinentes entrées mettent parfaitement en perspective la vie de ce peintre et son époque, a été publié. Le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, à Paris donc, reprend celle-ci (exactement dans sa forme ?) à partir du 17 octobre 2019.

RL

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Musée des Beaux-Arts de Dole, Catalogue de l'exposition (commander).

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France Culture, émission Talmudiques, 4 février 2018 : La IIIe République de Jules Adler.

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MAHJ : Jules Adler-Peintre du peuple.

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La Piscine, Roubaix, musée d'Art et d'Industrie Albert Diligent : Jules Adler, peindre sous la IIIe République.

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Palais Lumière, Évian : Jules Adler, peindre sous la IIIe République, dossier de presse de l'exposition.

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Wikipedia : Jules Adler.

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De Artibus Sequanis, Jules Adler

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Lucien Barbedette, Le peintre Jules Adler

De Artibus Sequanis publie in extenso la biographie que L. Barbedette consacra à Adler et qu'il publia en 1938. Cet ouvrage est aujourd'hui presque introuvable et s'il ne présente pas d'intérêt critique de l'œuvre, cette "hagiographie" émouvante témoigne de l'amitié et de la profonde admiration de l'auteur pour l'artiste. Nous avons augmenté le texte de nombreuses illustrations.


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